Pour décrocher 200 milliards de francs Cfa au titre de cumul d’impôts et de redevances en 2017, l’Etat du Sénégal avait étendu le titre minier de la compagnie Sabodala gold operations. La conséquence immédiate, qui était le déplacement de ce village éponyme, n’a pas eu lieu du fait de la résistance des populations. La société peine à disposer de tout son périmètre et ceci impacte sa production.
D’un côté comme de l’autre, on fait grise mine. Sabodala gold operations (Sgo) rumine les blocages qui sapent son expansion. Le village éponyme s’indigne, résiste et reste sur ses gardes. L’Etat étale son impuissance et évite de souffler sous les braises. L’assiette foncière, qui a fait l’objet d’un permis d’exploration et d’exploitation, oppose encore ces trois parties. A l’épreuve, la recherche et l’exploitation de l’or se manifestent par un accaparement de vastes périmètres et se font au détriment des activités endogènes et de l’environnement. Par ailleurs, elles entraînent le déplacement de villages entiers à la suite d’une politique de relogement. L’activité minière vue sous son angle juridique donne ceci : «Toute personne qui occupe une parcelle, qui a fait l’objet d’un titre minier, commet une infraction». L’avertissement est du chef du Service régional des mines de Kédougou, Oumar Wane. Elle ignore donc les droits légitimes des populations à la terre de vie et de survie, comme le suggèrent les directives volontaires que le Sénégal a ratifiées en mai 2012, lors de l’Assemblée générale de la l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao).
Toutefois, un déguerpissement forcé ne peut avoir lieu. Sabobala refuse d’emblée l’offre de relogement de la compagnie. Pour le chef de ce village, Mady Cissokho, cette question n’est même pas négociable, quelles que soient les propositions venant d’autre part. D’ailleurs, son porte-parole, Moussa Cissokho, ajoute que «le déplacement n’est plus inscrit à l’ordre du jour des fora de négociation mensuels conduits par le sous-préfet. Ce dernier reconnaît que Sabodala est dans l’assiette attribuée à la Sgo, mais l’Etat hésite à agir». Superviseur au département des relations communautaires de la Sgo, Séga Diallo confirme les propos du chef du village : «A cette date, le déplacement du village de Sabodala n’est plus à l’ordre du jour.»
Moins value fiscale pour l’Etat
Actuellement, la compagnie Teranga gold operations a acquis une superficie de 1 000 km2, presque le double de la région de Dakar à travers ses deux filiales que sont Sabodala gold operations et la Sabodala mining compagnie (Smc), suite à l’achat du permis de Oromin joint venture group (janvier 2014). Le 31 avril 2013, Sgo a signé une nouvelle convention avec l’Etat du Sénégal. Elle s’est engagée à payer près de 50 milliards de francs Cfa par an au trésor public en termes d’impôts, de redevances, jusqu’en 2017. En contrepartie, les autorités doivent mettre à sa disposition, tout le périmètre, objet de son titre minier, y compris le site de Niakhafiri et l’actuel village de Sabodala. Les villageois s’opposent à l’exécution. Ce qui explique que l’Etat n’a perçu que 11 milliards 226 millions 150 mille francs Cfa en 2013.
Les sondages menés au mois de mai de la même année, dans l’un des cimetières de ce village, ont été bloqués. Les habitants se sont soulevées contre les agents de la Sgo. Face à cette tension, décision a été prise de suspendre cette activité et de la reporter à une date ultérieure. Depuis, c’est le statu quo. En 2007, les mêmes sondages ont failli avoir lieu autour du village de Sabodala par la compagnie Mdl qui a vendu sa licence à la Sgo. Une révolte avait forcé l’arrêt de telles opérations. Ce village possède actuellement peu de terres de cultures, mais tient à garder son site d’orpaillage même si, sur les 285 agents recrutés dans l’arrondissement, 85 en sont ses fils.
Gora, le nouveau foyer de tension
Sabodala ne cristallise pas à lui seul, les tensions liées au foncier. Pas loin de cette bourgade enclavée, Faloumbou, situé dans le titre minier susmentionné, tient encore ses taudis. Seul le village de Dambankhoto a été déplacé. Il était essentiellement composé de hameaux. A Gora, la Smc, une société détenue à 100% par Tgo, a acquis une licence d’exploitation du site d’orpaillage de ce village. La libération de l’emprise est loin d’être un acquis. Car, la compagnie peine à trouver un compromis avec les populations. Elles ont d’ailleurs refusé de valider les études d’impact environnemental et social. C’est tout le contraire de leurs voisins de Khossanto, le chef lieu de leur commune. Selon le porte-parole de Gora, Mamadou Lamine Cissokho, «il existe une complicité entre le maire, la compagnie et les autorités administratives».
