L’adolescence, est une étape marquante dans la vie de tout être humain. Certains le vivent tumultueusement, alors que d’autres traversent, sans grandes difficultés, cet épisode de leur existence. C’est une période où l’individu se cherche et essaie de vivre d’autres expériences, comme celles amoureuses. Cette émergence du pulsionnel fait que l’ados passe facilement à l’acte, car il est fasciné par son corps. Ce qui fait que ses expériences amoureuses sont souvent de courte durée, à cause de l’insouciance qui les sous-tend. C’est à ce prix qu’il façonnera sa personnalité.
Le simple fait d’évoquer le mot « amour », en présence des adolescents, suscite des exclamations, des rires, plaisanteries et d’autres réactions qui en disent long sur leur façon de percevoir le sentiment amoureux. Le phénomène est tout nouveau dans leur univers, c’est pourquoi il suscite tant de curiosité. Et ces ados ont bien envie de partager les nouvelles expériences qu’ils vivent au quotidien. Chez ces adolescents, l’amour revêt un caractère particulier.
A la question de savoir si les élèves vivent l’amour à l’école, ils répondent par l’affirmative. Ce jeune adolescent en classe de 4ème, du nom de D M, rencontré à l’établissement Sergent Malamine Camara explique : « les relations amoureuses débutent dans les salles de classes, c’est là qu’on commence à échanger des regards, à s’assoir ensemble et une fois dans la cour de l’école, on concrétise cet amour en faisant nos déclarations à nos élues».
Une de ses camarades du nom de S.G, en seconde raconte son histoire avec son petit ami : «on était dans la même classe et ça ne me dérangeais pas que les autres le sachent. Mais lui si. Seulement, j’avais honte quand il savait que je n’avais pas la moyenne aux devoirs et lui pareil et ça me poussait à travailler. Je l’appelais tous les soirs pour voir si on avait trouvé le même résultat à nos exercices et chaque matin, il me réveillait au téléphone pour me dire : lèves-toi, il fait jour, vas te doucher et pries ensuite, nous allons à l’école. Trente minutes plus tard, on se retrouvait dans la rue pour prendre le chemin de l’école ensemble ». Elle nous révèle avoir vécu cette histoire pendant 3 ans avec son petit ami avant leur rupture.
Au lycée Blaise Diagne un élève en classe de1ère confie : « j’aime sortir avec les filles de l’école les plus mignonnes pour que mes autres camarades m’envient. Mais souvent, c’est une histoire qui ne dure pas longtemps». Un autre élève ajoute son grain de sel à la discussion : « il n’est pas rare de voir une fille ou un garçon qui pleure parce que son copain ou sa copine l’a quitté ».
Comme signe de bravoure…
Cap sur l’école Sokhna Astou Kane des Parcelles Assainies où nous avons rencontré une élève de 6ème du nom de M. S. Elle déclare : «je jure, je n’ai pas de petit ami ». En se confiant, elle se cachait le visage, en riant. Quant à Fatou, sa camarade, elle est plus catégorique : «moi, je ne suis pas intéressée »
Dans la foulée, le jeune S.O aborde la question sous un autre angle : «si on sort avec les filles de la classe ou de l’école, la plupart du temps, c’est seulement dans le but d’avoir des relations intimes avec elles et souvent c’est des relations sans lendemain. Une fois le but atteint, chacun part de son côté, car entre copains l’on se moque de ceux qui n’osent pas franchir le pas. Ils sont assimilés à des poltrons et sont très souvent sujet à des moqueries. Et pour prouver qu’on n’est pas un poltron, on cherche à passer à l’acte».
La mise en garde
Les éducateurs interpellés sur le sujet disent n’avoir pas tellement la possibilité d’observer de telles pratiques dans le milieu scolaire, car le plus souvent, ils sont absorbés par les cours qu’ils dispensent. Et s’il arrivait même à constater de tels écarts, ils n’hésiteraient pas à intervenir pour remettre les pendules à l’heure. Néanmoins, un des professeurs interrogés, déclare : «Dans les classes de 6ème et 5ème, les filles et les garçons se détestent, ils ne veulent même pas s’assoir ensemble. Et ce n’est qu’à partir de la 4ème qu’ils commencent souvent à s’apprécier ». Quant au proviseur du lycée, Sergent Malamine Camara, il affirme que «les relations amoureuses entre élèves sont strictement interdites à l’école et ailleurs. Les élèves n’ont pas le droit d’entretenir de telles relations dans le milieu scolaire, car le règlement intérieur d’aucun établissement ne le permet ». M. Diallo, professeur de Maths à Acapes soutient, pour sa part, qu’ « aucun enseignant ne fera la promotion de l’amour à l’école ». Et d’incriminer, par la même occasion, les moyens de communications que sont le téléphone portable, la télé, la radio et Internet. « L’adolescence est un âge critique pendant lequel, le jeune connait beaucoup de bouleversements, sa morphologie change et cela impacte forcément sa psychologie, voire son comportement », tente d’analyser M. Diop, professeur de S. V.T au lycée Blaise Diagne.
Et d’ajouter : «A cet âge les élèves sentent le besoin de vivre de telles relations, c’est naturel, car ils se découvrent sous un jour nouveau. Mais il revient au corps professoral, au corps d’encadrement et à l’administration de suivre les élèves afin de pouvoir les canaliser, les orienter pour contrebalancer la baisse de niveau. Cela, après que les parents aient fait leur travail à la maison. Toutefois, il est à souligner que les ados partagent leur vie entre l’école, la rue et la maison ; chacun de ces milieux joue sa partition dans l’équilibre de ces jeunes. Dans ce cas de figure, il est important que toutes les écoles se dotent d’une assistance sociale ou à défaut, avoir, parmi le corps d’encadrement, des délégués qui s’occupent des élèves en déperdition scolaire. Puisque les raisons de leur comportement peuvent être multiples ».
