Transhumez ! C’est le mot d’ordre de Macky Sall à tous ceux qui cherchent des prairies meilleures. Le président de la République qui faisait face aux journalistes du Groupe futurs médias, de D-Médias et de la Rts hier, pour clôturer sa tournée économique à Kaffrine, a par ailleurs réitéré sa volonté de réduire son mandat, mais laisse la voie à emprunter aux spécialistes du droit constitutionnel. Karim Wade et Khalifa Sall sont-ils des adversaires sérieux pour lui ? «Je ne suis pas dans la spéculation et je pense que d’ailleurs le moment est prématuré», a-t-il répondu.
Lors de ce face à face avec les journalistes, Macky Sall n’a pas occulté les questions économiques, la guerre en Casamance, l’éventuel envoi de soldats sénégalais en Arabie Saoudite. Il a répondu à Yahya Jammeh qui lui reprochait d’hébergé ses ennemis au Sénégal. Et la réponse est cinglante. C’est là, entre autres, quelques morceaux de sa grande interview.
«A mon retour de Riyad, j’avais indiqué que la situation à la frontière sud du royaume d’Arabie Saoudite a été au menu des échanges avec le roi Salman et que nous en avions discuté. Vous le savez le Sénégal est un pays ami de l’Arabie Saoudite. Nous avons une diplomatie qui est basée sur des constantes. Ces constantes, c’est une politique de bon voisinage selon les cercles concentriques. C’est aussi des alliés qui sont des alliés constants depuis notre indépendance. Cette ligne n’a pas changé malgré les changements de régime.
L’Arabie Saoudite fait partie de ces pays alliés du Sénégal tout comme le Maroc, la France et les Etats-Unis. Ce sont des constantes de notre diplomatie, donc tout ce qui touche ces pays nous touche directement et dans ces cas-là, nous avons étudié la possibilité de participer, je dis bien la possibilité de participer dans la sécurisation des frontières à l’intérieur de l’Arabie Saoudite. Dans un premier temps, il ne s’agit pas d’aller sur le théâtre yéménite et donc de contribuer à cela. Mais, pour que cette décision soit prise, il faut des préalables vous savez. On ne peut pas se réveiller comme cela, envoyer des troupes sans étudier le terrain. Etudier d’abord la voie juridique, les types d’accord qui peuvent nous lier à l’Arabie Saoudite et sans en donner une explication aux Sénégalais. Cela peut être dans ce cas-là lorsque nous sommes en maintien de l’ordre ou en maintien de la paix. Ce sont des dispositions qui ne nécessitent pas forcément une information préalable devant le Parlement. On peut le faire disons-le par courtoisie républicaine, mais ce sont des mesures par exemple quand j’envoie des soldats au Mali, je ne suis pas tenu d’aller au Parlement mais je le fais pour l’informer que nos soldats vont aller en devoir de solidarité au Mali pour accompagner un pays ami. Lorsqu’on envoie des soldats dans le cadre des Nations-Unies également, on n’en a pas besoin parce qu’ils vont dans le cadre du maintien de la paix. Le Sénégal n’est pas en guerre. Il n’est en guerre contre aucun pays au monde, donc je ne fais pas une déclaration de guerre que l’Assemblée doit pouvoir ordonner. Lorsque demain après toutes les études faites entre nos deux armées, entre les diplomates et les deux chefs d’Etat, s’il s’avère que je dois envoyer des troupes, je le ferais dans le cadre de cette relation privilégiée et si donc la décision est prise, l’information sera donnée. Mais, dès qu’on commence à cogiter, la presse va plus vite que les Etats.
