Avec plus de 1100 candidats au voyage vers l’Europe, dont des Sénégalais, tous morts ces derniers temps dans les eaux de la Méditerranée, il est bien évident qu’il y a une nette recrudescence de l’immigration clandestine, comme c’était bien le cas en 2006 et en 2007, quand il fallait partir pour arriver à «Barça ou mourir ». Mais le chef de section Environnement de la Gendarmerie nationale, adjudant-chef Nazaire Coly, est formel : au Sénégal, depuis un bon bout de temps, il n’y a plus de départs de clandestins par voie maritime. Les candidats passent désormais par voie terrestre.
Si bien même qu’il y a une nette recrudescence de l’immigration clandestine de l’Afrique vers l’Europe, ces derniers temps, avec plus de 1100 victimes récemment enregistrées dans les eaux de la Méditerranée, il n’y a pratiquement plus de volontaires partant des côtes sénégalaises. Un tour effectué au port de Dakar, à la brigade de l’Environnement de la Gendarmerie sénégalaise, nous a édifiés sur la situation. Adjudant-chef Nazaire Coly, chef de la section Environnement de la gendarmerie nationale, a signalé qu’il n’y a plus de départs de clandestins enregistrés depuis les côtes sénégalaises depuis un certain temps.
« Depuis un bon bout de temps, il n’y a plus de clandestins qui partent des côtes sénégalaises pour rejoindre l’Europe. Avec l’appui de l’Union européenne, dans le cadre du Frontex, on n’a plus constaté des départs du Sénégal, car il y a chaque jour des patrouilles mixtes (gendarmes, police) à bord du bateau espagnol. L’armée de l’air effectue aussi des patrouilles tous les jours », a-t-il signalé. L’adjudant-chef Nazaire Coly nous apprend également qu’il y a un bateau du Frontex qui quitte fréquemment l’Espagne pour rallier Dakar où il séjourne pour une durée de quatre jours à chaque occasion ; et se rend jusqu’en Casamance.
« Il y a chaque jour un briefing au centre de coordination des opérations de la marine nationale dans le cadre du Frontex », poursuit le chef de la section Environnement de la gendarmerie nationale. Et d’ajouter que le « Commandant Moussa Diop, la police avec « Inspecteur Yaffa », et les éléments de la Guardia Civil espagnol sillonnent conjointement les côtes sénégalaises avec l’appui des avions patrouilleurs de l’armée de l’air. Tout un dispositif mis en place pour dissuader les éventuels candidats au voyage vers la mort.
Durant la période de mai au 31 décembre 2006, jusqu’en début 2007, la section Environnement de la gendarmerie sénégalaise a effectué plus de 1000 arrestations de clandestins. « On ne pouvait pas rester 24 h sans localiser une embarcation en partance. Nous avions saisi une cinquantaine de pirogues. Un jour, nous avions même effectué une prise record avec l’arrestation de 196 personnes à bord d’une embarcation », a signalé le gendarme Fall pour appuyer son chef de section.
EN EUROPE, LES PASSEURS SE FROTTENT AUSSI LES MAINS
Réussir à faire passer des clandestins d’une frontière à une autre est un business qui paie bien. En Afrique, comme en Europe, il est très lucratif. Les candidats migrants de l’Afrique vers l’Europe du Nord doivent verser entre 1500 et 2000 dollars Us, soient environ 1.100.000 FCFA, à des cartels très bien organisés. Malgré l’arrestation de 24 membres d’un réseau de passeurs hier, lundi 20 avril, comme annoncé par le journal Le Monde, la pratique est de mise du côté de la méditerranée. Selon la source, les passeurs ont réussi à « organiser au moins 15 voyages depuis 2014 ».
Cette arrestation a porté le nombre de passeurs arrêtés en Italie à 1002. « Matteo Renzi, le président du conseil italien, a confirmé lundi lors d’une conférence de presse que les trafiquants ont été arrêtés le matin même, portant le nombre total des passeurs arrêtés par l’Italie à 1 002 », a indiqué la même source qui a précisé que « les migrants étaient cantonnés dans des hangars près du littoral avant leur départ ». C’est la même méthode qui était utilisée par les passeurs africains entre 2005 et 2007. Ils avaient des intermédiaires qui sillonnaient le Sénégal à la recherche de potentiels candidats qu’ils convoyaient dans les différents sites de départ de Saint-Louis au cap Rosco, en passant par les îles du Saloum et la Casamance.
