Depuis quelques semaines, des personnes proches du pouvoir, le président de la République en premier, s'insurgent contre les commentaires contenus dans la presse en ligne. Le député, Moustapha Diakhaté n’a pas dérogé à la règle et a demandé la convocation de responsables de sites d’information pour s'expliquer devant la commission de communication de l'Assemblée nationale sur ce qu'il appelle les "dérives" sur les commentaires en ligne. L'Association des Editeurs et Professionnels de la Presse en ligne (APPEL) indique d’ores et déjà à l'opinion qu'elle ne compte pas répondre à cette convocation. Toutefois, elle ne refuse pas de discuter. Le Ministère de la Communication et de l’Economie Numérique ainsi que la Commission de Protection des Données Personnelles (CDP) nous ont saisis de manière officieuse. Nous attendons un courrier officiel pour répondre à leur invitation.
L’APPEL tient à préciser qu’elle n’est pas pour une discussion de quelques heures uniquement articulée autour des commentaires. Nous voulons un débat constructif et inclusif pour tenter de trouver des solutions durables aux problèmes de la presse en ligne de manière générale au grand bonheur de tout le monde. Nous voulons des concertations structurées, avec un échéancier précis qui vont regrouper tous les acteurs.
Pourtant à maintes reprises, nous avons échangé avec les autorités sur les projets et initiatives de l’Association pour assainir le milieu. Mais, nous n’avons jamais eu d’échos favorables. Nous avons constaté, amèrement, à notre égard, le manque de considération et la négligence des autorités, même chez notre ministère de tutelle.
Sur la base d'informations sérieusement recoupées, l’APPEL est au courant de réunions contre la presse en ligne au palais de la République et ailleurs. Dans ces rencontres, il a été, formellement, demandé de sévir contre les médias en ligne.
En réalité, nous avons appris que la Présidence, n'ayant pas bien apprécié les images du fils du président de la République qui ont été publiées sur Internet et les commentaires qui ont été faits sur lesdites images, a demandé à ses fonctionnaires de prendre des mesures.
Nous rappelons que depuis deux ans, les sites d’information sénégalais ont fait d'énormes efforts de modération des forums. Cela au prix d'une lourde perte en trafic web, préjudiciable au modèle économique de ces organes en ligne. Si par le passé, des abus ont été notés dans ce sens, la presse en ligne en son sein, a fait une prise de conscience. Les responsables des sites membres d'APPEL ont pris des décisions fermes de modération des commentaires. Les preuves existent et on peut les montrer à ceux qui le souhaitent. Les éditeurs membres de APPEL sont bien conscients de leurs responsabilités et ont été les premiers à combattre les «dérives» et commentaires attentatoires qui seraient à l’origine de cette levée de bouclier contre la presse en ligne aujourd’hui.
Encore une fois, nous sommes d’accord pour la modération mais pas pour une censure ou une éventuelle suppression de ces espaces de liberté d’expression. Un principe sacro-saint consacré par l’article 5 de la loi sénégalaise d’orientation sur la société de l’information et mieux encore par la Charte universelle des droits de l’homme.
Par ailleurs, il nous paraît aujourd’hui important de rappeler qu’il existe bien des textes de loi qui encadrent et organisent les activités sur les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) au Sénégal. Nous en sommes bien conscients. Des efforts sont faits pour respecter l’esprit et la lettre de ces textes.
C'est pour cette raison qu’aujourd’hui, tous ceux qui visitent nos sites constatent et vivent ces modérations. Maintenant, elles s’appliquent à tout le monde comme ces commentaires n’épargnent personne même les responsables des sites d’information.
Pour rappel dans un passé récent, ceux qui nous gouvernent aujourd’hui, alors qu’ils étaient dans l’opposition, avaient monté des cellules de veille et d’alerte qui avaient pour unique objectif «insulter et dénigrer» des personnalités de l'ancien régime. Ces dispositifs existent toujours même s’ils ont changé de mission et d’objectif. Et selon les clivages politiques aussi dans leurs rangs, ils se déversent des obscénités. L'APPEL détient les preuves formelles de cette instigation malsaine. Il nous semble, donc, nauséabond à présent que ces mêmes personnes qui ont insulté sur le web, au détriment de la liberté d'informations et du droit à l'expression, une fois au pouvoir s'érigent en censeurs d'une situation qu'elles ont créée elles-mêmes.