Notre devoir c’est déjà de voir si l’éventualité doit se poser. Quelle doit-être la posture ? Quelles mesures doivent être prises et dans quelles conditions ? Nous en sommes là et tous ceux qui doivent travailler dans cette posture le font-déjà, les forces armées, les diplomates et les chefs d’Etat suivent cette question et une fois qu’elle sera cernée sous tous ses angles, la décision pourra être prise. Ce n’est pas encore le cas, nous travaillons à regarder ce que nous pouvons faire dans le cadre de cette coopération entre l’Arabie Saoudite et le Sénégal. Nous ne sommes donc pas dans des oppositions entre sunnites et chiites, ce n’est pas cela le combat. Nous sommes dans le cadre de relations diplomatiques fortes entre le Royaume d’Arabie Saoudite et la République du Sénégal et si nous devons et nous l’avons déjà fait avec le Koweït en accompagnant une coalition mondiale à l’époque pour la libération du Koweït là où nous avions perdu dans un accident d’avion plus de 93 Jaambars. Si le devoir nous appelle à participer à l’intérieur du Royaume d’Arabie Saoudite à la sécurisation des Lieux Saints ou à la sécurisation de l’espace, certainement le Sénégal pourrait apporter son soutien à l’Arabie Saoudite. Voilà où nous en sommes. Nous ne sommes pas plus avancés. Donc, ce n’est pas les Nations-Unies, c’est le Sénégal lui-même qui étudie les voies et moyens d’accompagner un pays ami qui a besoin de son soutien.
Situation en Casamance
Pour le Sud du pays, j’aimerais vraiment d’abord lancer un appel à la presse pour ne pas amplifier les phénomènes tout à fait anodins dans un processus. Qu’il y ait un accrochage, cela peut tout à fait se comprendre. L’Armée fait des rondes, il faut le savoir jour comme nuit sur l’ensemble du territoire national et s’il arrive que dans ses rondes elle trouve des gens qui sont en possession d’armes là où ils ne devraient pas être, il peut arriver qu’il y ait une confrontation. La dernière fois c’était dans la réserve de Basse-Casamance, si on voit des gens qui ne doivent pas être là, il faut que l’Armée fasse en sorte que le territoire soit sous contrôle. Mais, cela ne remet pas en cause le processus de paix. Mon engagement est très fort en matière de promotion de la paix en Casamance et je suis sûr que la presse doit nous aider en évitant d’amplifier des discours qui n’ont parfois rien à voir avec la réalité. Les gens viennent dans les médias pour faire des fanfaronnades, essayer de briser le processus de paix. Vous ne devez pas être les relais de ces informations, parce qu’il y va de la Sécurité nationale. Vous croyez que les plus grands médias Cnn et France 24 quand ils accompagnent leurs armées ils montrent tout. Ils ne le font pas, vous n’avez jamais vu de morts en Irak ou même dans le désert malien. Ce n’est pas des presses «libres», parce que parfois quand l’Etat islamique exécute : est-ce que vous voyez la presse montrer les exécutions ? C’est une question de protéger l’opinion et de ne pas donner l’impression que oui voici la preuve tout le monde s’inquiète : le processus de paix va s’arrêter alors que nous essayons de poursuivre le dialogue autant que possible. Nous essayons de donner des réponses concrètes au développement de la Casamance qui doit être le pendant qui accompagne le processus de paix, en tout cas l’Etat doit être dans cette dynamique. L’Etat n’est pas dans une dynamique de guerre en Casamance. Je lance un appel encore une fois aux médias, à la presse pour que cette question soit traitée avec beaucoup de précaution parce que c’est une question de Sécurité nationale. On ne peut pas la traiter comme on traite l’actualité, c’est une question de Sécurité nationale qui peut porter atteinte à la vie des personnes, à la vie de nos soldats et de nos populations. Donc, on doit la traiter avec lucidité et responsabilité. Pour le reste, je lance encore une fois un appel à l’ensemble des membres du Mfdc pour continuer à travailler avec le gouvernement, dans la confiance pour un retour définitif de la paix en Casamance.
