Au plus fort du tintamarre de ses partisans qui souhaitent de manière non équivoque que Macky Sall revienne sur son engagement de réduire son mandat, pour accomplir les 7 années pour lesquelles il a été élu, les observateurs commençaient à se poser des questions sur la sincérité de l’engagement du président de la République à réduire son mandat et à s’appliquer le quinquennat. Sans doute excédé par tout ce bruit, et surtout par les prises de position de certains de ses proches collaborateurs, Macky Sall a, au cours d’un échange avec Le Quotidien, tenu à remettre les pendules à l’heure.
«Je ne renie pas ma parole»
Le Président Macky Sall se montre préoccupé par le débat initié subitement par des responsables de son parti, l’Alliance pour la République (Apr), sur la réduction du mandat du président de la République. Le chef de l’Etat avait été élu en 2012 pour un mandat de sept ans. Mais, avant même la tenue du second tour de l’élection présidentielle, Macky Sall s’était engagé, une fois élu, à ramener le mandat à cinq ans et affirmait qu’une telle disposition s’appliquerait au mandat en cours. A plusieurs reprises, le chef de l’Etat a réitéré un tel engagement et lors d’une rencontre, le mois dernier, avec des membres de la presse étrangère accrédités à Dakar, il avait fixé au mois de mai 2016, l’échéance pour un référendum constitutionnel qui donnerait l’occasion aux Sénégalais de se prononcer sur cette question. C’est dire que le Président Sall a été surpris et courroucé par la recrudescence d’une polémique qui remettrait en cause son engagement. Il a tenu ainsi à se confier au journal Le Quotidien pour dire ses états d’âme : «Je suis franchement agacé par un tel débat qui prend origine au sein de mon propre parti. Un tel débat est inacceptable car je ne reviendrai pas sur ma parole. Je ne renie pas mon engagement de m’appliquer la réduction du mandat du président de la République.»
«Tout membre du parti qui s’opposerait à la ligne indiquée s’exposerait à des sanctions»
Le Président Macky Sall trouve que ses camarades de parti qui s’expriment dans le sens de prendre le contrepied de son engagement le contrarient fortement. «Il est inopportun et prématuré d’invoquer un tel débat. Ceux qui ont des avis contraires pourraient l’exprimer au moment de la campagne référendaire mais on ne peut pas être prisonnier d’un débat stérile à plus de quinze mois de cette échéance. Nous avons à nous atteler à conduire nos projets dans la sérénité.» Macky Sall se dit déterminé à faire rentrer tous ses camarades dans les rangs quand il annonce : «N’eut été mon déplacement à l’intérieur du pays, j’aurais convoqué ce lundi (Ndlr: aujourd’hui 13 avril 2015), une instance du secrétariat du parti pour faire une prise de position claire sur la question. A partir de cet instant, tout membre du parti qui se mettrait en opposition à la ligne indiquée par le parti s’exposerait à des sanctions pour cause d’indiscipline.» Plus ferme, il ajoute : «Nous ne pouvons pas poursuivre un tel débat.» En attendant, le Président indique avoir donné des instructions à Seydou Guèye, porte-parole de l’Apr, afin de faire des sorties médiatiques pour réaffirmer de manière claire et nette, sa position sur cette question de réduction du mandat. Macky Sall avait même songé à faire publier un communiqué pour préciser une fois de plus sa position. Seulement, souligne-t-il : «Je ne saurais dire la même chose que j’ai déjà dite à maintes reprises. Je ne reviens pas sur mon engagement.»
La fausse route de Oumar Youm
Le chef de l’Etat a d’autant plus de regrets que le ministre Oumar Youm, oubliant sans doute sa casquette de porte-parole du gouvernement, s’est autorisé une sortie pour prendre position dans ce débat et dans le sens contraire à celui qu’il a déjà exprimé lui-même. Il faut dire que c’est surtout la sortie de Oumar Youm qui a renforcé le trouble et le scepticisme dans les esprits.
En effet, tant que c’étaient des responsables politiques comme Mbaye Ndiaye, Farba Ngom ou Moustapha Cissé Lô qui clamaient leur opposition à tout projet de réduction du mandat, l’opinion publique pouvait ne pas s’en étonner outre mesure. Mais la sortie, la semaine dernière, du porte-parole du gouvernement, a interpellé de nombreux observateurs qui se sont demandés si le ministre des Collectivités locales n’avait pas été inspiré par son chef. Dans l’entourage de Macky Sall, on se demande encore quelle mouche a piqué Oumar Youm qui, pourtant, fait partie des membres du gouvernement sur lesquels le chef de l’Etat porte une appréciation positive. Toutes les fois que cette question de la réduction du mandat présidentiel a été évoquée dans les délibérations du gouvernement, le Président s’est montré sans équivoque, s’en tenant strictement à son engagement. Quelle parole Oumar Youm porte-t-il ?
Macky Sall ne perdrait pas au change
En effet, Macky Sall lui-même semble avoir une claire conscience qu’il n’aurait rien à perdre à la réduction de son mandat. Le cas échéant, les deux années de mandat auxquelles il renoncerait, au-delà du fait qu’elles devraient lui valoir une certaine reconnaissance de la part de ses concitoyens, lui permettraient de prouver à la face du monde qu’il ne saurait s’accrocher au pouvoir et que sa politique de modernisation et de renforcement des institutions républicaines reste une conviction forte et inébranlable. Un tel geste fort, unique au monde, le préparerait à jouer un rôle international important après son règne au Sénégal. Et au cas où le Peuple souverain refuserait la réduction du mandat, cela démontrerait déjà à suffisance que les Sénégalais sont bien satisfaits de sa gouvernance.