Selon des responsables de la société civile, prenant part à la rencontre avec les APE, l’impression qui se dégage est que « la volonté d’aller vers l’union européenne est plus que forte“, ce qui pousse Cheikh Tidiane Dièye à paraphraser Abdoulaye Wade qui disait « qu’il faut éviter que les APE soient une camisole de force ».
Pour étayer son propos, le directeur exécutif d’Enda Cacid explique que la base de la négociation n’est pas solide car fondée sur des textes qui ne sont pas encore mis en application. Pour M. Dièye, les négociateurs africains sont en train de baser leur négociation sur un tarif extérieur commun de la CEDEAO qui n’est pas encore mis en œuvre et des politiques sectorielles annoncées mais qui en réalité ne sont pas opératoires. C’est pour cela qu’il estime que « l’offre d’ouverture n’est pas bâtie sur des piliers solides. »
Un point de vue partagé par un autre expert ghanéen qui a exprimé des craintes quant à un déphasage entre les aspects macroéconomiques qui ont été pris dans le cadre de la réflexion et le niveau macro où se passe réellement la production.
Même chose pour le ROPPA, qui craint que la signature de ces accords ne brise l’élan de la politique d’intégration qui est en train de prendre de prendre une bonne trajectoire.
Selon, le vice-président du réseau des organisations paysannes (ROPPA), la CEDEAO qui est en train d’élaborer des politiques sectorielles en plus d’un tarif extérieur commun, tout cela constitue une chance de développement pour la région Afrique de l’Ouest, « après l’échec des tentatives de développement des Etats initiées par les Etats pris individuellement ».
C’est pourquoi, Ibrahima Coulibaly estime que la région doit d’abord assurer ses arrières, en consolidant ses infrastructures avant d’aller vers ces grands ensembles. « Nous avons besoin de relever le niveau de compétitivité de notre secteur productif. Donc quand nous sommes en train de faire cela et qu’on nous dise de signer des APE avec l’Europe qui subventionne massivement son agriculture et ses produits viennent concurrencer nos produits, cela va priver plus de 60% de nos population de son gagne-pain, ce qui risque de créer des crises sociales porteuses de tensions politiques dans notre région », a-t-il dit.
Toutefois le représentant des producteurs ajoute qu’ils ne sont pas idéologiquement contre les APE, mais ils ne veulent pas d’une ouverture intégrale de leur marché. Ils disent qu’au préalable il faut assurer le développement de leur tissu productif.
Deux questions à Ahmet Hamid, Commissaire de la CEDEAO chargé du commerce et de la libre circulation
Croyez-vous sincèrement que ces accords sont bénéfiques à notre région ?
J’y crois profondément, sinon je n’aurais pas présenté le projet aux chefs d’Etat. Un autre round de négociations s’est ouvert cette semaine à propos des ces accords de partenariat économique, sur quoi la Cedeao va insister pour préserver ses intérêts ?
D’abord, il faut dire que ce n’est pas un simple accord commercial, c’est un accord de partenariat économique. Il comporte plusieurs aspects, il y a un volet commercial, un volet économique, un volet développement. Et donc aucune question ne sera mise de côté, on va veiller d’abord à la viabilité de notre tissu industriel, à la viabilité de notre agriculture. Nous tiendrons compte de la vulnérabilité sociale, des finances publiques. Bref, tous les aspects feront l’objet d’une veille rigoureuse et de discussions pour préserver l’intérêt de nos pays et nous assurer que nous serons dans une trajectoire de développement.
Pourquoi semblez-vous conditionner la réussite de l’intégration régionale à la signature des accords de partenariat ?
Je n’ai pas dit cela, je n’ai pas dit que si on ne signe pas l’intégration va échouer. Mais ce qui est sûr y a des Etats qui ont parapher ou signer mais qui n’ont pas encore ratifié. Deux grands membres de la Cedaeo, la Côte d’Ivoire et le Ghana, ce n’est un secret pour personne, ont un intérêt commercial évident avec l’Europe. Aujourd’hui, ils bénéficient d’une préférence et ils nous ont attendu pour qu’on signe et qu’il y ait pas de creux pour leur commerce extérieur. Si l’accord tarde, ils vont être dans une situation de perplexité c’est-à-dire qu’ils vont devoir se soumettre à la concurrence sur le marché et, cela peut leur causer des problèmes et cela peut avoir des suites sur la solidarité de la région. Il faut faire en sorte qu’on signe ensemble afin que toute la région soit solidaire.