La crise scolaire s’est largement invitée hier, à l’Assemblée nationale, lors de la séance des questions orales, en présence du Premier ministre et de son gouvernement. Au four et moulin, le ministre de la Fonction publique, Viviane Bampassi, a été particulièrement sollicitée par le Pm pour apporter des éclaircissements sur les négociations en cours avec les syndicats d’enseignants. Seulement, quoiqu’il n’y ait « aucun risque d’année blanche», selon le ministre de l’Education, Serigne Mbaye Thiam, rien ne présage d’un règlement immédiat de la crise, si les enseignants continuent à se cristalliser sur l’un des principaux points d’achoppement des négociations, à savoir l’augmentation de leurs indemnités de logement. Pour cause, le gouvernement a dit avoir atteint le seuil critique et qu’il ne peut plus lâcher du lest sur cette question des indemnités.
La crise que traverse actuellement l’école sénégalaise est un sujet qui passionne vraiment les députés à l’Assemblée nationale. En effet, lors du deuxième passage du Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne, devant les députés à l’hémicycle hier, jeudi 23 avril, cette question a été, à de nombreuses reprises, évoquée. Sur les 13 députés inscrits sur la liste des orateurs, 5 parmi eux, à savoir Aimé Assine, Aminata Guèye, Mamadou Lamine Thiam ainsi qu’Awa Guèye et Mouhamed Khouraichi Niasse, ont axé leurs questions sur la crise que traverse l’éducation. Tous ont exprimé leur inquiétude quant à l’année scolaire tant perturbée par les grèves interminables, non sans vouloir être édifiés sur l’état des négociations entreprises avec les syndicats d’enseignants, surtout sur l’alignement de l’indemnité de logement revendiqué par ceux-ci.
Pour apporter des éclaircissements sur la question, le Pm a eu à faire recours à maintes reprises à Viviane Bampassi, ministre de la Fonction publique, de la rationalisation des effectifs et du renouveau du service public. Actrice principale dans les négociations avec les organisations syndicales d’enseignants, Mme Bampassi a tenu à préciser que «dans le protocole d’accord dont les enseignants réclament la mise en œuvre, à l’exception du Cusems, l’ensemble des syndicats d’enseignants sont tombés d’accord avec le gouvernement pour attendre l’issue d’une étude sur le système de rémunération des agents de l’Etat, pour pouvoir entamer les négociations d’ordre salarial». Selon elle, les résultats de cette sont attendus en fin 2015, car «aujourd’hui, il faut remettre le système à plat, revoir le système de rémunération de la fonction publique avant d’entamer des négociations d’ordre salarial. Sur le prétendu décret qui favorise le corps de la magistrature au détriment des enseignants, Viviane Bampassi a informé que celui-ci n’attribue pas d’indemnité de logement, mais plutôt règlemente l’affectation des logements administratifs pour faire acte de bonne gouvernance.
Pas d’augmentation d’indemnité pour le moment
Sur la synthèse de l’état des négociations avec les syndicalistes, Viviane Bampassi a précisé que le dialogue avec ces derniers a été entamé depuis le mois de septembre, avec pas moins de 6 rencontres. A l’en croire, sur les 34 points du protocole d’accord de février 2014, 24 ont été acquis. Qui plus est, elle a indiqué que pour le reste, notamment les 5 questions qui préoccupent les syndicats, le gouvernement a fait des avancées notoires sur les 4 premiers, à savoir la validation des années de vacatariat, l’habitat, les lenteurs administratives ( régularisation dans la fonction publique, mise en solde et rappel), voire la formation diplômante. Pour ce qui est de l’indemnité de logement, le ministre a «demandé aux syndicalistes de revenir à la raison car dans la fonction publique, il y a beaucoup d’éléments et ce ne sont pas que les enseignants qui doivent être pris en compte».