Des candidats qui ne connaissaient rien à la mer étaient contraints de payer entre 450.000 à 800.000 FCFA pour partir, sans être certains d’arriver à destination. D’aucuns ont vendu des têtes de bœufs, d’autres des lopins de terre, des parures de leurs compagnes ou de leur maman, juste pour voir Barça. Hélas, entassés dans des embarcations de fortune, plusieurs centaines de migrants ont trouvé la mort, car ils étaient contraints par les passeurs à sauter en mer. C’était le prix à payer pour être capable de fouler le sol européen.
Aujourd’hui, avec le système de transfert d’argent, le mode de paiement ou de versement du titre de voyage du clandestin est devenu très sophistiqué. Les confrères du journal Le Monde nous signalent que « les trafiquants arrêtés avaient recours à des systèmes de paiement sophistiqués, comme les transferts d’argent par Moneygram ou Western Union, a chaque immigré « client » était attribué un numéro, et chaque paiement était consigné dans un dossier ». Organisé comme « une véritable agence de voyages avec des relais en Sicile et en Lombardie », le réseau convoyait ses clients « jusqu’à Rome et Milan, généralement en voiture ou en autocar, puis le voyage vers les destinations finales : Norvège, Suisse, France, Grande-Bretagne ou encore Allemagne ».
CEUTA ET MELILLA, SITES DU SCANDALE POLITIQUE
Selon Médecins sans frontières, 6300 migrants ont trouvé la mort au cours des dix dernières années dans la zone de Ceuta et Melilla, enclaves espagnols situés au Maroc. Les statistiques officielles font état de 1400 morts. L’Observatoire des frontières de migration vers l’Europe nous replonge dans l’ambiance de l’automne 2005 à Ceuta et Melilla. « Dans la nuit du 28 au 29 septembre 2005, 500 migrants, pour la plupart sub-sahariens, ont tenté de pénétrer dans l’enclave espagnole de Ceuta, sur le territoire marocain. Au moins cinq ont été tués, les blessés sont très nombreux. Le gouvernement Zapatero envoie l’armée (au moins 500 hommes), le gouvernement marocain envoie la police, pour faire face à la « violence » des « clandestins », nous rappelle le site de l’observatoire.
Mais l’argent a été déterminant dans la gestion de cette crise humaine et politique. Elle a pesé de tout son poids. « La Commission européenne décide d’envoyer une mission de contrôle à Ceuta et Melilla, 40 millions d’euros sont débloqués pour la protection des frontières », rappelle-t-on. Beaucoup de moyens ont ainsi été investis pour la militarisation et les expulsions. « Les autorités marocaines procèdent à la déportation de centaines de personnes dans le désert du Sahara, autant à la frontière algérienne qu’à la mauritanienne. On estime qu’ont été déportés dans cette zone entre 800 et 1000 africains de diverses nationalités, abandonnés sans eau ni aliments. De la même façon, bien que dans une moindre mesure, on a pu constater des déportations dans la zone d’Oujda, à la frontière algérienne », révèle la même source.
LA MEDITERRANEE, CIMETIERE DES MIGRANTS
La mer Méditerranée au même titre que l’océan Atlantique a englouti des dizaines de centaines de morts immigrants. Le seul naufrage en date du 3 octobre 2013 au large de l’île de Lampedusa avait fait 366 morts. Mais le 12 avril dernier au large de Reggio Calabria, à la pointe sud de la botte italienne, ce sont 400 migrants qui sont emportés par la furie des eaux de la méditerranée. Il n’y aura que 150 survivants qui seront repêchés. Selon les informations fournies par Le Monde, «les gardes-côtes italiens auraient porté secours à 42 bateaux chargés au total de plus de 6 500 migrants entre dimanche 12 et lundi 13 avril».
Le mercredi 15 avril, la nouvelle du chavirement d’un chalutier à environ 110 km des côtes libyennes avec à son bord plus de 700 personnes, selon le récit de 28 survivants récupérés par un navire marchand, a bouleversé le monde entier. Carlotta Sami, porte-parole du HCR en Italie, a déclaré qu’il s’agirait de la «pire hécatombe jamais vue en Méditerranée». Déjà 24 cadavres ont pu être récupérés à chaud, un peu après le drame. La mer Méditerranée est ainsi devenue le cimetière des migrants africains qui ne déchantent pas pour partir.