Au-delà des statistiques sur la ronde des marchés de gré à gré, c'est la volonté-même du gouvernement de « dépouiller » le Code des marchés publics de « toute sa substance de transparence » qui inquiète le Forum civil. Celui-ci met le doigt sur les velléités, à travers les modifications envisagées dans ledit code, de soustraire à tout contrôle les marchés publics.
Le gouvernement du Sénégal se prépare à aller au Groupe consultatif, mais aux yeux du Forum civil, une crainte sérieuse pèse sur les ressources financières surtout celles que le Sénégal veut mobiliser auprès des Partenaires Techniques et Financiers (PTF) et des investisseurs privés à Paris.
Au-delà des statistiques sur la ronde des marchés de gré à gré et de la non publication des dites statistiques constatés par le Forum civil, celui-ci dénonce « avec vigueur » la volonté du gouvernement de « dépouiller » le Code des marchés publics de toute sa substance de transparence en faisant des propositions de modification sous le prétexte que les procédures actuelles, relatives aux marchés publics, ne favorisent pas une exécution rapide des projets du gouvernement.
Parmi les modifications que veut opérer le gouvernement, il y a la règlementation des seuils de passation des marchés publics, non pas par un décret mais par un arrêté. Une démarche qui, selon le Forum civil, non seulement constitue une « dépossession » du Président de la République d’une de ses importantes prérogatives, mais relève d’une « violation flagrante » du principe constitutionnel de la sécurité juridique. En outre, cette démarche du gouvernement constituerait une source potentielle de rupture d’égalité de traitement des candidats devant les ressources publiques utilisées dans les marchés publics.
Le Forum Civil de rappeler que les seuils de passation constituent un instrument de régulation et de mise en confiance des acteurs de la commande publique. Aussi, l’extirper du décret portant code des marchés publics poserait-il un problème de sécurité pour les candidats (même dans la zone UEMOA) d’accéder aux marchés publics. Pour ne rien arranger dans la transparence, les nouveaux seuils de contrôle a priori (celui effectué par la Direction Centrale des Marchés publics) proposés dans le projet d’arrêté, sont jugés «extrêmement élevés».
Le voile nébuleux s’épaissit
Dans le détail du projet de texte, pour les marchés passés par l'Etat, les Collectivités locales, le seuil de passation est fixé à 70 000 000 FCfa TTC contre 25 000 000 dans le code en vigeur ; 45 000 000 FCfa TTC contre 15 000 000 ; 30 000 000 FCfa TTC contre 25 000 000 respectivement pour les marchés de Travaux; Services et fournitures courante; Prestations intellectuelles.
Pour les marchés des sociétés nationales, des sociétés anonymes à participation publique majoritaire, les agences et les organismes dotés de personnalité morale, les seuils sont désormais fixés à 100 000 000 FCfa TTC contre 50 000 000 FCfa TTC dans le code en vigueur ; 60 000 000 FCfa TTC contre 30 000 000 ; 60 000 000 FCfa TTC contre 30 000 000 FCfa TTC, respectivement pour les marchés de Travaux ; Services et fournitures courantes ; Prestation intellectuelles.
La liste n’est pas exhaustive, mais le Forum civil fait remarquer sur la base des statistiques que la majorité des marchés passés par l’Etat, les collectivités locales et les établissements sera désormais « sans contrôle à priori » c’est-à-dire sans contrôle préalable de la Direction Centrale des Marchés publics, réellement indépendant. Pour illustration, l’organisme de souligner que dans les statistiques publiées par la DCMP(Direction Centrale des Marchés publics), l’écrasante majorité des seuils des marchés de fournitures et de marchés de prestations intellectuelles est en-dessous des seuils fixés plus haut.
En tout état de cause, il apparaît que ce relèvement des seuils constitue un transfert important de compétences aux autorités contractantes. Or, souligne le Forum civil, « tout transfert de telles compétences doit être corrélé avec l’existence au niveau de l’Autorité Contractante (A.C) d’un contrôle interne réellement indépendant et de l’existence de capacités suffisantes pour la préparation et la passation des marchés ». Or dans la situation actuelle, ces deux conditions ne sont pas encore remplies, le contrôle exercé par les cellules n’étant pas indépendant, si l’on considère que les responsables de cellules sont nommés par les Ministres, ajoute le FC.
Et de subodorer une augmentation considérable de litiges au stade de passation. Litiges qui constitueraient à l’avenir, le réel goulot d’étranglement à la célérité des procédures, si on se réfère aux délais pris actuellement par l’ARMP pour délivrer ses décisions.
En définitive, ces relèvements de seuils proposés ne contribueront, selon l’organisme, qu’à ralentir les procédures et à permettre une large part de dépenses publiques non contrôlées et donc non sécurisées. Dès lors, le FC exige, entre autres, que le relèvement de seuils de contrôle a priori proposé soit fortement revu à la baisse pour éviter que l’exécution d’une part importante des dépenses publiques échappe à tout contrôle.