Attaques de Jammeh
Je pense que le Président Yahya Jammeh sait très bien que le Sénégal n’est pas dans les dispositions de faire quelque action que ce soit pour essayer de déstabiliser son régime. Ce n’est pas le Sénégal seulement, nous avons d’autres chats à fouetter. Nous avons d’autres choses à faire que de nous immiscer dans des problèmes en Gambie. Maintenant, le Sénégal est une terre d’accueil, c’est une réalité aussi et entre Sénégalais et Gambiens et autres Africains qui sont nombreux, y compris d’anciens chefs d’Etat et de journalistes venus de ces pays : les gens vivent en paix chez nous et ce que nous leur disons c’est que vous devez respecter le droit d’asile et d’accueil dans notre pays. Si vous êtes là en réfugié, si vous êtes là en simple citoyen Cedeao parce que le Gambien qui vient chez nous, il n’a pas besoin de visa ni d’autorisation, mais une fois qu’il s’implante, on ne tolère pas qu’il attaque le régime gambien et c’est pourquoi on a expulsé M. Sidya Bayo. Certaines organisations ont protesté, on lui a interdit l’accès au territoire parce qu’il s’engageait véritablement dans une politique de dénonciation contre le gouvernement gambien et son Président. On ne peut pas le protéger, on ne peut pas encourager de telles actions, mais un Gambien qui vit tranquillement chez nous on ne peut pas l’expulser s’il ne verse pas dans des actions subversives. C’est valable pour les guinéens qui sont chez nous, pour toutes les nationalités. Et, l’année dernière rappelez-vous on a dû expulser un Tchadien (le blogueur Mkaila) qui est d’ailleurs journaliste blogueur, mais à partir du moment où il avait fait des actions hostiles au régime de son pays, nous ne pouvons plus l’accueillir. Donc, le Sénégal n’est pas une terre de déstabilisation. Vraiment, c’est nous faire un mauvais procès. Que le Président Jammeh sache que moi je suis un démocrate et je suis préoccupé par le développement du Sénégal : je ne suis pas dans autre chose et chaque fois qu’on aura pris un Gambien en position de déstabilisation ou même de critique contre son régime, nous ne pouvons pas l’accueillir parce que quelqu’un qui s’oppose, il rentre chez lui s’opposer là-bas. On ne peut pas s’opposer à partir d’une terre étrangère.»
Agriculture
«(…) Ce n’est qu’en 2013 et en 2014 que le prix aux producteurs a atteint le niveau actuel qui est de 200 francs le kilogramme. Jamais auparavant le prix au Kg n’avait atteint ce niveau. L’Etat, qui ne fixe pas le prix, a pris toutes les dispositions pour que ce prix conjointement fixé par les producteurs, les opérateurs et les industriels soit respecté comme prix du marché. Malheureusement, il est apparu des pratiques de dumping qu’on appelle dans notre jargon le Mbappatt et qui consiste à essayer de créer des lenteurs dans le financement et à apporter une raréfaction dans les marchés, les loumas, pour que les producteurs pressés puissent bazarder leurs productions. (…)
Aujourd’hui, près de 90 mille tonnes d’arachide ont déjà été exportées vers ces marchés. C’est une bonne opportunité. Et cette année, ça a été une bouffée d’oxygène à telle enseigne qu’aujourd’hui, il arrive que l’arachide soit achetée à 250 francs le Kg. (…). Donc quand un Etat fait tous ces efforts, ce n’est pas bien de faire des critiques faciles qui ne collent pas avec la réalité des choses. Notre pays est le pays où on revendique le plus.
S’agissant des intrants, nous avons fait ce qu’aucun gouvernement n’a jamais fait. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Chaque année, nous avons mis près de 8 milliards pour les engrais qui sont subventionnés, rien que pour l’arachide, afin d’accompagner les producteurs dans l’enrichissement des sols, la régénération des sols. En plus d’autres méthodes culturales qui consistent à faire de la diversification, de la rotation pour que les terres puissent respirer.
L’autre aspect et le troisième non moins important, c’est le matériel agricole. Parce qu’il faut augmenter la productivité, la force musculaire ne peut pas entraîner un développement d’un pays. Nous avons décidé de changer de paradigme pour les paysans qui ont le moins de moyens, les paysans agriculteurs aux revenus modestes. Nous avons continué à les soutenir à travers le matériel attelé. Nous mettons la disposition des matériaux avec un financement de 70%... C’est une aide substantielle que nous faisons aux paysans. Au-delà des paysans modestes, nous avons des agriculteurs qui sont engagés dans la production céréalière, dans le Pse, la production de riz. Il faut donc mécaniser à grande échelle.
