Le Premier ministre s’est rendu hier, jeudi 12 mars, avec son gouvernement à l’Assemblée nationale pour répondre aux questions d’actualité des députés. Ce premier face-à-face n’a tout de même pas permis au gouvernement d’éclairer la lanterne des députés et des Sénégalais sur certains dossiers mais aussi d’établir le fil d’un dialogue permanant et institutionnel avec l’opposition : deux objectifs que visait cette rencontre.
Annoncé comme une sortie risquée du fait de l’ébullition du front social avec la crise scolaire et universitaire, la situation politique polluée par la sortie de l’ambassadeur de la France au Sénégal sur le procès Karim Wade à deux semaines du verdict de la Crei, le passage du gouvernement à l’Assemblée nationale pour répondre aux questions d’actualité a eu lieu hier, jeudi 12 mars, sans beaucoup de difficultés.
Le chef du gouvernement s’est présenté avec son équipe, comme initialement prévu, et ils se sont soumis aux questions des quatorze orateurs (dix députés de la majorité, trois de l’opposition) tirés sur le volet parmi les parlementaires pour prendre la parole, lors ce face-à-face de 122 minutes. Pour cette première rencontre avec les parlementaires que le gouvernement compte renouveler tous les mois, seuls quelques sympathisants ont effectué le déplacement pour apporter leur soutien à l’équipe gouvernementale. On était bien loin des exercices antérieures de déclaration de politique générale.
Cependant, il faut signaler que ce rendez-vous, une première au Sénégal dont l’objectif vise non seulement à éclairer la lanterne des députés sur la conduite des affaires publiques par le gouvernement mais aussi à établir le fil d’un dialogue permanant entre le pouvoir et l’opposition a encore du chemin à faire. Pour cause, Mahammad Boun Abdallah Dionne et son gouvernement n’ont pas réussi à apporter des réponses claires à certaines questions des députés.
A l’exception de l’affaire Suneor, où le chef du gouvernement lui-même a annoncé la position ferme du gouvernement contre la vente des usines de Ziguinchor et de Kaolack, la plupart des réponses apportées aux autres questions soulevées n’était que la répétition de ce que le commun des Sénégalais avait déjà entendu. C’est le cas des interpellations portant entre autres, sur le niveau d’exécution des engagements pris lors des Conseils des ministres décentralisés, sur les mesures pour l’amélioration des conditions en milieu carcéral, sur la solution de blocage du projet de loi portant sur les daaras ou encore le blocage de l’emprunt obligataire ville de Dakar, voire la solution à la crise de l’enseignement supérieur ou encore la relance du dialogue politique pour ne citer que celles-là.
Invité par ailleurs à apporter des éclaircissements concernant les dispositions prises pour le suivi et l’évaluation du Pse par le gouvernement, mais aussi sur le niveau actuel de mobilisation des ressources et de la réalisation des projets, le ministre Amadou Bâ a tout simplement préféré dire éluder la question. «À ce jour, sur les 27 projets phares et les 17 réformes à effectuer, le document de suivi sera présenté, dès cette semaine, au Premier ministre qui le soumettra à son tour au président de la République», a-t-il dit avant d’annoncer que près de 206 milliards sont déjà injectés dans le financement des projets, à la date de ce jour. Abondant dans le même sens, le ministre Serigne Mbaye Thiam interpelé sur le blocage du projet de réforme des daaras s’est tout simplement contenté de réaffirmer que le projet de loi a fait l’objet d’une très large concertation contrairement à ce qui est dit. «Le gouvernement est ouvert au dialogue avec tous les acteurs concernant tous les points, à l’exception de l’objectif même de la loi».
INGÉRENCE DE L’AMBASSADEUR DE FRANCE DANS LE DOSSIER KARIM WADE : Le Pm invite les libéraux à être conséquents avec eux-mêmes
Que ceux qui s’attendaient à une réaction du gouvernement du Sénégal, suite à la sortie de l’ambassadeur de France dans le dossier Karim Wade déchantent ! Interpelé hier sur ce sujet, lors du passage du gouvernement à l’Assemblée nationale pour répondre aux questions d’actualité, le Premier ministre M. Dionne s’est contenté d’inviter les libéraux à être conséquents avec eux-mêmes. «On n’avait pas entendu le Gouvernement lors de l’appel à l’ingérence de l’ancien Président Abdoulaye Wade, on ne l’entendra pas non plus sur ce que vous appelez ingérence. Qui a sollicité les Président Obama et Hollande sur un procès qui se déroule entre Sénégalais, qui a demandé que des juges français viennent gérer un dossier qui nous concerne ? Nous devons être conséquents et faire confiance à la justice de notre pays. Ceux qui sont aujourd’hui entre les mains de la justice, s’ils prouvent leur innocence seront libérés, le cas échéant ils seront condamnés. Nous ne sommes pas des manipulateurs, du droit, de la justice et du peuple, nous travaillons aujourd’hui pour servir et non nous servir», a expliqué M Dionne sous les applaudissements de certains élus de la majorité.
