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Art et Culture

Ibrahima Diallo sur Timbuktu : «C’est un film raciste et anti-noir»
Publié le mardi 14 avril 2015  |  Le Quotidien




La dernière réalisation du cinéaste Abderrahmane Sissako, qui a raflé 7 Césars au mois de février dernier à Paris, ne finit pas de soulever des polémiques sur le continent africain. Dans une contribution virulente, son compatriote, Ibrahima Diallo, Porte-parole des Forces de libération africaines de Mauritanie (Flam), affirme que «Timbuktu de Abderrahmane Sissako est une insulte des noirs».

M. Diallo dans son analyse au vitriol écrit : «Film sur commande pour en effacer un autre : «le Cercle des Noyés» du Belge Pierre-Yves Van­derweerde tourné à Oualata. Fable propagandiste sur le mythe des hommes bleus du désert, leur supériorité épidermique sur les Noirs. Film, qui au-delà de son aspect esthétique, reste un poncif, car peu sérieux, et loin des préoccupations de celles et ceux que Abderrah­mane Sissako donne en spectacle à un public peu au fait de ce que la ville «aux Mille saints» a vécu entre les mains des Touaregs et des Arabes d’Ançar Dine et du Mnla, Timbuktu montre des Nègres avilis, impuissants, sous-humanisés, et des peaux claires aux bons rôles.» Selon Ibrahima Diallo, ce long-métrage, primé 7 fois aux Césars, est un «film soutenu et porté par Mohamed Ould Abdel Aziz pour raconter sa guerre au Mali». «C’est avec l’arrêt de la progression des protégés de Moha­med Ould Aziz par l’opération Serval en janvier 2013 qu’aurait été entreprise la campagne contre la démythification des arabes et assimilés pour la sale guerre menée au Mali», précise-t-il.

A en croire le porte-parole des Flam, Sissako a demandé des moyens pour «une super production sur le djihadisme versus l’Homme bleu, courageux et digne, un imam lisse version Hassen Chalghoumi, et des Adg de qatiba capables d’empathie». Ce qui frappe surtout, écrit-il, «c’est que nous n’avons dans ce film, aucune référence au Mnla, au Mujao, et encore moins à Ançar Dine». Ce qui serait «Une exigence de ceux qui ont dissuadé Sissako de faire son film sur l’esclavage en Mauritanie».Pour ce faire, poursuit ce fils d’Aïoun El Atrouss dans le septentrion mauritanien, Ould Abdel Aziz a mis l’Etat mauritanien à la disposition de ce monstre sacré du cinéma africain. «Logis­tique militaire, protection armée, utilisation des militaires hratines (esclaves et esclaves affranchis) comme figurants. Un scénario obturé par les contradictions ethniques mauritaniennes avec un fort condensé de non-dits, une complaisance vis-à-vis de la barbarie humanisée des Négro­phobes narco-terroristes, islamistes», mentionne Ibrahim Diallo. Persistant dans l’idée que l’œuvre de Sissako, célébrée à travers les cinémas du monde, est «Un cumul de clichés sur le Noir, être inférieur aux «oreilles rouges»», il signe que «Timbuktu est une reconstitution nauséabonde du manichéisme dont Mohamed Ould Abdel Aziz fait montre. Lui qui voit le monde entre Arabes et assimilés, et les autres, les Noirs en particulier».

«Ould Abdel Aziz, l’œil de la caméra»
Dans ce film, note Ibrahima Diallo, Sissako ne devait montrer aucune trace de la cruauté raciste de l’association Mnla, Ançar Dine, Hcua, Cajam mais devait focaliser son objectif sur le mythe du bon Touareg (Kidane), qui ne va pas surtout pas s’en prendre à l’autre (Abdel Kérim) qui fait des yeux doux à Setima (l’épouse), mais va ôter la vie à Amadou un pêcheur Bozo, pour une histoire de vache. «Timbuktu, selon Sissako, c’est un Noir énervé, des Noirs pécheurs (adultérins), violeurs, joueurs, et apprentis jihadistes,…, si on nous ne donne pas à penser qu’ils pourraient être des esclaves (le porteur d’eau en moto). A travers Timbuktu, c’est Ould Abdel Aziz l’œil de la caméra», critique M. Diallo. D’après lui, le film est aussi une «ultime insulte faite à la mémoire des disparus de Oualata». «Film primé, mais film-imposture et film limite raciste anti noir, Timbuktu s’en prend aux mélanodermes», poursuit le porte-parole des Flam dont la contribution vient rajouter à la vague de reproches ou plutôt de critiques déjà portées sur ce long métrage du plus célébré des réalisateurs mauritaniens. Et cela ne manque pas de susciter des réactions dans l’opinion publique. «J’étais assez sceptique et distante quand j’ai vu le film à Paris, mais j’avais du mal à saisir pourquoi et je pensais que c’était parce que le scénario était vide et que l’impact du film ne serait pas concret auprès de la jeunesse africaine qui le verrait. Cependant, je n’avais pas compris pourquoi on avait hésité à le projeter au Fespaco et quand je l’ai revu à Dakar, j’étais plus froide encore mais sans trop savoir pourquoi, sinon un certain gâchis dans le traitement du sujet et une indignation redoublée que tant de Césars lui aient été décernés, mais en lisant la contribution militante de ce Mau­ritanien, j’ai alors compris toute l’imposture ...», note une lectrice et amatrice de cinéma.
Si jusque-là, les discussions dans le milieu des critiques sénégalais de cinéma au sujet de ce film restent informelles, Oumy Regina Sambou, journaliste à Sud Fm et présidente de l’Association des journalistes culturels du Sénégal, ne manque pas d’inviter les critiques sénégalais à une réflexion approfondie autour de cette réalisation. Cela pourrait servir comme un cas d’école.«J’aimerais bien qu’on fasse une discussion autour du documentaire et de la fiction en prenant comme exemple, le film de Abderrahmane Sissako. Quand j’ai vu le film, j’ai compris pourquoi il a eu les Césars. C’est un film comme l’Occident voudrait voir les films africains pleins de bons sentiments, pas assez profonds, à la limite naïfs. Il n’en demeure pas moins que sur le plan technique, il est de bonne qualité…», a-t-elle réagi. Cette journaliste, par ailleurs membre de l’Association sénégalaise des critiques de cinéma, précise également que le réalisateur mauritanien a certes fait des choix discutables, mais s’interroge : «Est-ce une raison pour défendre la thèse d’un racisme anti noir?» « Non ! », répond-elle, affirmant au sujet de cette contribution de Ibrahim Diallo, qu’elle a l’impression qu’ «on veut dépouiller ce film de sa portée humaniste». Un avis qui, une fois encore, reste discutable et témoigne de la grandeur mais surtout de l’intérêt incontesté que suscite encore et toujours Timbuktu de Abderrhamane Sissako. N’est-ce pas finalement en cela, la force des grandes œuvres ?
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