Investissements
(…) Depuis deux ans, nous avons en moyenne un peu moins de 1000 milliards par an. Cette année, nous sommes à 995 milliards de francs qui sont affectés à l’investissement direct pour les populations. 995 milliards, c’est beaucoup de ressources, indépendamment des questions de fonctionnement. Aujourd’hui, nous pouvons décider de faire soit dans notre programme Fera (Fonds routier pour l’entretien courant) ou à travers notre Bci, nous avons décidé de faire directement une route sur 20 milliards ou sur 25 milliards, nous pouvons le faire aujourd’hui. Nous pouvons aujourd’hui décider, comme je l’ai fait, de construire dans l’année deux universités pour 130 milliards sans aller quémander cela ou aller négocier avec quelque bailleur que ce soit. C’est dû à la bonne tenue de nos finances publiques, c’est dû aux arbitrages qui étaient difficiles au départ. (…) Nous sommes sur la bonne voie. Il ne faut pas s’étonner que le bond, une fois que tout cela est lancé, va passer très vite avec des taux de croissance de l’ordre de 4, 5 à 7% voire plus. Parce que quand tous les secteurs vont répondre comme le bâtiment avec tous les projets de l’Etat à Diamniadio, à Dakar, dans les pôles urbains mais aussi la reconstruction dans notre pays. Le Sénégal est aujourd’hui à 5 millions de tonnes pratiquement de consommation de ciment sur les 6 millions que nous produisons. Ça veut dire que les chantiers ont repris et que la confiance est là. Cela s’est vu d’ailleurs sur la croissance du secteur moderne tel que le bâtiment, les travaux publics et constructions. Sur l’année 2014, il y a eu une croissance de plus 6,5%. Vous voyez que ce secteur est très en avance par rapport à la croissance moyenne de 4,5 %.
Autre secteur qui a connu un bond, c’est le secteur tertiaire avec 21,3% en 2014. Et ça ce sont les derniers chiffres de la note de conjoncture faits par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie.
Dans le secteur industriel, la croissance a repris mais très faiblement, plus 1,3%. Là aussi, il faut rappeler que les Ics, qui étaient presque à l’arrêt, ont repris. Il y a eu un repreneur.
Aujourd’hui, il y a dans l’industrie de pêche, une reprise en main qui se fait. L’industrie minière extractive reprend et nous essayons autant que possible d’aider les entreprises en difficulté. Bien sûr, pour Senegal Airlines que nous essayons de sauver, il y a de graves problèmes.
En termes de prix à la consommation, nous avons connu une baisse des tendances. Au lieu d’avoir une inflation, c’est plus une déflation qui est notée et de l’ordre de -1,2%. (…)
Les réformes
Les réformes qui nous mettent à l’abri du chaos. Le terme est impropre. Même s’il est annoncé ailleurs, je ne crois pas que ce soit le terme de la Banque mondiale. Il n’y a point de chaos possible à l’horizon, Inch’Allah.
Mais de façon générale, nous devons continuer les réformes puisque si nous ne réformons pas, ça veut dire que nous restons statiques et nous dormons sur nos lauriers. (…) Les pays doivent se réformer. Nous devons améliorer le climat des affaires dans notre pays, lutter contre la corruption, faire en sorte que la perception d’un Etat de droit soit une réalité dans notre pays. C’est cela qui attire l’investissement. Puisque l’Etat tout seul ne peut pas créer beaucoup d’emplois. (….)
Nous travaillons pour que les crédits ne soient pas usuriers, pour que les durées de remboursement soient le plus long possible. Et, nous avons obtenu avec le système bancaire, avec la Bceao qui fait des efforts en ce sens en baissant ses taux directeurs. Nous travaillons pour que les banques également aient des allègements par rapport à la législation bancaire qui doit être modernisée.
(…) Si nous voulons que le crédit soit relancé, que les populations, les travailleurs aient accès à l’économie, il faut que la Banque centrale nous accompagne de manière forte. (...) Mais je puis dire, pour avoir échangé à plusieurs reprises avec le gouverneur de la Banque centrale, qu’elle-même fait des efforts pour que le taux de crédit soit plus bas.
Sur l’habitat aujourd’hui, nous pouvons aller à 20 ans, 25 ans. Ce n’était pas le cas, de sorte que le jeune travailleur qui sort toute suite, il doit pouvoir obtenir un crédit immobilier sans apport parce qu’on sait qu’il est là, il travaille. D’ailleurs, ça va réduire les grèves, parce que si les banques me suivaient, on accorderait le crédit à tous les agents de l’Etat ou fonctionnaires qui allaient payer leur maison, comme ça ils savent que s’ils vont au travail, la maison c’est acquis.
(...) Déjà dans les projets immobiliers qu’on fait en ce moment, il y a une parfaite synergie avec les banques et donc les durées ont été augmentées et les crédits abaissés. Maintenant, c’est le crédit à la consommation qui est très cher. Et là-dessus, je crois que nous continuerons à faire des efforts pour accompagner la consommation dans notre pays.