EMPRUNT OBLIGATAIRE DE LA MAIRIE DE DAKAR : La suspension n’est pas «politique»
La suspension de l’emprunt obligataire de 20 milliards de francs CFA prévu par la mairie de Dakar n’est pas d’ordre « politique», elle s’explique par des raisons “techniques”, a tenu à préciser hier jeudi, le Premier ministre devant l’Assemblée nationale. « Concernant l’emprunt de la Ville de Dakar, on parle de dossier politique. Non, c’est un dossier technique ». Et M Dionne qui a fait remarquer que « L’endettement (…) nécessite un regard extrêmement exhaustif », a ajouté que l’opération a été suspendue, en attendant de savoir si la mairie de Dakar « peut supporter un endettement supplémentaire de 20 milliards de francs CFA ». M Dionne indiquera aux députés : « Il y a un ordonnateur unique du Budget national, c’est le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan. C’est lui qui a la signature de l’Etat en matière de finances publiques. Il va donner une garantie à hauteur de 10 milliards de francs CFA, parce qu’il est sollicité pour 50% de l’emprunt. Avant de la donner, il doit évaluer la dette actuelle du bénéficiaire », la mairie de Dakar en l’occurrence, a expliqué le Premier ministre.
Selon le Dionne par ailleurs, « les avances» faites par l’Etat à la mairie de Dakar s’élèvent à 12,3 milliards de francs CFA. Et la dette à payer par cette collectivité locale aux banques s’élève à 19,7 milliards de francs CFA, a-t-il indiqué. Dans la foulée, le chef du gouvernement a ajouté que son gouvernement a demandé au ministre de l’Economie, des Finances et du Plan de traiter ce dossier « professionnellement » et en tant que « technicien, de concert avec ses services ». En conclusion, le Pm a dit : « Oui aux financements innovants ! Mais dans la transparence ». Pour rappel, le 19 février dernier, la mairie Dakar s’apprêtait à lancer l’emprunt obligataire de 20 milliards pour une durée de sept ans. Mais le gouvernement du Sénégal s’y est opposé, deux jours avant le lancement de l’emprunt. Cette décision a mis l’organe de régulation des marchés financiers de l’Uemoa dans l’obligation de suspendre le lancement de l’emprunt.
ECHOS... ECHOS... ECHOS...
Abdoulaye D. Diallo : «Tous ceux qui sont concernés par la traque seront... poursuivis»
En réponse au député Me El Hadj Diouf qui a demandé, au sujet de la traque des biens mal acquis, « à qui le tour après Karim Wade?», le ministre de l’Intérieur, répondant à la place du ministre de la Justice absent, a affirmé : « La loi est de portée générale et tous ceux qui sont concernés seront entendus », prenant l’exemple par ailleurs sur «un autre ancien ministre qui avait été mis en demeure par le Procureur spécial, mais qui a bénéficié d’une liberté provisoire». Cependant, a-t-il assuré, « généralement et dans ce cas-ci, tous ceux qui sont concernés seront nécessairement poursuivis... »
Mary Teuw Niane espère un accord avec le Saes
Le gouvernement a « bon espoir » qu’il trouvera, avec le Saes, un accord concernant la loi-cadre sur les universités, a dit hier le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Mary Teuw Niane a expliqué que la controverse engendrée par la loi en question porte sur trois aspects : la composition des conseils d’administration des universités, les modalités de nomination du président et du vice-président de ces conseils, et la nomination des recteurs. Selon le ministre, l’espoir est permis que le gouvernement et le Saes qui vont se retrouver aujourd’hui, vendredi à 15h, au ministère du Travail, trouvent une issue heureuse à ces différends qui bloquent la réforme de l’enseignement supérieur.