Cette position ferme de Viviane Bampassi a été confortée par le Pm qui a beaucoup plus axé son temps de parole (normalement de 10 mn) à la virulente question de l’éducation. Pour le chef du gouvernement, il n’y a pas de problème de fond, d’autant plus que le protocole a été déjà signé depuis le 17 février 2014, mais plutôt la prise en charge des engagements de l’Etat. Rappelant par ailleurs que ce protocole est une synthèse des différents protocoles signés par l’Etat du Sénégal entre 2002 et 2012, M. Dionne a indiqué que l’argent pour la mise en œuvre des rappels et la formation est disponible. Toutefois, il a fait savoir que «les 26 milliards à sortir hors indemnité de logement, ça se programme surtout que c’est hors budget». Pour lui, il est impossible d’engager une telle dépense sans le vote de la loi des finances. En clair, Mahammed Dionne a indiqué que «pour l’indemnité de logement, le gouvernement n’a pas la possibilité de l’augmenter». Pour lui, le problème réside dans la programmation de la mise en œuvre du protocole d’accord.
Cette posture du gouvernement recevra-t-elle l’onction des organisations syndicales d’enseignants qui se sont pratiquement figées sur la question du relèvement de leurs indemnités de logement? Voilà toute la question qu’il faudra se poser et qui sera certainement vidée aujourd’hui, vendredi 24 avril. Pour cause, le Pm rencontre les syndicalistes à 16h.
DESENGORGEMENTENT DES PRISONS, EFFRONDREMENT DE BATIMENTS...:Le gouvernement liste ses solutions
Le ministre Sidiki Kaba a annoncé hier, à l’Assemblée nationale, la construction prochaine d’une prison de 1 500 places à Sébikotane. Interpellé en effet sur la récurrence des évasions de prisonniers et les difficiles conditions en milieu carcéral, le ministre de la Justice a apporté tout un ensemble de clarifications sur l’existant avant d’annoncer l’érection prochaine de cette infrastructure. Le garde des Sceaux a ainsi fait remarquer que le Sénégal n’a plus construit de prison depuis 1963, alors que le ratio international impose d’avoir à disposition une garde pénitentiaire pour un prisonnier (ce qui est loin d’être atteint au Sénégal, où entre 25 et 50 détenus sont pris en charge par une seule garde dans les 37 prisons disponibles à travers le pays). Pour y remédier, Sidiki Kaba a informé de la formation de 150 gardes pénitentiaires qui seront opérationnelles d’ici le mois de juillet. Pour finir, le ministre a fait part de la construction d’une prison de 1 500 places à Sébikotane qui permettra de désengorger les prisons du Sénégal réputées pleines à craquer.
Autre question d’actualité qui a intéressé les députés : celle liée à l’effondrement de bâtiments à Dakar. Sur ce point, le ministre Diène Farba Sarr a annoncé une loi rendant obligatoire l’«inspection a priori ». Interpellé en effet par un député sur la récurrence des effondrements de bâtiment occasionnant, parfois des morts, le ministre Sarr a fait état de la volonté du chef de l’Etat de mettre en selle une loi d’orientation rendant obligatoire « une inspection a priori » avant toute construction d’immeuble. Selon lui, c’est le seul moyen de mettre un terme à ces effondrements regrettables notés ces dernières semaines dans la capitale sénégalaise.
