Pris par d’incessants va-et-vient entre sa maison familiale à l’Unité 10 des Parcelles assainies - envahi par des fans aux anges – et la gendarmerie de la Foire, pour négocier la libération d’un de ses supporteurs arrêté le jour du combat, Modou Lô a finalement reçu la presse samedi soir dans une demeure à Nord Foire vers 22 heures. Entre autres sujets, le vainqueur de Eumeu Sène a révélé avoir été conseillé par Yékini, qui se trouve être le futur adversaire du chef de file de Ty Shinger. Revenant sur les temps forts du combat, il dit remercier Eumeu qui l’a poussé à révéler ses qualités techniques en lutte pure.
Comment avez-vous vécu l’après-combat ?
Je me suis tardivement couché au lit, vendredi soir. Je n’ai pu fermer l’œil que pendant trois heures de temps. Je rends grâce à Dieu. Je suis toujours en train de faire des va-et-vient. Depuis ce matin (samedi), je n’ai pu me reposer. La mobilisation a été impressionnante. Me poussant à me percher pour la première fois sur un balcon pour communier avec mes supporters. Je remercie tous ceux qui m’ont soutenu dans ce combat. C’est un combat qui a été dur à préparer. J’y ai englouti beaucoup d’argent. J’ai aussi mis à contribution des amis qui m’ont soutenu financièrement.
Pourquoi avoir choisi de franchir les portes du stade à 14h 35mn, alors que vous étiez convoqué à 17h. Soit 15 minutes après Eumeu Sène ?
J’ai voulu tout simplement venir tôt au stade. On me l’a conseillé mais ce n’est pas pour une raison mystique. C’est après la prière du vendredi que j’ai rejoint les lieux. Je n’ai pas voulu perturber la prière c’est ce qui explique que je ne me suis pas rendu à la mosquée avant le combat. Je n’ai pas voulu créer un bain de foule sur les lieux.
Par contre Eumeu Sène s’est rendu à la mosquée avant de venir au stade…
Si Eumeu a choisi de s’y rendre, je crois que c’est une bonne chose. Je vous ai expliqué les raisons pour lesquelles je ne me suis pas rendu à la mosquée avant d’aller au stade. C’est juste après avoir pris mon déjeuner que j’ai rejoint Demba Diop. Arrivé, je suis resté dans ma voiture parce qu’il n’y avait pas encore beaucoup de monde au stade.
Revenons sur les temps forts du combat. D’abord, comment êtes-vous parvenu à défaire l’étau de Eumeu autour de votre jambe gauche ?
Je lutte mieux avec les jambes. Plusieurs de mes combats, j’ai eu à les livrer sous ce registre. Mais mon entraîneur Pape Mbaye m’a interdit d’en user. C’est lui qui m’a appris à attaquer l’adversaire. Je tiens de lui les ficelles de la lutte pure. Eumeu est un champion. Mais je pense que je ne suis pas un lutteur moins méritant. Parce que si je n’avais pas fait mes preuves, je ne serai pas au niveau où je suis. Comme vous l’avez constaté, c’est le combat le plus long à préparer de l’histoire de la lutte sénégalaise. J’ai fini par avoir la victoire après moult reports. C’est la loi du sport. Je rends grâce à Dieu. Je profite de l’occasion pour réitérer mes encouragements à Eumeu Sène.
D’où tenez-vous cette confiance qui vous a animé durant tout le combat ?
J’ai combattu avec zéro pression. Je commence à durer dans l’arène. J’ai rassuré mon entourage en leur promettant la victoire afin de passer à autre chose. Je les ai invités à plus de sérénité. Il n’y a aucun combat que j’aborde sous la pression.
Avant le coup de sifflet de l’arbitre, il y a eu une petite altercation entre vous deux. Qu’est-ce qui s’est passé ?
C’est Eumeu qui m’a provoqué. Il s’est opposé à ce que je fasse le tour de l’enceinte en me bousculant. Alors qu’il devait tout simplement sortir de la zone de vérité s’il ne veut que je passe derrière lui. Il cherchait à me retirer le «Senghor» (un long ruban mystique).
Eumeu a dit qu’il ne sentait pas ses bras à un certain moment. L’avez-vous atteint mystiquement ?
