Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aDakar.com NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

Mauvais alimentation, manque de loisir, défaut de prise en charge sanitaire, traumatisme: La piètre vie des détenues au Sénégal
Publié le mardi 10 mars 2015  |  Sud Quotidien
Prison
© Autre presse
Prison




En présence du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Sidiki Kaba, l’Association des juristes sénégalaises (Ajs), le bureau régional du Haut commissariat des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest (Hcdh) et l’Observatoire national des lieux de privations de liberté (Onlp) ont publié hier, dimanche 8 mars, journée dédiée à la femme, les résultats d’une enquête réalisée entre mars et juillet 2014 dans les maisons d’arrêt et de correction (Mac) pour femme de Liberté VI, Thiès, Kaolack, Tambacounda et Rufisque. Les réponses des 152 détenues interrogées intègrent la mauvaise alimentation, le défaut de prise en charge sanitaire et le traumatisme, autant de faits qui nuisent aux femmes privées de liberté.

VETUSTE DES PRISONS, MANQUE D’ESPACES DE LOISIRS… CES GOULOTS D’ETRANGLEMENT

Du fait de la vétusté des maisons d’arrêts et de corrections qui datent de l’époque coloniale, les détenues ne sont pas dans les conditions qui favorisent le respect de leurs droits (humains). Le rapport indique que l’obligation de séparation des détenues suivant la nature du délit ou de l’âge n’est pas respectée. Ainsi l’étude révèle que dans les 5 établissements visités (Mac de Liberté VI, Thiès, Kaolack, Tambacounda et Rufisque), les prévenues étaient confinées dans les mêmes cellules que les condamnés et soumises au même régime.

S’agissant également du droit des mineures à être séparées des adultes, seule la maison d’arrêt et de correction de Liberté VI dispose de cellules séparées. Dans touts les autres établissements visités, jeunes et adultes étaient confinés dans les mêmes cellules. Pis, à la maison d’arrêt et de correction de Tambacounda, les détenues sont surveillées par des agents de sexe masculin qui y entrent sans être accompagnés, déplorent les enquêteurs.

Le constat qui se dégage de l’enquête menées dans les maisons d’arrêt et de correction c’est aussi une carence en matière de nutrition. Le rapport fait remarquer que les 600 F Cfa, montant de la subvention quotidienne ne permet d’assurer qu’un seul repas à chaque détenue. Conséquence, seules les détenues dont les familles ont les moyens de leur faire parvenir des repas arrivent à compléter la ration journalière. Les mal loties, en pareil cas, sont les détenues étrangères.

Concernant les préoccupations sanitaires, les maisons d’arrêt ne disposent souvent que de sage femmes et d’infirmières. Ce qui ne permet pas de prendre en charge certaines pathologies. Les femmes en détention sont aussi confrontées à des problèmes d’hygiène du fait de l’insuffisance d’installations sanitaires, de l’insuffisance de literie, moustiquaires et ventilateurs. L’absence d’espace destiné aux loisirs et activités sportives sont aussi des griefs des détenues rapportés dans l’enquête.

VIE DES FEMMES EN PRISON : Les enfants, source d’inquiétude

Dans la restitution des enquêtes, une détenue incarcérée pour tentative d’avortement manifeste se soucie du devenir de ses 4 enfants confiés à sa mère. «Ma mère est vielle et elle n’est pas en bonne santé. Où peut-elle trouver la force de s’occuper de 4 enfants alors qu’elle doit en plus aller vendre au marché pour pouvoir les nourrir», se demande-t-elle? Une autre détresse vient d’une détenue qui s’inquiète pour sa fille, une déficiente mentale de 20 ans, laissée aux soins de sa grand-mère. «Seule une mère peut s’occuper d’une (personne) handicapée mentale. Il faut tellement de patience, et seule une mère peut avoir cette patience», a-t-elle soutenu dans le rapport.

Ces deux témoignages révèlent le fardeau qu’est la détention. Ainsi, souligne les enquêteurs, chez la majorité des enfants séparés de leurs mères, le taux d’abandon scolaire est élevé. Les enfants mineures sont confiées à leurs grand-mères, tante, sœur, cousine, belle-sœur, ils sont rarement confiés à leur pères. D’ailleurs, plusieurs détenues ne reçoivent plus aucune nouvelle de leur progéniture durant leur incarcération. Les enfants de détenues rendent rarement visite à leurs mères. Cela est généralement dû, au fait que leurs proches le leur interdit ou parce que le cadre n’est pas aménagé pour rendre ces rencontres moins traumatisant pour les enfants. L’autre soucie, c’est les bébés. Les nourrissons constituent aussi une source d’inquiétude pour leurs mères. Le statut des enfants n’est pas pris en compte, car ils vivent dans les mêmes conditions de détentions que les adultes et ne bénéficient d’aucun traitement spécifique. D’autre part, la détention est désastreuse pour les femmes du fait de l’environnement socioculturel où l’emprisonnement est considéré comme un acte honteux.

