Dakar - Brillant, adulé par son père l’ex-président Abdoulaye Wade qui voyait en lui son successeur, Karim Wade, désigné samedi candidat à la présidentielle du principal parti d’opposition, reste impopulaire au Sénégal, où il est considéré comme coupé des réalités et de la culture du pays.
Cette désignation intervient à deux jours du verdict de son procès pour corruption. Il est accusé d’avoir illégalement acquis 178 millions d’euros par le biais de montages financiers complexes du temps où il était conseiller puis
ministre de son père, ce qu’il nie.
"Karim fait partie des meilleurs financiers d’Afrique", avait pour habitude de dire son père, qui a présidé le Sénégal de 2000 à 2012, lui confiant des missions de plus en plus importantes, jusqu’à en faire en 2009 un "super ministre" chargé de plusieurs secteurs clés.
Avant la défaite le 25 mars 2012 d’Abdoulaye Wade face à Macky Sall, un de ses ex-Premiers ministres, Karim, 46 ans, cumulait les ministères de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Energie, ce qui lui avait valu le surnom de "ministre du Ciel et de la Terre".
Titulaire d’une maîtrise de gestion et d’un diplôme d’études supérieures en ingénierie financière obtenus à la Sorbonne à Paris, il part à la City de
Londres où, à la fin des années 1990, il est expert financier pour une grande
banque suisse.
Il entre alors en contact avec de grands groupes internationaux et plusieurs gouvernements africains, ce qui lui servira par la suite.
A la victoire de son père à l’élection présidentielle de 2000, il fait des allers-retours entre Londres et Dakar avant, deux ans plus tard, de rentrer définitivement au Sénégal, où Abdoulaye Wade le nomme conseiller spécial à la présidence.
Il est alors chargé de travailler sur de grands projets économiques comme la construction du nouvel aéroport international de Dakar, la restructuration des industries chimiques ou la création d’une zone économique spéciale.
Des dossiers techniques, jusqu’à ce qu’il soit propulsé en 2004 président de l’Agence nationale de l’Organisation de la coopération islamique (Anoci) qui a pour but d’organiser le 11e sommet de l’OCI qui réunira en mars 2008 à Dakar les dirigeants de 57 pays musulmans.
La préparation de cette conférence va transformer le visage de Dakar, qui se dote de nouveaux axes routiers, d’hôtels de luxe. La gestion de l’Anoci, brassant des sommes considérables liées à de juteux contrats avec les pétromonarchies du Golfe, est cependant jugée opaque par les opposants.
Cette conférence sera pourtant une réussite, et un tremplin sur la scène internationale, persuadant le père et le fils qu’il est temps pour Karim Wade de se lancer en politique. Ebloui, Abdoulaye Wade ne cache plus sa volonté de le voir lui succéder.
- Epreuve de la prison -
Karim Wade se présente en mars 2009 aux municipales de Dakar, première étape d’une ascension programmée comme météorique. La campagne se solde par un échec retentissant, le candidat étant battu jusque dans son propre bureau de vote.
Car s’il est indéniablement doué pour les affaires et apprécié dans les milieux de la finance internationale, il reste aux yeux des Sénégalais un homme distant, hautain, arrogant parfois, qui maîtrise mal la langue nationale wolof, incarnation d’une élite clinquante en rupture avec la sobriété du pays.
Il a beau préférer porter, lorsqu’il est au Sénégal, d’élégantes tenues traditionnelles en lieu et place des costumes occidentaux, le courant ne passe pas avec la grande majorité de ses compatriotes.
En dépit de leur ressemblance physique, le fils métis (sa mère, Viviane, est d’origine française) d’1,90 mètre n’a ni le charisme ni l’aisance de son père. Dans son propre pays, celui qui a longtemps vécu à l’étranger est perçu comme un "toubab" (Blanc) plutôt que comme un Sénégalais.
L’épreuve de la prison, depuis son arrestation en avril 2013, l’a néanmoins rapproché des Sénégalais, lui permettant de rallier une partie des mécontents du pouvoir actuel.
Cette impopularité n’a d’ailleurs pas empêché Abdoulaye Wade de tenter de créer en juin 2011 un poste de vice-président en vue de permettre à son fils de lui succéder, selon ses opposants. Sous la pression populaire et internationale, il fera marche arrière.
Père de trois filles, Karim Wade a perdu son épouse française, Karine, décédée en 2009 à Paris des suites d’un cancer.
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