(Rire) C’est votre opinion. Si c’est Eumeu qui l’a dit, ça n’engage que lui. Personnellement, je ne partage pas cet avis. Eumeu est pourtant resté égal à lui-même jusqu’à l’aboutissement du combat. Je me demande donc à quel moment il n’a plus senti ses bras. Il ne peut prétexter de pratiques mystiques pour justifier sa défaite. Je pense donc que c’est un simple prétexte.
Comment expliquez-vous la panoplie technique que vous avez étalée pour battre votre adversaire ?
Autant l’adversaire est d’un très bon niveau, autant j’ai des qualités en lutte pure et qui se sont révélées au cours de ce combat. J’avais voulu battre Lac de Guiers 2 et Gris Bordeaux. Mais ces derniers se sont retenus. J’ai confié (il jure) à mes proches que ça allait être un duel de haute facture parce que Eumeu est un lutteur très technique qui se donne à fond. Quand deux techniciens se retrouvent forcément il y a du spectacle. Car un tel combat exige la prise d’initiatives de part et d’autre. C’est ce qui rehausse le niveau d’un duel. Mais si l’un se livre et l’autre se retient, cela contribue à rendre moins explosif le combat. J’avais décidé que j’allais dicter ma loi à Eumeu aussi bien en lutte pure qu’en boxe. Et c’est avec cette intention que je suis venu au stade. Eumeu m’a donc poussé à révéler mes qualités en lutte pure.
On a l’impression que vous avez minutieusement étudié votre adversaire ?
Je ne supervise même pas mes adversaires. Je n’ai pas l’habitude de visionner leurs combats. Je m’appuie sur ce que je sais faire. Je ne crois qu’en mes capacités. J’avais intégré dans mon esprit que Eumeu allait se montrer offensif au coup de sifflet de l’arbitre. Je m’étais donc préparé en conséquence.
Le statut de favori donné à Eumeu ne vous a-t-il pas perturbé ?
J’ai l’habitude de porter la casquette d’outsider. Je n’ai jamais été favori dans un combat. Et cela me va très bien (rire). La lutte fait partie de moi. Si vous vous rendez à vos bureaux, moi je me rends à mon lieu d’entraînement pour faire mon métier. La lutte est mon gagne-pain.
Qu’est-ce que vous disiez à l’arbitre pendant le combat ?
Je n’ai pas été d’accord sur les avertissements que l’arbitre m’a infligés. Puisque je n’ai pas fait une sortie délibérée. Je me suis retrouvé derrière les sacs en manœuvrant avec Eumeu. L’autre chose à signaler, c’est que Eumeu m’a donné un coup de tête après le coup de sifflet de l’arbitre. Et le plus cocasse dans tout cela c’est que c’est moi qui ai été averti. J’ai demandé à l’arbitre s’il ne s’était pas trompé. Mais tout compte fait, l’arbitre est le maître du terrain.
Peut-on dire que vous êtes parvenu à convaincre les plus sceptiques qui ne vendaient pas chère votre peau ?
Je n’ai surpris que ceux qui ne me connaissent pas. Ceux qui m’ont suivi dans les Mbapattes (tournoi de lutte simple) savent de quoi Modou Lô est capable. Je vous renvoie au commentaire à la Télé de père Birahim Ndiaye (sur la 2STv il avait avancé quelques secondes avant la chute que Modou Lô allait employer la technique de la chaise pour battre Eumeu). J’ai pris part à tous les Mbapattes qu’il a eu à organiser. Je me suis entraîné dans son écurie. C’est mon père, il connaît mes qualités. C’est une ancienne gloire de la lutte. C’est une référence. Il y a des gens qui jugent un lutteur alors qu’ils ne le connaissent pas. Je suis un lutteur professionnel. J’ai tout laissé pour pratiquer la lutte. C’est pourquoi à chaque fois, je donne le meilleur de moi-même. Eumeu m’a précédé de loin dans les Mbapattes. Mais ceux qui m’ont suivi savent que je n’ai même pas encore atteint en lutte avec frappe la moitié de mes combats en Mbapattes.
Pourquoi avoir pris le risque de lutter alors que vous étiez grippé ?
