A l’aéroport de Dakar, les travailleurs des Ads ont brisé le silence pour mettre sur la place publique les comportements «d’individus et de sociétés insatiables et voraces». Il s’agit de l’Anacim, de Daport, de Securiport, d’Abs Sa et de Senegal Airlines. Les accusations sont bien formulées : ces sociétés leur tirent des milliards de façon indue.
Il flotte un vent de contestation et de rébellion dans les coursives de l’aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar. L’air est vicié par des «pratiques» et «manœuvres» qui nécessitent «une réaction rapide et fulgurante des travailleurs» des Aéroports du Sénégal (Ads). Pêle-mêle, ils citent sans ambage le comportement de quelques «individus et sociétés insatiables et voraces» qui agissent dans l’ombre et veulent contrecarrer le développement des activités aéroportuaires et la pérennité des emplois et de l’agence Ads. Bien sûr, les accusations ne sont pas ventilées dans l’air. Elles ont un visage dessiné par l’Intersyndicale des travailleurs passablement agacés par le «pillage» qui s’organise au-dessus des Ads.
Il y a d’abord l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim) : en admettant que les Ads ne doivent rien à l’Anacim, les travailleurs des aéroports informent que cette dernière s’est octroyé illégalement la somme de 800 millions de la redevance de concession de Dakar Catering qui leur a permis d’acheter beaucoup de voitures. Cela dure, d’après eux, depuis 8 ans. Alors que cette redevance avait toujours été collectée et budgétisée au niveau d’Aanns-Ads. Les conclusions tirées de ce raisonnement sont simples : Dans tous les aéroports du monde, les redevances de concession sont collectées et mises à la disposition des gestionnaires d’aéroport. «Ce qui a été le cas» dans ce cas de figure.
Par ailleurs, les travailleurs renchérissent leur colère en soutenant que d’importantes ressources sont allouées à l’Anacim par Ads. Ils l’évaluent à plus de 3,600 milliards dans le budget 2012 des Ads. Ces ressources, précisent-ils, concernaient l’ex-Anacs et l’ex-Anams dont le fusionnement est à l’origine de l’Anacim et aussi la Halass. Il reste une autre «incongruité» relevée par l’Intersyndicale des travailleurs des Ads : «Le directeur général d’Anacim est membre du Conseil d’Orientation d’Ads et qu’il réclame constamment des ressources financières à Ads à travers les réunions du Conseil d’orientation. On ne peut pas être juge et partie. Le directeur général d’Anacim, qui a des intérêts dans le budget d’Ads, ne doit pas être membre du Conseil d’Orientation. Il ne doit plus y siéger et les syndicalistes réclament la modification du décret.»
Par ailleurs, l’Intersyndicale des travailleurs des Ads dénonce une mainmise rampante de l’Anacim sur le déroulement et la gestion du pèlerinage à l’aéroport. Alors qu’elle devrait se contenter de délivrer des licences d’exploitation dans son rôle de supervision et de contrôle mais non de gestion qui incombe à Ads.
Retour de Daport
A l’aéroport de Dakar, le ciel est surchargé d’inquiétudes. Et l’atmosphère remplie de suspicions. «Depuis quelques jours, des rumeurs persistantes font état d’un éventuel retour de Daport Sa au niveau de la gestion de Ads et de Aibd», agitent les travailleurs. Insistant sur le rejet de cet éventuel retour de cette société sur la plateforme aéroportuaire, ils ont ressassé son passage sulfureux à l’aéroport de Dakar. «Daport est une société anonyme qui, en grande partie, appartient à des Sénégalais qui ont pillé ce pays et dont la plupart se retrouvent aujourd’hui en prison. On ne saurait continuer à enrichir ces prisonniers. Ceci est impensable», braillent-ils. Ils rappellent que Daport s’est vu octroyer plus de 2,5 milliards sans aucune contrepartie qu’il doit rembourser.
Quid de Securiport ? «Cette société, mise en place par les amis américains et européens de l’ancien ministre du ciel et de la terre, a soutiré aux Ads plusieurs milliards sans aucune visibilité et importance des services rendus. Tout ceci a contribué à la cherté des services aéroportuaires décriés par les compagnies et passagers», détaillent les travailleurs qui informent qu’avec l’ancienne direction, les Ads avaient obtenu 3% des recettes de cette redevance.
Aujourd’hui, c’est le flou total et aucune contrepartie n’est reçue, ajoutent-ils. «Les travailleurs des Ads exigent la diminution de cette redevance qui doit passer de 12 dollars pour un taux de 7 dollars et une contrepartie de 24% sur les 7 dollars. Cela diminuera les taxes aéroportuaires», proposent les travailleurs. Il faut savoir que cette redevance Securiport est collectée, facturée et reversée par les directions des Ads qui soutiennent toutes ses activités.
Par ailleurs, la présence d’Abs Sa sur la plateforme aéroportuaire est sujette à plusieurs questionnements. Depuis 2002, elle s’est octroyé le marché de transbordement des passagers. «Ce marché, qui ne nécessite pas plus de 25 millions de francs en charge d’exploitation c’est-à-dire 300 millions par année, a été manifestement surfacturé jusqu’à atteindre 1,2 milliard par année suite à l’attribution de ce marché à un Abs sa le 8 décembre 2011», rappellent les travailleurs. L’histoire est simple : en 2002, les Aans avaient attribué ce marché aux Ads pour une durée de 7 ans avec tacite reconduction. Lors de la rupture avec l’Asecna et la création d’Ads, l’agence s’est vue assujettie au Code des marchés publics (Cpm). Entre plusieurs procédures «irrégulières», l’entreprise Senecartours a gagné le marché à hauteur de 728 millions. Alors qu’Abs Sa avait soumissionné à ce marché «surfacturé à 1,2 milliard, soit une différence positive d’au moins 450 millions pour Ads en conformité avec une gouvernance vertueuse». «Voilà la vérité et c’est pourquoi les travailleurs ont décidé de bouter Abs Sa hors de l’aéroport et des actions vont être menées en ce sens», tonnent les syndicalistes.
Enrichissement illicite
La gestion de ce dossier laisse baba les travailleurs. Entre interrogations et suspicions, ils oscillent dans une incertitude totale. Ils disent : «Cette surfacturation et cet enrichissement illicite d’Abs Sa ont occasionné l’administration provisoire de Abs Sa par la Crei.» Les exigences sont clairement formulées : «Cet enrichissement réel doit cesser et la Crei (Cour de répression de l’enrichissement illicite) ne doit pas continuer à soutenir cet enrichissement illicite et doit mettre fin à cette activité dans le tarmac sans aucun contrat avec Ads.» «La Crei ne doit pas cautionner cette forfaiture. Qu’est-ce qui se passe derrière cette administration provisoire ? Pourquoi vouloir continuer à faire subir une surfacturation illicite à Ads ? La Crei n’est elle pas là pour stopper cet enrichissement illicite arbitraire ?», s’interrogent-ils. Wait and see ! En tout cas, ils ont prévu une Ag dès la semaine prochaine pour «y mettre fin». Dans le cadre de cet article, nous avons tenté de joindre les différents responsables mis en cause. En vain ! Par exemple, le Dg de l’Anancim, en voyage, rentre aujourd’hui.