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Perpétuité pour les co-accusés de Habré
Publié le vendredi 27 mars 2015  |  Le Quotidien
Hissène
© Autre presse par DR
Hissène Habré




Les visages de la torture du régime de Hissein Habré ont été condamnés hier à des peines à perpétuité par la Cour criminelle de Ndjamena. Même si certains ont bénéficié de relaxe, les plus emblématiques comme Seleh Younous, premier directeur de la Dds, et Mahamat Djibrine, dit «El Djonto», inculpés aussi par les Cae, ont pris la peine maximale. En attendant le procès, les victimes ne boudent pas leur plaisir.

Le juge a eu la main lourde au moment de prononcer, hier, le verdict du procès des anciens responsables de la Dds, la police politique du régime de l’ex-Président tchadien Hissein Habré : la Cour criminelle spéciale de Ndjamena a prononcé sept condamnations à perpétuité pour «assassinats» et «tortures». Devant la barre, ils étaient 28 responsables de l’appareil sécuritaire de l’ex-chef de l’Etat qui était dédié aux «exactions» pour maintenir son pouvoir. Parmi les condamnés, on peut citer Saleh Younous, premier directeur de la Dds, et Mahamat Djibrine, dit «El Djonto», présenté comme un tortionnaire. Ils ont été également inculpés par les Chambres africaines extraordinaires qui ont réclamé leur extradition. En vain. Parmi les condamnés figurent aussi Nodjigoto Haunan, ancien directeur de la Sûreté nationale, mis en cause dans la répression contre les membres de l’ethnie Zaghawa et Khalil Djibrine, ancien chef de service de la Dds dans le Sud du Tchad en 1983-1984.

Il faut savoir que le ministère public avait requis 16 condamnations et 7 acquittements à l’encontre des 23 inculpés. En réalité, le Code pénal tchadien étant obsolète, les travaux forcés, selon Human Rights Watch, ne sont pas obligatoires et sont généralement transformés en peine de prison ferme.
Par ailleurs, les autres accusés écopent de peines allant de 7 à 20 ans de travaux forcés. Il y a eu aussi des personnes qui ont été relâchées à l’image de Toké Dadi, directeur adjoint de la Dds. Malgré ces condamnations, la traque des «tortionnaires» continue. A la fin de son délibéré, la cour a demandé à la justice tchadienne, de continuer à poursuive des agents de la Dds qui ont échappé à ce procès. Il s’agit entre autres, de Guihini Korei, ancien directeur général de la Dds et Bandjim Bandoum, ancien gendarme.
Lors de ce procès «historique», l’Etat tchadien a été condamné et doit contribuer pour moitié, au paiement des 75 milliards de francs Cfa de dommages et intérêts à verser aux 7 000 parties civiles au procès. Au-delà de cette condamnation, les juges ont demandé la transformation des locaux de la Dds, situés dans l’enceinte de l’actuelle présidence de République, en musée. En plus, un monument en la mémoire des 40 000 morts du régime de Hissein Habré doit être érigé sur «la plaine des morts» à Hamral Goz où ont été enterrées, dans des fosses communes, des centaines de victimes du régime de Hissein Habré.
Dès l’annonce du verdict, les organisations de défense des droits de l’Homme ont affiché leur joie. «La condamnation au Tchad, le 25 mars, de 20 agents de l’appareil répressif du régime de Hissène Habré (1982-1990), pour actes de torture, est une victoire pour la justice», célèbre l’organisation Human Rights Watch qui s’est toujours engagée dans ce combat. «Vingt-quatre ans après la fin de la dictature de Habré, et 14 ans après que les survivants ont déposé leur plainte, le verdict d’aujourd’hui et l’ordre de réparation sont des victoires éclatantes pour les victimes de Hissène Habré», soutient Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch qui travaille auprès des victimes depuis 1999 et qui a assisté au procès. «La condamnation des responsables de l’appareil sécuritaire de l’Etat pour des violations des droits de l’Homme constituent non seulement un hommage à la persévérance et à la ténacité des victimes, mais aussi un événement notable dans un pays où les atrocités restent trop souvent impunies», poursuit-il en rappelant que le régime dirigé par Hissein Habré est accusé de milliers d’assassinats politiques et de l’usage systématique de la torture. «Enfin, enfin, les hommes qui nous ont brutalisés et qui ont ri de nous pendant des décennies ont eu ce qu’ils méritaient», savoure Clément Abaifouta, président de l’Association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré (Avcrhh). En tant que prisonnier sous le régime de Habré, il a été forcé de creuser des charniers et d’enterrer de nombreux codétenus. «Le gouvernement doit maintenant mettre en application cette décision pour que les victimes obtiennent enfin réparations pour leurs souffrances et que des mesures soient prises pour que nous ne tombions pas dans l’oubli», poursuit-il. La Cour criminelle de Ndjamena jugeait ces prévenus pour meurtre, torture, enlèvements, détention arbitraire, coups et blessures et actes de barbarie.

La plaine des morts
Il faut savoir que des documents de la Dds, découverts par Human Rights Watch en 2001, ont révélé les noms de 1 208 personnes exécutées ou décédées en détention, et de 12 321 victimes de violations des droits de l’Homme. Aujourd’hui, le délibéré de ce procès laisse entrevoir les attentes liées à celles des Chambres africaines extraordinaires (Cae) prévues dans les prochaines semaines. Car, les juges d’instruction des Cae ont renvoyé Hissein Habré en Cour d’assises pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et torture durant son régime qui a dirigé le Tchad de 1982 à 1990 avant d’être renversé par l’actuel Président tchadien Idriss Déby Itno. Depuis cette date, il vivait tranquillement son exil dakarois avant d’être rattrapé par les Cae.
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