C’était une grippe passagère. Ce n’est rien. C’est une maladie bénigne. Je n’ai pas voulu prétexter de cette maladie pour causer un énième report. Je ne voulais pas que je sois à l’origine d’un autre report. Comme vous le savez, ce combat a été le plus long de l’histoire des arènes sénégalaises. Ma petite maladie ne devait donc pas empêcher sa tenue.
Est-ce qu’on peut dire que les poids lourds éprouvent des difficultés face à vous ?
J’ai constaté que les lourds ne prennent pas le maximum d’initiatives pour m’imposer leur force. Leur option est de se retenir face à moi jusqu’à leur valoir le match nul. Alors que c’était à eux de venir imposer leur gabarit. Par contre un lutteur technique peut me pousser à révéler mes qualités en lutte pure. Comme ce fut le cas avec Eumeu Sène.
En dehors de votre staff, qui d’autres vous a conseillé lors de ce combat ?
J’ai reçu les conseils de Yékini. Il m’a demandé d’être très serein malgré toute la tension entretenue lors des face à face avec mon vis à vis. Il m’a demandé de ne pas combattre en ayant à l’idée de venir régler le compte de qui que ce soit. Yékini reste mon idole. Il est mon grand, c’est un ami. Et je lui souhaite la victoire à l’occasion de son prochain combat (contre Eumeu Sène).
Vous n’en voulez pas à Eumeu qui vous a traité de champion Kolokolo (lutteur de moindre envergure) ?
Non pas du tout ! Je ne lui en veux pas de m’avoir traité de champion Kolokolo. C’était tout simplement pour mousser le combat qu’il m’a affublé ce qualificatif. C’est de bonne guerre. J’ai livré le combat de la même manière avec laquelle j’ai disputé mes précédentes sorties. Je n’ai pas lutté avec la haine. J’étais très lucide et concentré.
L’avez-vous joint au téléphone pour lui remonter le moral ?
Je ne l’ai pas encore appelé. Je compte plutôt aller lui rendre visite. Je l’encourage, c’est un lutteur que je respecte. Mais il faut dire que les contrevérités qu’il a débitées disant que je le provoque ne m’ont pas plu. Mais je lui pardonne et lui demande d’en faire autant à mon égard. C’était un simple combat de lutte.
Pouvez-vous prévaloir maintenant du titre de «Empereur des arènes» que Eumeu s’était affublé ?
Non ! Je suis toujours un champion Kolokolo (rire)
Comment avez-vous apprécié l’analyse de votre combat faite par Balla Gaye 2 ?
On m’a expliqué l’analyse qu’il a faite du combat. Je dirais que Balla Gaye 2 a vu juste. Je serai moi aussi en mesure d’analyser ses combats parce que j’ai une idée de la manière avec laquelle il a l’habitude de livrer ses combats. Je connais parfaitement la façon de lutter de Balla Gaye 2. Et j’en ferai la révélation lors de son combat contre Bombardier (15 juin prochain).
Justement, on parle beaucoup d’un combat-revanche contre Balla Gaye 2 ?
C’est un combat qui peut se tenir. Mais je veux d’abord me reposer avant de penser à un autre adversaire. Mais sachez que je souhaite redescendre dans l’arène le plus vite. D’autant que j’avais connu une année blanche la saison écoulée.
Que direz-vous d’un duel contre Tapha Tine en attendant que Balla Gaye 2 finisse d’en découdre avec Bombardier ?
Je suis preneur d’un combat avec n’importe lequel pourvu que j’y trouve mon compte sur le plan financier. Je rêve de gagner des milliards dans la lutte. Je souhaite que la discipline traverse nos frontières. La lutte est le sport numéro un. Les sponsors seront obligés de l’accompagner. Je vous assure si on me paie un gros cachet, je suis même prêt à me mesurer avec Yawou Dial.
Paraît-il que vous deviez aller à Thiès pour rendre visite en prison à votre ami, le promoteur Luc Nicolaï ?
J’avais en effet décidé d’aller rendre visite à Luc Nicolaï. Mais je n’ai pu le faire. Ce n’est que partie remise. J’irai le voir à une date que je ne vais pas communiquer aux journalistes (rire).