LES MAISONS D’ARRET ET CORRECTION POUR FEMMES EN CHIFFRE : 31% incarcérées pour trafic de drogue, 72% en détention préventive et 34% des non instruites

Dans le compte de rendu de visite effectuées au niveau des maisons d’arrêt et de correction de Liberté VI, Rufisque, Thiès, Kaolack et Tambacounda, l’Association des juristes sénégalaises (Ajs), le bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest du Haut commissariat des nations unies pour les droits de l’homme (Hcdh) et de l’Observatoire de national des lieux de privation de liberté signalent que 31% des 152 détenus interrogées sont incarcérés pour trafic de drogue. L’étude révèle aussi que 42% des femmes détenues pour trafic de drogues sont d’origine étrangère et qu’elles ont, en général, été interpellées durant le transport de produits stupéfiants. Certaines ont indiqué avoir été impliquées par leurs conjoints. D’autres, par contre, affirment n’avoir pas été informées du contenu du colis transporté.

Le trafic de drogue, première cause de détention, avant l’infanticide

Avec 16%, l’infanticide est la deuxième cause d’emprisonnement des femmes. Les crimes d’infanticide sont souvent la conséquence de situations de discrimination ou de violences, préexistantes notamment les grossesses issues d’actes de violences sexuelles. En dehors de ces deux faits, le vol (11%), les coups et blessures volontaires (8%), les cas d’association de malfaiteurs (5%), d’escroquerie (5%), d’avortement (3%) et les arrestations pour défaut de carnet sanitaire (1%) sont parmi les autres motifs de détention.

Profil des détenues

Plus du tiers des détenues dans les établissements pénitentiaires le sont pour des délits mineurs. Les 140 détenues interrogées par le Hcdh et ses partenaires sont dans leurs majorités issues de milieux défavorisés. Aussi, sur l’ensemble de l’enquête, environ 66% des détenues consultées n’ont pas dépassé le niveau primaire. 34% sont non instruites, 32% se sont arrêtées en cycle primaire, 20% ont cessé les études au secondaire. Seules 42% des détenues interrogées ont fait les études supérieures.

72% des détenues sont en détention préventive

Sur les 152 femmes interrogées, seules 28% sont condamnés, soit 72% de personnes en détention préventive dont la majorité de longues durées. Le rapport indique qu’à la maison d’arrêt et de correction de Kaolack, sur 12 femmes consultés, 9 sont en détention préventive. A la Mac pour femmes de Liberté VI, 68% de la population carcérale étaient en détention préventive, et seules 32% des détenues avaient été jugées et condamnées par le tribunal.

Les longues détentions préventives s’empirent du fait de l’absence d’avocats. Le rapport indique que la situation est beaucoup plus alarmante en dehors de Dakar. A Thiès, seules 4 des 20 détenues bénéficient d’un avocat commis d’office. A Kaolack et Tambacounda, 21% des détenues interrogées, bien qu’ayant un avocat, ont déploré leur manque de diligence et le fait de ne pas recevoir leurs visites. Pis, certaines des robes noires, d’après les témoignages de détenues à Thiès, ont disparu après avoir reçu leurs honoraires.

AMELIORATION DES CONDITIONS DE DETENTION - LA CONSTRUCTION DE PRISONS DANS LES REGIONS ANNONCEE

Après la pose de la première pierre de la maison d’arrêt et de correction de Sébikotane, le gouvernement dévole un projet de construction de prison de 500 à 600 places dans chaque capitale régionale. L’annonce est du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Sidiki Kaba, qui présidait hier, dimanche 8 mars, la célébration de la Journée internationale de la femme à la maison d’arrêt et de correction de Liberté VI.

Les édifices vont respecter la séparation selon l’âge et la nature des peines, indiquent le Garde des Sceaux. L’objectif est de désengorger les prisons sénégalaises qui datent tous de l’époque coloniale. La construction de nouveaux lieux de détention vise à améliorer les conditions de détention. Sidiki Kaba juge aussi nécessaire de réfléchir sur une substitution de la criminalisation du trafic de drogue, ce qui permettra d’éviter l’emprisonnement des jeunes notamment des femmes.

REDUCTION DES MOTIFS DE DETENTION DES FEMMES : DES RECOMMANDATIONS AUX AUTORITES JUDICAIRES

Afin de réduire la détention des femmes, il est nécessaire d’harmoniser la législation sénégalaise avec les engagements internationaux pris par le Sénégal. L’Ajs et ses partenaires plaident aussi pour que les conditions dans les lieux de détention soient améliorées. Des mesures alternatives à la détention des femmes doivent être trouvées, surtout celles enceintes, allaitantes ou mères de jeunes enfants, suggèrent-on dans le rapport.

Dans les recommandations, il est aussi requis, la révision des infractions basées sur des stéréotypes de genre discriminant les femmes. Il s’agit là de dépénaliser l’interruption de grossesse et de modifier la qualification pénale du trafic de drogue et requalifier en délit le crime de drogue en particulier lorsque les femmes sont impliquées dans le transport. Il est également demandé aux autorités de fixer un délai limite à la (durée de) la détention préventive, prévoir des peines de substitution à l’incarcération des femmes, humaniser les lieux de privation de liberté et développer des actions préventives.
Commentaires