(…) Lorsqu’en février 2014, je me suis rendu à Paris pour rencontrer la Communauté internationale et rechercher le gap pour pouvoir compléter les 10 mille milliards de francs Cfa qui étaient nécessaires au financement du Plan d’actions prioritaires 2014-2018. Nous recherchions 1 800 et quelques milliards pour le secteur public et à peu près un peu plus pour le secteur privé.
35 % du Pse déjà mobilisé
En une année, février 2014-février 2015, nous avons mobilisé 35%. C’est plus du 1/3 de ces ressources qui devaient être étalées sur cinq ans. C’est un record absolu et l’expression de la confiance des partenaires sur notre pays. Certains partenaires sont allés jusqu’à 40%, c’est le cas de la Banque islamique de développement, 40% de leur engagement en France qui était de 1 milliard 100 millions de dollars ont été mobilisés en une année. Nous sommes véritablement dans la mise en œuvre effective et réelle du Pse. C’est le sens des projets que vous avez vu démarrer : l’habitat, les projets de routes, de pistes, d’électrification rurale et de manière générale l’ensemble des projets publics dont vous êtes en train de suivre l’exécution à travers le territoire national. Le Pse se porte très bien. Nous n’avons pas de problème de moyens aujourd’hui. Nous suivons plutôt l’exécution dans les délais des différents projets. C’est pourquoi j’ai lancé le concept de Gestion axée sur les résultats, le Gar. Toutes les actions aujourd’hui ont fait l’objet d’une évaluation et d’une planification et sont suivies à temps réel. (…)
En ce qui concerne le taux d’endettement, 47%, c’est très en deçà des possibilités d’endettement qui doivent aller jusqu’à 70%. (…) Nous n’avons pas un endettement surélevé, mais nous devons être prudents, parce qu’il faut bien s’endetter. Il ne faut pas s’endetter n’importe comment, parce que si vous vous endettez n’importe comment, vous payez un service de la dette qui est hors de portée.
(…) En 2011, le Sénégal, pour la première fois, est allé sur le marché. C’était déjà une innovation ; il fallait s’en réjouir et féliciter le gouvernement qui était là d’avoir pu inspirer la confiance. Ils sont allés lever un euro bond mais rémunéré à 8,75%. Pour nous, c’est trop cher. Deux ans après, le Sénégal est retourné sur le marché ; il a levé 50 millions de dollars à 6,25%. Vous voyez la différence. Au moment où je vous parle, si on doit lever, ce sera à 5% parce que le pays est crédible, il a une grande signature et tous les partenaires du monde veulent acheter de l’euro bond ou du soukouk sénégalais. (…)
Quand je venais d’arriver nous payions pratiquement 56 milliards par mois comme service de la dette, un plus que les salaires de tous les fonctionnaires. La dette sénégalaise s’améliore en qualité. Elle est étalée dans le temps avec des taux plus bas et c’est cela qui fait que nous nous portons mieux pour financer les infrastructures.
Nous allons lancer un train électrique à écartement standard. Ça, c’est un projet très structurant qui ne peut pas coûter moins de 300 milliards. Ce ne sont pas tous les pays qui peuvent engager une telle infrastructure. Il nous faudra être très vigilant.
(…) Nous avons donné à la Senelec, des obligations aussi de résultats et un contrat de performance a été signé où nous suivons au quotidien les indicateurs. La Senelec fait des efforts, il faut qu’elle s’inscrive dans cette perspective de performance dans le secteur de l’électricité.
Marchés publics
Les marchés publics passionnent tant les Sénégalais. Nous avons fait des réformes sur la base d’un contrat. L’avènement du Code des marchés publics, qui a été salué, a aussi finalement généré des blocages à cause de la superposition de tous les marchés à la Direction centrale des marchés publics. Toutes les administrations, toutes les collectivités sont obligées, même pour acheter des consommables, dès lors qu’on dépasse 15 millions de francs Cfa, de recourir aux autorisations. Et on a vu que ce qui bloquait le plus, c’est le volume de marchés qui sont insignifiants en réalité.
