Le ministre de la Justice, Garde des sceaux, Sidiki Kaba, a procédé hier à l’installation officielle des magistrats des Chambres africaines extraordinaires d’assises, nommés pour conduire le procès de l’ancien président de la République du Tchad, Hissein Habré, jugé pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture. Le juge burkinabè, Gberdao Gustave Kam, et les trois magistrats sénégalais, Amady Diouf, Moustapha Bâ et Pape Ousmane Diallo décideront de l’innocence ou de la culpabilité de l’ancien chef d’Etat tchadien. La défense de ce dernier a elle, tenu à informer qu’à ce jour, aucun texte portant désignation des juges composant cette chambre n’a été rendu public, rappelant que les magistrats de la chambre d’instruction avaient été désignés sur la base d’un décret du Président de la République, transférant son pouvoir de nomination au Président de la Commission de l’Union Africaine. Une procédure qui, dit-elle, viole la Constitution sénégalaise et a fait l’objet d’un recours auprès de la Cour Suprême.
Gberdao Gustave Kam, président de la Chambre africaine d’assises
Un juge au parcours atypique
Il fait autorité au Burkina Fasso, en sa qualité de magistrat de grade exceptionnel. Son nom a fait les gros titres de la presse burkinabè, après sa nomination comme président de la Chambre africaine extraordinaire d’assises. Gberdao Gustave Kam est appelé à trancher dans un procès que le monde entier regarde : celui de Hissein Habré. Cet ancien juge au Tribunal pénal international pour le Rwanda (Tpir) a la responsabilité de condamner ou non l’ancien président de la République du Tchad.
Le parcours de ce magistrat débute dans les Tribunaux de Ouagadougou, au Burkina Fasso, où il a fait le service militaire, en 1985. Né en 1958, à Ouagadougou, Gberdao Gustave Kam est devenu juge, il y a vingt quatre années, après avoir été tour à tour président de Tribunaux, puis Procureur général près de la Cour d’appel de Ouagadougou, en 1996.
Le magistrat est diplômé de l’Ecole nationale de la magistrature de Paris, après des études supérieures à l’Ecole supérieure de Droit de Ouagadougou, où le magistrat a eu sa maîtrise. Il a occupé les fonctions de juge au Tribunal pénal international pour le Rwanda (Tpir), de 2003 à 2009, et est réputé impitoyable en matière de crimes de guerre.
Amady Diouf, juge assesseur des Chambres africaines
Magistrat réputé discret
Amadou Diouf n’est pas très bien connu. «Il passe inaperçu», confie un de ses collègues. Il fait partie de ceux qui décideront de l’issue du procès de Hissein Habré. Originaire de Kaolack, ce quinquagénaire est en fonction au sein de la magistrature, depuis 24 ans. Marié et père de trois filles, il a été désigné comme juge assesseur du Burkinabè Gberdao Gustave Kam, dans sa tâche de président de Chambre d’assises près les Chambres africaines extraordinaires (Cae).
«Discret» et «compétent», le «Procureur Diouf», comme l’appellent certains de ses collègues, a fait parler de lui en prononçant des peines de prison à perpétuité contre des accusés, notamment au cours des sessions de la Cour d’assises de Ziguinchor et Thiès. Des juridictions d’instance, à la Cour d’appel de Dakar, en passant par l’administration centrale du ministère de la Justice, Amady Diouf qui était jusque-là, directeur adjoint des Affaires criminelles et des grâces a pratiquement fait tous les échelons.
Devenu juge à l’âge de 35 ans, il a fait tout son cursus à l’Université de Dakar où il a eu une Maîtrise en Droit, avant d’intégrer l’Ena. Le magistrat a arpenté, presque quinze ans durant, les bancs des Palais de justice de Thiès, Kolda et Ziguinchor, en tant que procureur de la République, puis Procureur général. Il se dit fier de lui-même : «C’est une fierté de faire partie de cette juridiction. C’est aussi une grande responsabilité. Nous siégeons au nom de l’Afrique et nous ferons tout pour contribuer à la bonne administration de la justice. Nous ferons tout pour que la justice soit rendue de manière juste, équitable et responsable.»
Moustapha Bâ, juge assesseur des Chambres africaines
Le «bourreau» des militaires
Silhouette imposante, regard noir, physique débordante, Moustapha Bâ est étiqueté au Tribunal, comme un professionnel «pas toujours très aimable», parce que «réputé pour sa pugnacité». Le juge, marié et père de cinq enfants, fait partie de ceux qui décideront du sort de Habré. Comme Amady Diouf, il sera aux côtés du Burkinabè Gustave Kam, qui préside la Chambre africaine extraordinaire d’assises. Ce sudiste a occupé les fonctions de juge à différents niveaux du système judiciaire du Sénégal.
Issu d’un milieu modeste, il a grandi dans la région de Ziguinchor où il a fait ses études primaires et secondaires, avant de rallier Dakar pour poursuivre ses études. Après une Maitrise en Droit à l’Ucad, le juge militaire devient étudiant à l’Ena où il a obtenu son diplôme de magistrat. Jusque-là vice-président du Tribunal régional de Dakar, chargé de la première chambre et du tribunal militaire, le magistrat Bâ a eu à occuper le poste de président par intérim du Tribunal régional de Fatick.
Nommé à Dakar comme juge d’instruction après des années passées à Louga, le juge Bâ, âgé de 57 ans, se fait connaître pour avoir prononcé des peines sévères dans des affaires inscrites au rôle du Tribunal militaire de Dakar.
Pape Ousmane Diallo, juge suppléant des Chambres africaines
Un «vrai procédurier»
A titre de juge d’instance ou de la Cour d’appel de Dakar, Pape Ousmane Diallo a participé aux travaux de nombreux comités de réflexion sur l’organisation du procès de l’ancien président de la République du Tchad, Hissein Habré. L’ancien président du Tribunal départemental de Guédiawaye suit depuis deux ans, le dossier de l’ex-homme fort de Ndjamena, depuis son bureau au Tribunal de Saint Louis où il a occupé des fonctions de président de Chambre civile.
Il reconnaît qu’il a «un rôle central» dans le procès de l’ancien président de la République du Tchad. «C’est un vrai procédurier», nous dit-on. Juge depuis 1998, au Tribunal régional hors classe de Dakar, spécialisé dans les affaires civiles et commerciales, l’expérience du magistrat Pape Ousmane Diallo est attendue dans un climat qui promet d’être tendu. Le président du Tribunal de Fatick de 1999 à 2004 se chargera de suppléer le président de la Chambre africaine extraordinaire d’assises. Il aidera Gberdao Gustave Kam sans doute à lever le voile dans ce procès tant attendu.