Kinshasa, 17 mars 2015 (AFP) - Une dizaine de militants congolais de l'organisation Lutte pour le changement (Lucha) ont été arrêtés mardi à Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo, pour avoir protesté devant les locaux de l'Agence nationale de renseignement (ANR) qui détient un des leurs à Kinshasa, a-t-on appris auprès du mouvement et des autorités locales.
Deux ressortissants belges, un journaliste et une chercheuse, ont également été pris à partie par les forces de l'ordre, a rapporté à l'AFP le journaliste, Alexis Bouvy. Ce dernier a dû emmener à l'hôpital la chercheuse, blessée à l'épaule après avoir été projetée au sol "par des gens de l'ANR".
"Il y a neuf militants de Lucha et deux journalistes congolais qui ont été arrêtés à l'ANR de manière très brutale", a déclaré à l'AFP un militant qui a requis l'anonymat. Les jeunes étaient "allés là-bas (...) demander la libération immédiate et sans condition de Fred Bauma et des autres militants pro-démocratie" arrêtés dimanche à Kinshasa, a-t-il ajouté.
"Ils demandaient aussi que le gouvernement garantisse la liberté des droits et libertés fondamentaux des citoyens congolais", a renchéri cette source, affirmant que Lucha avait "informé la mairie" qu'elle tiendrait mardi matin une "manifestation tout à fait pacifique".
Julien Paluku, le gouverneur de la province du Nord-Kivu, dont Goma est la capitale, a pour sa part confirmé à l'AFP l'"interpellation d'une dizaine" de militants.
"Je suis inquiet d'apprendre l'arrestation de manifestants à Goma ce matin ainsi qu'à Kin dimanche dernier lors d'un rassemblement publique", a déclaré mardi sur son compte Twitter Martin Kobler, chef de la Mission de l'ONU (Monusco).
Alexis Bouvy, le journaliste belge pris à partie à Goma, a été contraint par les forces de l'ordre d'effacer de son appareil les photos prises dans la matinée.
"Ça a été assez brutal et violent", a souligné M. Bouvy. "Les gens de l'ANR étaient très agressifs, donnaient des claques" aux Congolais, a-t-il ajouté, en appelant à ne pas oublier le sort de la "douzaine de jeunes" toujours aux arrêts.
"On fait le suivi proche de toute cette affaire", a pour sa part déclaré une source à l'ambassade de Belgique à Kinshasa.
Samedi, des militants des mouvements sénégalais "Y'en a marre", burkinabè "Balai citoyen" et de Lucha avaient organisé à Kinshasa une rencontre destinée à sensibiliser la jeunesse sur les questions de gouvernance et de démocratie.
Dimanche, les organisateurs ont tenu une conférence de presse mais les forces sont intervenues pour arrêter une trentaine de personnes, selon des témoins. Le groupe a été conduit au siège de l'ANR, dans le nord de Kinshasa.
Une partie d'entre eux a depuis été libéré, notamment des journalistes et un diplomate américain. Mardi, la chaîne privée congolaise Antenne A n'avait toutefois pas de nouvelle de son journaliste, qui faisait partie des interpelés.
Parmi les militants toujours détenus mardi figurent des Congolais, dont Fred Bauma de Lucha, le Burkinabè Sidro Ouedraogo de Balai citoyen, ainsi que les Sénégalais Fadel Barro, meneur charismatique de Y'en a marre, Aliou Sané et le rappeur Fou malade.
Les arrestations ont été dénoncées par des associations congolaises, sénégalaises, burkinabè et non africaines. Mardi, un collectif de près de 100 associations congolaises a réitéré cette demande.
Y'en a marre, mouvement formé par des jeunes, dont des rappeurs, a été à la pointe du combat contre un troisième mandat du président sénégalais Abdoulaye Wade (2000-2012).
Balai citoyen voulait pour sa part empêcher le président Blaise Compaoré, en poste depuis 27 ans, de modifier la Constitution pour briguer un nouveau mandat. Fin octobre 2014, M. Compaoré a abandonné le pouvoir sous la pression de la rue.
En RDC, le président Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, ne peut pas briguer un nouveau mandat en 2016, mais l'opposition soupçonne son camp de chercher les moyens de le maintenir au-delà du terme de son quinquennat. La situation a créé de vives tensions.
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