L’architecture des mécanismes de sécurisation des droits des créanciers notamment les établissements de crédit dans l’espace Ohada (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) a fait l’objet, le 16 mai 2011, de réelles innovations qui la modifient de manière très forte. Une réforme qui s’inscrit dans un cadre plus global de facilitation du climat des affaires dans ledit espace et dont les principaux piliers ont fait l’objet, la semaine dernière, d’un séminaire organisé par la Commission nationale pour l’Ohada en partenariat avec le Collectif des journalistes économiques du Sénégal (Cojes).
Un espace économique moderne impulsé par le crédit nécessite des mécanismes de règlement des créances et de règles juridiques effectives pour assurer de manière prévisible, transparente et peu coûteuse, le recouvrement par les entreprises des créances qui leur sont dues par les débiteurs. Sous ce rapport, les enjeux économiques de la réforme de l’Acte uniforme Ohada portant organisation des sûretés constituent un atout pour faciliter l’accès au crédit, obstacle majeur dans les Etats africains.
Ces sûretés représentent ainsi des garanties facilitant l’accès au crédit tout en réduisant les pertes potentielles dues au risque de non-paiement que pourrait subir le prêteur. C’est en ce sens que le droit des sûretés qui favorise la confiance, clé de voûte des activités de crédit, a cette redoutable vocation d’exposer les biens des constituants, débiteurs ou tiers non tenus à la dette, aux poursuites des créanciers pour ne pas dire à leur appétit.
Précisément, des travaux du séminaire organisé la semaine dernière par la Commission nationale pour l’Ohada en partenariat avec le Cojes, animé par d’éminents universitaires comme les Professeurs Boubacar Diallo (Saint-Louis) et Mohamed Bachir Niang (Dakar) et modérés par Ndiaw Diouf, ancien Doyen de la Faculté de droit de l’Ucad, il est ressorti que, constituer une sûreté apparaît comme un acte empreint de gravité.
Entre sûretés personnelles et sûretés réelles, les universitaires ont fait ressortir les implications de la réforme du Droit Ohada des sûretés sous des angles de vue très généraux qui restent tout à fait instructifs tout en faisant apparaître des implications d’ordre quantitatif et qualitatif.
Les sûretés qui reposent sur l’intervention d’une personne, morale ou physique renvoient ainsi aux sûretés personnelles et font référence à la personne qui s’engage à payer si le débiteur ne paie pas. Et puis, il y a les sûretés qui reposent sur des biens, qui peuvent être des meubles ou immeubles et qui renvoient aux sûretés mobilières et immobilières.
Dans sa magistrale synthèse qui a suivi les brillantes communications des deux professeurs Diallo et Niang, le Doyen Ndiaw Diouf a explicité les concepts en servant notamment les exemples de la cession de créance à titre de propriété ou la clause de réserve à titre de propriété pour ce qui est des sûretés mobilières, et l’hypothèque pour ce qui concerne les sûretés immobilières.
S’agissant précisément des sûretés mobilières, les différentes communications ont fait ressortir moult innovations: le domaine du droit de rétention est redéfini ainsi que ses conditions d’exercice, des sûretés sont introduites (réserve de propriété, cession de créance à titre de garantie d’un crédit, transfert fiduciaire de somme d’argent, nantissement de compte bancaire tenu pour un nantissement de créance, nantissement de compte de titres financiers, nantissement des droits de propriété intellectuelle).
Par ailleurs, le régime du gage - qui ne conçoit plus qu’en matière de meuble corporel – subit un changement non négligeable de paradigme en ce sens que la dépossession n’est plus une condition constitutive dudit gage. Ainsi le gage n’est plus un contrat réel. Il peut porter sur des choses futures. Quant au pacte commissoire, il est consacré dans les limites fixées par le nouvel Acte uniforme et trouve à s’appliquer à tous les nantissements sauf en matière de nantissement de fonds de commerce. La seule modalité de réalisation au cas de nantissement de fonds de commerce étant la vente judiciaire dans les conditions prévues par les dispositions organisant les voies d’exécution.
Toutefois, il convient de préciser pour ce qui est du cautionnement qui consiste pour une personne, autre que le débiteur, à affecter en garantie un bien lui appartenant, cela est considéré dorénavant comme une sûreté réelle.
Un temps pour les affaires, un temps pour les politiques
Cependant, une des premières innovations à relever dans la réforme de l’Acte uniforme Ohada portant organisation des sûretés, c’est l’institution de l’agent des sûretés dont la vocation est de jouer un rôle central dans la gestion des sûretés notamment en matière de crédits consortiaux, de financements structurés, de financements internationaux de projets.
Tout compte fait, en produisant neuf Actes uniformes couvrant, à l’exception du droit du travail, l’ensemble des sujets énumérés dans l’article 2 du traité l’instituant, l’organisation supranationale Ohada a largement rempli l’objectif qu’elle s’était fixé en matière de production d’un droit uniforme.
Mais le temps des affaires n’est pas le temps des politiques dont la lenteur des décisions est susceptible d’entraver l’efficacité des réformes.
Aussi, le Naupos (Nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés) qui apparaît comme une refonte d’envergure du droit des sûretés, est-il à mettre en relation, en cohérence avec d’autres réformes même si elles concernent l’espace Uemoa, entre autres : Décision n°397/12/2010 portant règles, instruments et procédures de mise en œuvre de la politique de la monnaie et du crédit de la Bceao. Guichet de prêt marginal pour la mise en pension des titres et effets ; Directive n° 02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 portant harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières dans les états membres de l’Uemoa.
S’agissant du Sénégal et touchant précisément au droit hypothécaire, la mise en cohérence doit se faire avec la loi n° 07/2011 du 22 février 2011 portant transformation des permis d’habiter et titres similaires en titres fonciers. Tous ces dispositifs participant, au même titre que le Naupos, de la consolidation des cadres attractifs des investissements dans nos espaces régionaux.