Le grand cadre des syndicats de l’enseignement (Gcse) et le gouvernement sont toujours à couteaux tirés depuis l’échec des négociations de samedi dernier. Si les syndicalistes campent sur leur position, la Cosydep demande l’implication du chef de l’Etat pour une issue à la crise.
L’école publique sénégalaise continue de subir les contrecoups du dialogue de sourds entre l’Etat et les syndicalistes. Ces derniers ont mis à exécution leur 5ème plan d’action avec un débrayage hier à 9 heures et une grève totale sur le territoire aujourd’hui, demain et vendredi. Un bilan d’étape satisfaisant pour le coordonnateur du Gcse : ‘‘De 9 et 11 heures, les rues étaient plein d’élèves entre Dakar et Rufisque, ce qui témoigne du suivi du mot d’ordre. Dans les régions et les départements, nos représentants nous ont assuré que le mot d’ordre était largement suivi. Ce qui doit inquiéter plus d’un. Il faut que le gouvernement mette tous les atouts de son côté pour débloquer la situation le plus rapidement possible. Un protocole a été signé, son contenu est connu de tous. Il s’agit de s’y conformer’’, déclare Mamadou Lamine Dianté.
De l’avis du syndicaliste, la faute incombe au manque de réactivité de la tutelle. ‘‘C’est la responsabilité de l’Etat ; il y a eu des lettres d’interpellation et un dépôt de préavis de grève. Nous avons attendu un mois sans réaction du gouvernement, donc c’est leur responsabilité’’, ajoute-t-il. Une situation qui hypothèque les chances d’une année scolaire apaisée. Malgré la tenue des assises nationales de l’éducation et de la formation et la signature d’un protocole d’accords où il a été question ‘‘d’accords réalistes et réalisables’’, les vieux démons de l’école se réveillent.
Le coordonnateur de la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (Cosydep) est excédé par la récurrence de ces problèmes. ‘‘On tue l’école publique. On en appelle à la responsabilité de tous. Le chef de l’Etat doit pouvoir rencontrer les enseignants, qu’il n’a d’ailleurs jamais reçus. Il faut une sortie de crise pas seulement pour cette année mais définitivement. Il faut que les gens puissent la dépasser et qu’en matière d’éducation, on s’engage sur des réflexions beaucoup plus sérieuses’’, s’emporte-t-il au bout du téléphone. Pour Cheikh Mbow, l’intervention du chef de l’Etat est requise car quand ‘‘des questions commencent à dépasser les ministères, pris individuellement, le premier des Sénégalais doit réagir. Le ministre bute sur la faisabilité de ces accords et cela nous inquiète’’, dénonce-t-il.
‘‘A la lisière d’une année compromise’’
Même si les syndicalistes ont poursuivi des actions radicales, une année blanche ne semble pas être à l’ordre du jour. Après celle de 1988 et une année invalide en 1994, cette éventualité est bottée en touche par les différentes parties prenantes. ‘‘ Nous savons ce que coûte une année blanche, personne ne prendra la responsabilité de nous y précipiter. Mais on risque, comme toujours, de s’accorder à la toute dernière heure de devoir sauver l’année alors que la demande est que l’on travaille à sauver l’école.
C’est ça la vraie solution. Nous avons toutes les armes pour le faire’’, s’indigne Cheikh Mbow. Si le coordonnateur de la Cosydep ne veut pas entendre parler d’une année blanche, il souligne toutefois les conséquences de ces grèves répétées. Selon lui, les écoles en sont à 120 heures de perdu alors qu’un quantum de 900 heures est nécessaire. Ce qui implique un manque de performance et un défaut de reconnaissance des diplômes sénégalais à l’internationale. Pis, le coordonnateur du Gsce donnent des chiffres inquiétants. ‘‘Les estimations du ministère de l’Education même font état de 92% d’établissements qui n’ont pas encore achevé le premier semestre à la mi-avril’’, fait savoir Mamadou Lamine Dianté. Il s’est montré un peu moins catégorique que M. Mbow quant à une année blanche. ‘‘Ce serait regrettable mais force est de reconnaître aujourd’hui qu’on est à la lisière d’une année totalement compromise. Si ça arrivait, ça ne relèverait que de la responsabilité de l’Etat. Les enseignants réclament le respect d’accords que le Gouvernement a trouvé réalistes et réalisables’’, se défend-il.
Énième rencontre
Au-delà de la résolution de cette crise, c’est toute une série de conséquences qui se posent. ‘‘A l’heure du bilan, les évaluations ne vont pas tenir compte de ceux qui ont eu à bénéficier d’un nombre d’heures conséquent. Quelques enfants font leurs cours, d’autres non et ils seront évalués dans les mêmes conditions. C’est inacceptable’’, déplore le coordonnateur de la Cosydep qui ajoute que 5 000 enfants risquent de ne pas passer l’examen d’entrée en sixième à cause d’un problème à l’état-civil.
Vendredi, le gouvernement et les syndicats se rencontrent une énième fois pour trouver une issue heureuse à cette crise. Mais comme le rappelle Cheikh Mbow, ‘’le dialogue a toujours existé. Ce qu’il faut, c’est qu’il se termine par des résultats’’, en espérant que la rencontre du vendredi permette une solution de perspective durable et non une sortie de crise momentanée. Le grand Cadre attend d’être saisi formellement car ayant reçu un coup de téléphone pour la rencontre, mais pas de convocation. Le cas échéant, Mamadou Lamine Dianté et ses camarades promettent d’y aller avec ‘‘beaucoup de responsabilité et de lucidité’’.