Elle est bien loin de nous, la bonne vieille époque où le banquier pouvait se réfugier derrière le sacro-saint secret bancaire pour refuser de livrer des informations sur de tierces personnes suspectées de délinquance financière. Depuis que l’Amérique a été frappée en plein cœur par les attentats du World trade center, un certain 11 septembre 2001, des verrous ont sauté sur toutes les places financières du monde. Le Sénégal ne fait pas exception à la règle. Mais dans l’univers complexe des finances, le renseignement ne vient pas toujours là où on l’attend. Les vrais informateurs ne sont pas toujours connus. Et les banques ont besoin d’évoluer dans cet univers trouble où la confidentialité est de mise, de peur de voir leur clientèle les déserter...
S’il y a une certitude dans l’affaire Aïda Ndiongue, c’est qu’un verrou a sauté.... celui du secret bancaire. Après plusieurs mois d’une procédure dans laquelle on avait l’impression de ronronner, subitement la machine s’est emballée, emportant l’ex-sénatrice dans un tourbillon de révélations.
Jusque-là, les enquêtes la concernant s’étaient focalisées sur son rôle dans le marché des produits phytosanitaires du Plan Jaxaay destinés au relogement des sinistrés des inondations. Une affaire pour laquelle elle a été interpellée et mise en examen. Subitement les investigations se sont orientées vers ses avoirs, mettant à nu son fabuleux patrimoine.
Des traders auraient parlé...
Ce tournant inattendu fleure bon la dénonciation. Qui a parlé ? Si nos sources ne sont pas bien loquaces sur les véritables sources des enquêteurs, il reste que ce n’est pas la seule levée...officielle et légale du secret bancaire qui a permis de découvrir le pot aux roses. Il a fallu d’autres types de collaborations, comme des traders, spécialistes des transactions bancaires et placements, pour circonscrire l’ampleur des fonds. Selon plusieurs de nos interlocuteurs, les investigations classiques ne permettent pas d’avoir les bons renseignements financiers.
Si en effet tous les directeurs de structures du groupe CBAO/Attijari ont été entendus (sauf le Directeur général), ce ne sont pas eux qui ont joué les rôles les plus intéressants. Et les chiffres de certains comptes courants ne révèlent pas toujours les déplacements opérés ailleurs. Les enquêteurs de la Brigade des affaires générales de la Division des investigations criminelles (DIC) ont par ailleurs pu établir d’autres niveaux de responsabilités, au niveau surtout du Trésor public qui renseigne sur un laxisme bien suspect venant de l’Etat lui-même.
La loi de la confidentialité et du silence
Depuis plus d’un an, le Sénégal a instruit plusieurs délégations judiciaires en direction de pays hébergeant des comptes jugés obscurs. Selon la procédure consacrée, c’est le Ministère de la Justice qui saisit ses homologues dans les pays visés. Le courrier passe par le Ministère des Affaires étrangères pour atterrir dans le même service du pays concerné, qui le répercute dans les services assermentés, généralement de Police.
La collecte des informations n’est pas l’apanage de l’État demandeur qui attend que les renseignements collectés lui soient transmis selon le même canal. La confidentialité est la règle. ’’Les autorités judiciaires qui réceptionnent les dossiers sont tenues d’en faire un usage exclusivement judiciaires’’, selon une source judiciaire autorisée. La moindre fuite peut occasionner des mesures de rétorsion comme par exemple ’’le refus de collaborer pour d’autres dossiers’’.
Ce cadrage général pour avoir des informations apparaît plus complexe, lorsque l’information demandée concerne un paradis fiscal. L’une des raisons tient à la définition même de ces îlots financiers au fonctionnement complexe. L’opacité et la rétention de renseignements font partie des critères qui singularisent un paradis fiscal. C’est la loi du silence qui crée l’attraction, du fait de la sécurité assurée aux transactions que cela implique.
Et lorsque dans le cas du Sénégal, ces paradis fiscaux acceptent de collaborer et qu’en retour, les renseignements fournis se retrouvent sur la place publique et fassent le buzz, cela fait désordre. C’est pourquoi les institutions financières de la Principauté de Monaco se sont plaintes auprès des autorités sénégalaises et avaient menacé d’arrêter de collaborer. D’autant plus que les informations collectées sur le Rocher avaient valu à Karim Wade une seconde mise en demeure.
Les autorités de la principauté avaient attiré l’attention des autorités sénégalaises sur la mauvaise publicité que certaines révélations dans la presse avaient sur le business des banques monégasques qui comptent une clientèle africaine importante.