Lorsque nous parlons d’un budget de 2 800 milliards francs Cfa sur lequel vous réservez presque 1 000 milliards pour la commande publique en matière d’infrastructures principalement, on ne doit pas bloquer tout ce processus par au total moins de deux à trois milliards qui sont de petites dépenses de fournitures de papier, de bics qui prennent tout le temps du service central et des ministères. On a dit qu’on va augmenter le plafond, le seuil des marchés si vous voulez, à 70 millions de francs pour les travaux et à 60 ou 50 millions francs pour l’achat des biens et services. Et cela a décongestionné. En ce moment, la direction s’occupe de choses beaucoup plus intéressantes à partir de 70 millions jusqu’à X milliards. Mais ce n’est pas dans ces faibles montants que véritablement, il y aura de la grande corruption. Au contraire, c’est un allégement, une bouffée d’air qui a été donnée pour que les gens se concentrent sur l’essentiel. Il ne faut pas que, non plus, les procédures soient un obstacle. Ça doit aider à la gouvernance, ça doit aider à crédibiliser notre Etat de droit. C’est clair. Mais on doit les respecter puisque c’est la loi et le règlement. (…)
J’ai même eu recours au Programme des Nations-Unies pour le développement. Je leur ai confié des marchés publics de l’Etat pour aller plus vite parce que ce qui nous importe, c’est d’avancer. Et on ne peut pas avancer à pas de tortue quand on veut de l’émergence dans un pays. (…) Il faut qu’on sache ce qu’on veut. Si on veut rester là, être noté bon élève de la Banque Mondiale, du Font monétaire international, je ne suis pas dans ça. Ça ne m’intéresse absolument pas. Je suis là pour faire bouger le Sénégal dans le bon sens. Maintenant, il faut respecter la gouvernance. Nous avons fait ce qu’aucun pays, en Afrique, n’a fait en termes de gouvernance, de déclaration de patrimoine, de création de l’Ofnac pour accompagner toute cette gouvernance et toute cette charge sur l’intégrité nationale. Il ne faut pas qu’on nous fasse ce procès. Je pense que le Sénégal est sur la bonne voie. Chaque fois que j’identifierai des goulots d’étranglement, je les réformerai. Je suis un réformateur.
Je ne suis pas là pour constater et pleurnicher sur des blocages. Je les modifie. Les lois sont faites pour être modifiées. Seulement, il faut faire les modifications en dialoguant avec les acteurs. Ce sont les partenaires, la Société civile, le secteur privé. Il faut poser sur la table, les problèmes. Et c’est ce que nous avons fait dans cette réforme. Elle était totalement accompagnée, soutenue par le secteur privé, la Société civile... Vous pouvez toujours trouver des individus qui ne sont d’accord avec personne. Ça aussi, c’est la vie. On ne va pas s’arrêter parce que simplement, monsieur Newton ou Madame Tournesol ne veut pas qu’on avance. (…)
Engagements pour les régions
Vous parlez des engagements de plus de 2 000 milliards. Mais on a cet argent puisque chaque année le budget du Sénégal, c’est au moins aujourd’hui 2 900 milliards. On va aller bientôt à 3 000 milliards par an. Et quand nous parlons de ces engagements, c’est sur un plan triennal qui est glissant. C’est ça que certains n’ont peut-être pas biens saisi. Quand vous prenez le Bci, même dans l’année, on dit il y a 1 000 milliards, mais ils sont répartis dans les 14 régions, Il y a des salles de classe par-ci, des pistes par-là. Quand nous allons dans une région, nous essayons d’être un peu équitables, de voir qu’est-ce qui a été programmé globalement pour la région. On prend ministère par ministère. On fait la somme, on module et on réoriente. On peut augmenter ici, diminuer là-bas… Tout ce qui a été dit sera fait. Ça commence à être fait. (…) Ce que nous faisons, ce n’est pas de la magie, ni de la démagogie, c’est de la politique économique. Et nous avons les moyens de notre politique. Je ne vais pas proposer aux Sénégalais de les amener à la lune. Je n’en ai pas les moyens. Je ne vais pas leur dire que je vais leur acheter des Airbus A380 pour notre compagnie nationale. C’est de la démagogie. (…) J’ai dit au Premier ministre : non seulement, je vais être sur le terrain, mais je suis géologue quelque part, donc j’aime bien le terrain, mais le gouvernement lui-même doit être sur le terrain, régulièrement pour vérifier. Nous serons sur le terrain pour voir de façon concrète, la traduction des engagements.
