Après plusieurs renvois, le procès de l’expert financier Pape Alboury Ndao a finalement eu lieu sans la présence de la partie civile, Karim Wade qui n’a pas été extrait. Cependant, le procès n’a pu se poursuivre, à cause de la demande de renvoi du parquet.
Non seulement les avocats de Karim Wade désiraient fortement la comparution de leur client pour soutenir ses accusations contre l’expert financier Pape Alboury Ndao, mais encore, ils espéraient que le tribunal correctionnel trancherait en faveur de leur client, avant que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) ne rende son verdict contre Karim Wade. Mais hier, la défense de Karim Wade a dû se sentir désabusée. En plus de plaider en l’absence de leur client, les conseils du fils de l’ex-président Wade ont été surpris de voir le procès renvoyé, juste après leurs plaidoiries. A leur grande surprise, le parquet, invité à faire son réquisitoire, a sollicité un renvoi jusqu’au 26 mars prochain, soit trois jours après le délibéré de la CREI.
Le substitut Abdoul Aziz Danfakha a justifié sa demande par le souci de faire ‘’convenablement’’ ses réquisitions, car de nouvelles pièces ont été versées par les avocats de Karim Wade. Sa demande a eu l’effet d’une douche froide sur tous les avocats. ‘’Sa demande est tardive. Nous ne sommes pas dans une procédure d’instruction. A défaut, il faut écarter ces documents des débats’’, a fulminé Me El Hadj Diouf, tout énervé et désespéré. L’avocat d’Alboury Ndao n’a pas pu convaincre le tribunal qui s’est rangé du côté du parquet.
Mais avant d’en arriver au renvoi, Pape Alboury Ndao s’est défendu des accusations de faux et de tentative d’escroquerie en jugement. Karim Wade soutient que le rapport du compte de Singapour est truffé de faux car le compte n’existe pas. L’expert financier a affirmé devant les juges que le compte créditeur de 47 milliards existe bel et bien et que Karim Wade en est le propriétaire. Comme il l’avait déclaré à la barre de la CREI, il a soutenu que le compte a été ouvert le 7 décembre 2011.
L’expert financier a expliqué que c’est en traquant Dubaï Port World (DPW) que le compte a été découvert, vu que les sapiteurs (personnes ayant une grande expertise en matière de délinquance financière) avec qui ils travaillaient ont été intrigués par la connexion entre cette société et Dubaï Ceramic. D’après M. Ndao, en poussant leurs investigations, les experts ont découvert que cette société avait procédé à des virements de 2 437 758 dollars et 13 372 942 dollars, respectivement le 11 janvier 2012 et le 13 février 2012 au profit de AHS Guinée Bissau dont Karim Wade est propriétaire à 100%, et dont le solde bancaire serait créditeur au 23 octobre 2013 de la somme de 93 761 204 dollars, soit près de 47 milliards de francs CFA.
Il a réitéré les déclarations selon lesquelles Karim Wade, Mamadou Pouye, Ibrahim Aboukhalil Bourgi dit Bibo et Tahibou Ndiaye y ont effectué des transactions, le même jour. Le prévenu a révélé que le 15 décembre 2011, un virement de 1,300 milliard F cfa a été effectué pour le compte de MP capital Group via la Bank of China Anzou group. Le même jour, un virement de 2 millions 430 mille dollars a été fait via la même banque, au profit de Karim Bourgi. Le dernier virement portant sur 1 million 760 mille dollars, soit 825 millions de francs CFA. Il a été effectué pour Sen Pharma de Tahibou Ndiaye.
Face à ses allégations, le tribunal lui a demandé d’apporter les preuves des virements, mais également l’appartenance des sociétés à Karim Wade. L’expert financier a reconnu qu’il ne disposait ni des statuts ni des relevés de virements. ‘’Je n’ai aucun élément, à part le rapport fait par mes sapiteurs que j’ai recoupé avec un autre groupe de sapiteurs avant de le transmettre à la commission d’instruction de la CREI qui a procédé à des vérifications’’, a-t-il répondu aux juges. Sur sa lancée, il a laissé entendre que les juges ont donné de la valeur à son rapport et qu’il n’a jamais eu l’intention d’enfoncer Karim Wade. ‘’C’est de la pure affabulation. Si je voulais enfoncer Karim Wade je l’aurais fait lorsque j’étais administrateur provisoire de Dubai port world’’, s’est défendu Pape Alboury Ndao qui a refusé de répondre à l’essentiel des questions des avocats de la partie civile.
‘’47 milliards…, pour daara et œuvres caritatives’’
‘’J’ai déjà répondu à cette question. Référez-vous à mon rapport’’. Ces réponses ont été servies plusieurs fois par le prévenu, soutenu dans sa stratégie par Me El Hadj Diouf, un de ses conseils. Quoi qu’il en soit, Me El Hadj Amadou Sall est convaincu que le prévenu ‘’ne pourra jamais produire un seul document attestant l’existence du compte’’. Parce que tout simplement de l’avis de Mes Seydou Diagne et Ciré Clédor Ly, ‘’rien n’a été trouvé en réalité’’. Pis, selon Me Diagne, l’expert financier, ‘’n’a fait que remplir des feuilles blanches, c’est pourquoi les documents émanant de ses sapiteurs ne disposent ni d’en-tête ni de signature’’. Me Demba Ciré Bathily a abondé dans le même sens pour dénoncer le fait que le rapport soit anonyme. ‘’C’est odieux, ce qu’il a fait, car il a servi de bras armé à ceux qui ont voulu abattre Karim Wade’’, a martelé l’avocat. Estimant que Pape Alboury Ndao a porté préjudice à leur client, ils ont demandé que les 47 milliards avancés par le prévenu soient versés comme dommages et intérêts. ‘’L’argent servira aux daara et à des œuvres caritatives’’, a précisé Me Diagne.