4 février 1794, 4 février 2014, voilà 220 ans jour pour jour que l’’esclavage, un crime contre l’humanité, a été aboli pour la première fois en France. La Fondation du Mémorial de la Traite des Noirs se souvient et célèbre solennellement l’événement aujourd’hui à travers une table ronde, en France dans un contexte national (français) de résurgence du racisme et d’instrumentalisation des mémoires.
Le 4 février 1794, la Convention Nationale (France) déclarait l’abolition de «l’esclavage des Nègres dans toutes les Colonies». «En conséquence elle décrète que les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens Français, et jouiront de tous les droits assurés par la constitution». Plus de deux siècles après cette première abolition, la Fondation du Mémorial de la Traite des Noirs célèbre aujourd’hui mardi 4 février 2014 le 220ième anniversaire en France «dans un contexte national de résurgence du racisme et d’instrumentalisation des mémoires».
Cette initiative vise à «honorer les victimes de l’esclavage et du racisme et rappeler la chronologie des évènements durant la Révolution Française qui ont mis fin à la tragédie de la traite des Noirs». La manifestation qui se déroulera cet après-midi à la Cité mondiale du vin dans la salle Brasilia, en présence des autorités civiles sera suivie d’une table ronde sur «les enjeux de la commémoration de l’abolition de l’esclavage», précise un communiqué de presse de la fondation intitulé «La mémoire comme digue face au racisme».
Selon la source, «l’enjeu de cette commémoration n’est pas seulement un enjeu d’écriture de l’histoire, c’est aussi un enjeu de cohésion nationale. Il soulève le problème de la mémoire sélective, de la concurrence des mémoires et la question essentielle de la réparation». En atteste, «à Bordeaux, où ce passé reste encore enfoui sous un glacis d’indifférence et de mépris, l’urgence d’une sérieuse initiative politique se fait sentir pour une digne reconnaissance de ce crime contre l’humanité et un respect de la mémoire des descendants d’esclaves». Autant de questions qui seront abordées au cours de cette «célébration s’inscrivant dans un contexte social ambiant où nous sommes tous sensibles à une certaine résurgence du sentiment raciste», note le texte.
1794 et 1848: deux abolitions pour l’esclavage …
En France, l’esclavage a été aboli deux fois: le 4 Février 1794 avec le soutien de la Société des Amis des Noirs puis le 27 avril 1848 par le décret de Victor Schoelcher, l’esclavage ayant été rétabli par Napoléon Bonaparte par une loi du 20 mai 1802. Seulement, déplore-t-on dans le document, «la première abolition de l’esclavage est peu évoquée dans la retranscription de l’histoire et son rétablissement par le premier Consul reste bien souvent dans l’ombre. Indiscutablement la grande révolte Haïtienne de 1791, l’abolition de l’esclavage à Saint Domingue et l’arrivée de trois députés (dont l’ancien esclave J.B Belley) ont joué un rôle décisif dans la décision», rappelle le texte.
Et de relever que «la particularité de cette première abolition c’est sa cohérence révolutionnaire puisqu’elle n’a prévue aucune indemnisation pour les propriétaires d’esclaves. Contrairement au décret de Victor Schoelcher en 1848 qui lui décidera de réparer le préjudice subi par les colons du fait de la liberté octroyée».
Le 10 mai 2001 à l’initiative de Christiane Taubira, une loi est votée en France reconnaissant l’esclavage comme «un crime contre l’Humanité». En 2006, Jacques Chirac a proclamé le 10 mai une journée nationale de commémoration. La date du 4 février reste cependant en vigueur comme journée Nationale de commémoration de l’abolition de l’esclavage tel que l’avait proclamée l’Assemblée nationale en 1798 sur proposition de Pierre Thomany, député de Saint Domingue.
C’est en ce sens que ces décisions soulignent le devoir de mémoire que chaque citoyen doit faire. Elles montrent aussi à quel point la France a été dans un déni pendant des siècles de son passé colonial et esclavagiste avant de reconnaître et d’assumer sa responsabilité dans cette Histoire, rappelle la même source.