Maintenant, venons-en aux entreprises sénégalaises. «On préfère le savoir faire extérieur.» C’est une déclaration qui repose sur rien du tout. La réalité, non seulement dans le Code des marchés, nous avons une préférence nationale, communautaire, nous avons aussi, autant que faire se peut, encourager… Je l’ai dit l’autre jour à Diamniadio que ceux qui veulent construire n’ont qu’à venir, je leur donne les terres. Depuis que l’ai dit, il n’y a pas eu de demandes. On veut faire ce procès à l’Etat. Ensuite, même avec les Chinois, j’ai demandé qu’il y ait de la co-contractualisation avec les entreprises nationales. Nous voulons un partenariat gagnant-gagnant. Nos entreprises, il y a en a qui sont très bonnes, qui ont fait leurs preuves en matière de route, de Btp. Elles sont présentes partout en Afrique. (…)»
Transhumance : «Mon rôle, c’est de tout faire pour réduire l’opposition à sa plus simple expression»
«La transhumance est un terme péjoratif qui ne devrait jamais être utilisé en politique parce qu’elle est réservée au bétail qui quitte des prairies moins fournies pour aller vers des prairies plus fournies. Selon les saisons, le bétail a besoin de se mouvoir. C’est vrai que c’est par analogie que les gens ont taxé les perdants qui vont vers les vainqueurs. Ça peut se concevoir mais le terme n’est pas acceptable. Nous avons tous la liberté d’aller et de venir, c’est la Constitution qui nous le garantit. Ensuite, les acteurs politiques au Sénégal ne sont pas nombreux. Nous avons à peu près 5 millions d’électeurs sur 13 millions de Sénégalais. Lorsque vous avez une majorité et que vous voulez la consolider, si vous n’allez pas pêcher dans le camp adverse, comment allez-vous maintenir votre majorité ? L’opposition fait dans la critique, la désinformation et la surenchère pour décourager des pans entiers du pouvoir et les ramener vers elle. Le pouvoir aussi doit tout faire pour récupérer des gens de l’opposition. C’est un jeu tout à fait normal en politique. Il ne faut pas le dramatiser. Depuis longtemps, ces mouvements existent et ce n’est pas aujourd’hui que nous allons l’arrêter. Il y a des gens qui pensent qu’ils ont toujours la vérité avec eux, que c’est amoral. Moi-même je suis un exemple non ? Je viens du Pds. Je m’y sentais mal à l’aise. Je l’ai quitté, j’ai créé ma formation, j’ai travaillé et j’ai gagné. Alors, où est le problème ? Et demain, quelqu’un du Pds me rejoint, vous voulez le considérer comme un traître. Il faut quand même relativiser le débat, limiter les jugements de valeur qui ne reposent sur rien du tout. Vous savez très bien que la notion d’idéologie est très relative. J’ai fait plus que les Socialistes en termes de politique sociale. Pourtant, je me réclame libéral, social bien sûr. Laissez les gens aller librement où ils veulent. Nous ne les débauchons pas à coups de milliards, nous ne leur donnons pas non plus tout de suite des postes. Comment voulez-vous qu’un parti au pouvoir n’aille pas chercher des militants pour après perdre le pouvoir. Ça n’a aucun sens ! La logique politique voudrait que nous gardions notre majorité, que nous allions aux élections et que nous gagnions au premier tour. Pourquoi on nous demande de scier la branche sur laquelle nous sommes assis ? Au nom de quel principe ! De grâce, que ceux qui ne font pas de la politique arrêtent de faire des jugements sur les acteurs politiques parce qu’ils ne sont pas plus saints, ni plus crédibles ni plus intègres que ces politiques. Moi en tout cas, mon mot d’ordre c’est l’ouverture. Par tous les moyens et partout où vous pouvez convaincre les Sénégalais, amenez-les pour qu’ils accompagnent l’action du président de la République. Je ne peux pas être un revanchard. Un homme politique ne doit pas être rancunier. Il faut mettre tout cela dans le cadre de l’action politique et de l’adversité. Nous ne sommes pas des ennemis. Aujourd’hui, je viens de présenter mes condoléances à la famille de Babacar Gaye (Ndlr : Porte-parole du Pds) qui a perdu sa maman. On doit dépasser ces contradictions pour restaurer les vertus et les valeurs sénégalaises. Mon rôle, c’est de tout faire pour réduire l’opposition à sa plus simple expression, mais dans les règles d’éthique et de comportement politique. Ça se fera et ça se poursuivra. Donc, je n’ai aucun problème à recevoir des opposants au sein de mon parti.