SERIGNE MBAYE THIAM, MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE :«Il n’y a pas de risque d’année blanche»
Le ministre de l’Education nationale, Serigne M’baye Thiam, est formel. A l’état actuel de la crise scolaire,«Il n’y a pas de risque d’année blanche». Et le ministre qui répondait à une question des députés Awa Guèye et Mamadou Lamine Thiam ayant toutes les deux trait à la question de l’éducation, d’assurer devant la représentation nationale qu’il n’existait pas, sur la base de ses arguments, de risque d’année blanche pour l’école sénégalaise cette année. « Cette grève a un impact sur les enseignements. Mais j’ai tenu une réunion d’évaluation avec les 16 inspecteurs d’académie de Dakar. Et je cite l’exemple de cette région où au niveau de l’élémentaire, il y a 757 enseignants sur 2 448 qui ont observé la grève avec des amplitudes d’un à 21 jours. Et on a considéré que le seuil critique pour mettre en péril l’année scolaire est de 16 jours d’absence et 86% de fréquentation. On est donc en dessous du seuil critique et il n’y a que 14% qui se trouvent en dessous de ce seuil. Nous avons fait cet exercice, académie par académie. Donc, il n’y a pas de risque d’année blanche et les classes d’examen ont été épargnées. La grève a été suivie plutôt dans les zones urbaines que rurales et nous continuerons cet exercice pour l’affiner... ». Aux enseignants d’apprécier !
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AIDA MBODJ, DEPUTE DE L’OPPOSITION : «Ils ont préparé les questions avec une réponse très politique»
Nous avons posé des questions extrêmement techniques, avec des termes techniques qui ont pris leur source dans le libellé du Pse, en rapport avec l’Acte III. Nous leur avons rappelé ce qu’ils ont promis aux collectivités, c’est-à-dire le transfert de ressources substantielles. Mais apparemment, ils ont préparé les questions avec une réponse très politique. Puisqu’ils sont les derniers à prendre la parole, nous n’avons pas eu le temps, ni l’opportunité de corriger leurs réponses. Mais ils ont fait dans le dilatoire. Ils n’ont pas donné les bonnes réponses. Je pense que cela ne saurait prospérer. Car à chaque fois, on donne les questions soixante douze-heures et au moment de répondre, ils élaborent des réponses politiques à la place des réponses techniques qui pourraient nous donner des informations par rapport à nos mandants Cette année, aucune collectivité ne connaitra l’an 1 de l’émergence. C’est pourquoi j’ai dit que le gouvernement ira à l’an 2036 au lieu de 2035, parce que là, c’est déjà une année et le départ a été raté.
Me OUMAR YOUM, MINISTRE DE LA GOUVERNANCE LOCALE : «Il faut s’inscrire positivement dans une dynamique d’amélioration»
Je pense que le bilan est très satisfaisant. Nous en sommes à notre deuxième passage pour un exercice qui est profondément démocratique. Je pense que les questions ont été claires, mais les réponses apportées aux questions ont été satisfaisantes. Nous pensons qu’aujourd’hui, nous avons ouvert une page de l’histoire démocratique du Sénégal. Parce que cette rencontre avec les députés permet un dialogue direct sur les questions d’actualité dans un climat de respect et de sincérité. Je crois qu’il faut maintenir le cap car tout processus est un processus qui peut être amélioré, parce que tout n’est pas parfait. On peut encore s’inscrire dans une dynamique d’amélioration avec les députés et le gouvernement… Donc, je pense qu’il faut l’encourager, plutôt que d’être dans les jugements de valeur et la critique facile. Ça n’apporte absolument rien au Sénégal et aux Sénégalais.
MOUSTAPHA DIAKHATE, PATRON DU GROUPE PARLEMENTAIRE DE LA MAJORITE :«C’est une contre-vérité de dire que les questions sont posées à l’avance»
Nous sommes à notre deuxième séance qu’on va améliorer au fur et à mesure. Parce que la perspective est de permettre à l’Assemblée nationale d’être le lieu par excellence du débat démocratique. Ceux qui disent que les questions sont posées à l’avance aux ministres, c’est une contre-vérité. Les députés posent les questions et on les met au niveau du secrétariat et les ministres sont informés en même temps que vous. Dans cette séance, c’est le député Oumar Sarr qui devait poser la question des non-inscrits. Il se trouve qu’il est présentement au Tchad. Comment peut-il être au Tchad et poser la question ou même boycotter ? C’est une contre-vérité. Vous savez qu’il y a dans cette hémicycle des gens qui mentent matin, midi et le soir. Ce n’est pas bon pour la démocratie.