Sur le terrain de la sexualité
« Les élèves sont réfractaires aux discussions qui tournent autour de l’amour et comment ils le vivent. Ils répondent le plus souvent par des détours pour échapper à la discussion », confie l’assistante sociale. Elle souligne qu’à ce stade de leur vie, tous les ados ont besoin d’être assistés afin d’éviter certaines dérives.
L’assistante sociale nous affirme que les relations amoureuses que les ados vivent au quotidien s’accompagnent d’un lot de problèmes liés à la sexualité : «On rencontre souvent des cas d’extrême gravité, les jeunes d’aujourd’hui s’aventurent sur le terrain de la sexualité précocement, à un âge qu’on ne soupçonne même pas » dit-elle. L’on constate des cas d’abandon surtout concernant les filles. Il n’est pas rare de voir une fille qui, au cours de l’année scolaire, tombe enceinte.
Après de tels incidents, même si elles ont la possibilité de revenir après l’accouchement, elles ne le font pas parce qu’elles ont honte et on les perd pour de bon. C’est pourquoi il est important de sensibiliser les élèves afin d’éviter qu’on en arrive à de tels faits qui nous laissent impuissants. Dans les écoles, on a besoin d’assistantes sociaux, tout comme on a besoin de psychologues, nous dit Madame Sarr (Assistante Social au Lycée Kennedy) car la plus part du temps les jeunes sont réfractaires à ce genre de discussions, ils ne s’ouvrent pas facilement aux adultes.
Ils font peur à leur famille…
La famille constitue le premier cadre d’épanouissement de tout adolescent. Etant donné qu’à cette période de leur vie, l’amour prend beaucoup de place. Parfois, ils sont amoureux, parfois ils s’inquiètent de ne pas l’être. Parfois, cette situation inquiète les parents, comme c’est le cas de cette mère de famille qui fait part de ses angoisses : « l’adolescence nous fait peur, surtout avec les moyens de communication qui font beaucoup de mal, car ils sont entrés dans nos familles presque à notre insu. Internet nous persécute, les enfants y apprennent des choses qu’on ne soupçonne même pas. Néanmoins, il faut toujours expliquer aux enfants, leur faire comprendre que l’amour a un âge et la pratique de certaines voies pourraient leur coûter leur avenir. Car forcer les choses, n’est pas la solution. On doit établir le dialogue avec eux, c’est indispensable ».
Cette autre mère de famille rencontrée fait preuve de plus de pragmatisme dans les propos : « je comprends l’adolescence et je sais que c’est une transition nécessaire pour devenir adulte . Seulement pour les empêcher d’hypothéquer leur vie, de devenir des adultes responsables, il convient de les accompagner, de les conseiller, pour qu’ils puissent réussir le passage tranquillement. Car en essayant de leur cacher des choses, ils vont chercher à les découvrir par eux , parfois à leurs risques et périls ». Cette mère de famille raconte le malheur qui est arrivé à sa fille : «Les histoires d’amour qu’ils vivent à l’école et partout ailleurs sont souvent à notre insu. Je ne sais pas si c’est de l’audace ou de l’insouciance. Ma fille de 18 ans, en classe de seconde, m’a fait honte devant tout le quartier. C’est la honte de ma vie ! Je n’ose même plus me montrer, imagines qu’on la donnée en mariage à un jeune fonctionnaire. Nos deux familles étaient liées depuis. Quatre mois après le mariage, elle accouche. Et c’est son camarade de classe qui est le père de l’enfant. Elle a perdu son mariage et tout le monde m’accuse d’avoir failli à ma responsabilité de mère », souligne-t-elle, amère.
DEUX QUESTIONS AU... DR IDRISSA BA, PEDOPSYCHIATRE : «L’adolescent est fasciné par son corps»
Qu’est-ce qui explique qu’à pareille période de leur vie, les ados cherchent à entretenir des relations amoureuses ?
L’adolescent, n’est plus un enfant, n’est pas encore un adulte, Il passe d’un état de dépendance à l’égard de ses parents à un état d’autonomie. Donc, c’est quelqu’un qui se cherche, et dans ce processus-là, il va prendre de la distance par rapport à ses parents pour se faire des amis avec qui ils partagent son quotidien ou même ses secrets. Il va essayer de montrer ses facettes, comment il est , de vivre des expériences, de tester les choses pour connaître leurs odeurs, leurs saveurs, leurs couleurs ; c’est l’émergence du pulsionnel. Il passe à l’acte facilement, car l’adolescent est fasciné par son corps, mais ne le maîtrise pas comme l’enfant ou l’adulte maîtrise son corps. C’est à ce stade qu’il va essayer de se stabiliser au niveau de la personnalité.
Quel doit être l’attitude des parents face à une telle situation ?
Les ados ont toujours tendance à conserver une partie de leur vie pour eux, ils parlent beaucoup, mais communiquent très peu. Les parents doivent les assister, mais ne pas imposer leur présence, ne pas les persécuter, mais leur montrer qu’ils sont là pour eux s’ils ont envie de parler, de partager, cela peut les rassurer, car si l’ados ne s’épanouit pas chez lui, il aura tendance à aller le chercher ailleurs. Ce qui peut donner naissance à des comportements à risque. Les parents doivent éviter aussi de transmettre leurs angoisses aux enfants. Les adolescents ont une sensibilité à fleur de peau. C’est ainsi qu’on trouve beaucoup de similitudes entre les bébés et les ados.