«Nous avons appris l’audience publique à 24h de sa tenue à la mairie de Khossanto. Quand j’ai appelé les autorités, elles m’ont dit qu’elles avaient donné l’information à travers une radio locale, alors que ce média n’est pas écouté ici. Donc, il y a vice de procédure. L’Administration est écrite», se désole notre interlocuteur. Pourtant, avance-t-il, «Gora ne réclame que des discussions franches». Ses habitants invitent le président de la République à intervenir, car «les ressources minières appartiennent à l’Etat, mais les sociétés ont du mal à respecter leurs engagements».
En effet, promesses verbales leur ont été faites de construire un poste de santé, deux salles de classe, un forage, une route, et de trouver un autre site pour permettre aux populations de continuer leurs activités d’orpaillage.
La Teranga budgétaire de la Sgo
Mamadou Lamine Cissokho regrette un retard dans la matérialisation des engagements. Ce que relativise le 1er adjoint au maire de Khossanto. Moussa Cissokho précise que le chef du village de Diakhaling, qui polarise Gora, était présent à l’audience publique. Cet agent d’exploitation de la Sgo, avant les Locales de 2014, se réjouit d’avoir reçu 5 millions de francs Cfa de ses ex-patrons pour honorer l’apport indispensable à la mise à disposition d’un financement de 50 millions de francs Cfa par le Programme national de développement local (Pndl). La commune de Sabodala a reçu de la Sgo ; «un appui budgétaire de 80 millions de francs Cfa cette année». L’existence du chèque a été confirmée par le maire de cette commune, Mamadou Cissokho. Comparées à la patente et autres impôts dont la compagnie est exonérée, ces sommes seraient anecdotiques. Malgré tout, l’adjoint au maire de Khossanto suspecte juste «une jalousie de la part des populations de Gora». Pour lui, les ressources minières doivent «contribuer au développement de toute la localité et du Sénégal». En tout état de cause, Tgo compte sur la mine de Gora pour booster sa production de cette année. En 2014, la compagnie n’a pas atteint 7 tonnes d’or.
Toro gold donne rendez-vous en 2017
A l’autre bout du département de Saraya, précisément à Kharakhéna, la compagnie Afrigold est en possession d’un permis d’exploration sur plus de 500 ha, selon le Préfet Pape Alioune Ndao. Cette assiette foncière englobe les sites d’orpaillage. L’autorité s’appuie sur l’aménagement de couloirs réservés aux orpailleurs pour trouver un consensus. «La société a accepté de donner 27 ha aux orpailleurs», indique-t-il. Ces exploitants traditionnels devront exercer leurs activités de production dans ce périmètre. Contrairement à la Sgo, Afrigold est dans la phase de recherche.
A Mako, la société Torogold a fini d’explorer 150 Km2. Les résultats obtenus sont satisfaisants. Selon le chef du camp des travailleurs de cette compagnie, le géologue, Abdou Sarr, l’heure est à la réalisation des études d’impact environnemental et social. Une fois celle-ci validée, Torogold pourra passer à l’exploitation, après avoir signé une concession minière avec l’Etat du Sénégal. D’après ce géologue, si l’étude est approuvée d’ici fin 2015, l’année suivante sera consacrée à la mise en place des investissements. On peut ainsi «s’attendre à la production d’un premier lingot d’or industriel à partir de janvier 2017». Toutefois, M. Sarr précise que la société devra laisser 25% du périmètre exploré. Il n’écarte pas un couloir pour les orpailleurs de Mako, mais «cela relève d’une décision de l’administration des mines». Au-delà, le président des orpailleurs, Mamadou Dramé, veut un accès des habitants au point d’eau principal qui est l’affluent du fleuve Gambie. Présente dans la localité depuis 2009, Torogold se réjouit d’avoir équipé le poste de santé et d’assurer les émoluments mensuels de l’infirmier chef de poste avec son fonds annuel de 50 mille dollars, soit près de 25 millions de francs Cfa, d’après Amadou Sow, un des responsables des affaires sociales. De tels équipements peuvent réduire la poussée de fièvre à la base.
Ruée des multinationales vers les minerais
46 compagnies explorent Kédougou
La région de Kédougou est convoitée par les entreprises minières. Le chef du Service régional des mines et de la géologie, Oumar Wane, a enregistré 42 sociétés détentrices de permis d’exploration d’or. Parmi elles, seule Sabodala gold opérations (Sgo) est en phase d’exploitation. A côté de ce minerai, les gisements de marbre ont attiré trois entreprises et le cuivre une. Pour l’uranium, la recherche n’a pas encore intéressé les compagnies. Ce n’est qu’après avoir évalué un gisement ciblé, que la société exploratrice passe aux négociations qui devront aboutir à la signature d’une convention minière avec l’Etat. Comme préalable, il faudra réaliser une étude d’impact environnemental et social. La compagnie Torogold est à ce niveau.