BBY : «Le débat sur la détermination des alliés ne se pose pas»
La coalition Benno bokk yaakaar se porte très bien. Dans la presse, il y a des gens de tous bords qui s’agitent et qui ne sont pas au fait ce qui se passe. C’est cela qui peut donner l’impression qu’il y a des problèmes au sein de Bby. Il n’y en a aucun. Aujourd’hui, le débat sur les positions à prendre au sein de la coalition (pour la Présidentielle) ne se pose pas. Même s’il y a des militants qui disent qu’il faut que les uns et les autres se déterminent tout de suite ou qu’ils quittent. Ce ne sont pas des attitudes que je peux soutenir.
Référendum : «Ce n’est pas simple»
Plus on va s’approcher de 2017, plus la tension va monter. J’ai dit que je respecte mon engagement, mais il ne faut pas aussi qu’on m’engage dans ce que je ne peux pas faire. Ce serait de la démagogie. Si c’était moi qui devais trancher, j’aurais pris un décret et le débat aurait été clos. Même pour respecter l’engagement, il y a une procédure à suivre. L’un des derniers professeurs qui a parlé c’est Pape Demba Sy pour qui ça ne peut se faire que par voie référendaire. Pour d’autres, c’est la voie parlementaire ou même la démission. On ne peut pas s’amuser avec la Constitution. On dit : «oui, que le président l’avait dit… », comme si sa parole c’est la Bible ou le Coran. Ma position est restée ferme : je vais proposer la réduction de mon mandat selon les règles et les formes que la Constitution permet parce qu’aussi j’ai prêté serment. Quand on va jusqu’à dire que personne ne doit dire non, on n’est plus en démocratie parce que je dois aussi respecter la volonté de mon parti. Je dois plutôt faire l’effort de les convaincre. Par contre, je leur dis que ce n’est pas le moment d’engager notre pays dans un débat stérile alors que moi-même, en proposant 2016 pour le référendum, c’était pour qu’on ait du temps pour travailler. Alors, qu’est-ce que je peux dire de plus que ce que j’ai déjà dit. J’ai pris un engagement, je le porterai devant qui de droit, c’est-à-dire le Peuple. Sous quelle forme ? Je pense que ça doit être un référendum. Mais laissons les spécialistes, que nous-mêmes nous commettrons, voir la meilleure démarche et comment il faut poser la question. Est-ce que c’est uniquement la réduction de la durée ? Parce qu’on ne peut pas aller à un référendum avec une réforme de plusieurs articles de la Constitution et en même temps réduire le mandat en cours pour un oui ou un non. Ce n’est pas simple. Je dois aussi avoir les avis des membres de mon parti, de mes alliés et du Peuple. Tous ont leur mot à dire. Je pense que c’est suffisamment clair. Maintenant, si quelqu’un dit que ce n’est pas clair, en tout cas j’ai dit ce que j’avais à dire, je ferai ce que je dois faire le moment venu.
Karim et Khalifa Sall, ses adversaires : «Ce n’est pas un hasard qui m’a mis là où je suis»
Je ne vois pas pourquoi je vais citer untel et laisser un tel autre. Pourquoi voulez-vous que je cite Moussa ou Demba et que je laisse les autres. Encore une fois, je crois au travail fondamentalement et même en politique, je pense que c’est par le travail qu’on fera des résultats. Ceux qui travailleront plus que moi arriveront peut-être à convaincre les Sénégalais de voter pour eux. Le moment venu, on constatera. Mais je ne suis pas dans des projections absolument aériennes, qui ne reposent sur rien du tout sinon des effets de médias, de manipulation d’opinions. Non, je ne suis pas dans la spéculation et je pense d’ailleurs que le moment est vraiment prématuré de s’attarder sur ces considérations. Le moment venu, on le fera et on fera ce qu’il faut. Et je sais le faire parce que ce n’est pas un hasard qui m’a mis là où je suis. Je sais le faire, je sais me battre en politique. Même si je ne donne pas l’air de quelqu’un qui sait bien se battre quand il le faut.»