C’est l’expectative à l’établissement industriel de Dakar (EID) de la Suneor, après la grève de février. Les travailleurs qui ont repris les activités ne veulent pas entendre toujours parler de la cession des activités de trituration (usines de Kaolack et Ziguinchor), mais la direction semble intraitable.
On est dans la zone franche industrielle. La circulation des gros porteurs, chargés de containers, indique qu’on est au môle 4 du port de Dakar. Un haut lieu de la manufacture dakaroise comme en atteste la succession d’entrepôts des grandes entreprises telles Mtoa, Soboa, Grands moulins de Dakar GMD…et Suneor qui fait face au rond point menant à Bel-air. L’activité n’est pas débordante dans les locaux de l’usine malgré la suspension de la grève. A côté de la salle d’attente de l’usine, le son diffus d’une station radio internationale suscite les commentaires des vigiles sur les prestations du club de la capitale parisienne.
Les gros tanks d’huile en métal sont surplombés par un mirador pour le contrôle du déversement de l’arachide. Des bâtiments de conditionnement, sortent les travailleurs de cette huilerie, (Ex Sonacos), qui avaient observé un arrêt de travail du 23 au 25 février passé. La décision de l’actionnaire principal de céder ses activités de trituration au groupe français Avril (ex Sofiproteol) avait motivé cette grève. ‘‘Nous avons entendu depuis plus de dix jours par la presse que Abbas Jaber, actionnaire principal de la société, voulait vendre en balkanisant les unités, ce que nous n’avons pas accepté. Au moment de la privatisation en 2004, il n’a pas voulu acheter une société balkanisée et au moment de partir il ne faut pas laisser une société balkanisée’’, explique le délégué syndical de Suneor EID, Ibrahima Diop.
Les travailleurs s’opposent ainsi à cette vente par émiettement estimant que les quatre usines de la société, Ziguinchor, Dakar, Diourbel (comprenant Louga), et Kaolack, sont complémentaires. ‘’Ziguinchor et Kaolack ne font que la trituration, tandis que l’ensemble des conditionnements et le raffinage de nos produits se font entre Diourbel et Dakar’’, poursuit le délégué syndical. Suneor traite environ 90% des graines d'arachides mises sur le marché, en grande partie pour la production d'huile brute. Ce qui représente, suivant les années, entre 130 000 et 250 000 tonnes de coques triturées chaque année.
L’État à la rescousse
Le délégué syndical estime que la cession du premier acteur de l’agro-alimentaire du pays est lourde de dangers pour l’avenir de l’économie sénégalaise. ‘‘Nous craignons la déstructuration de la filière arachidière. Depuis que Jaber est là, elle ne cesse de se dégrader. S’il vend en séparant les usines, ça voudrait dire la mort de la graine au Sénégal’’, prédit le délégué syndical. Des conséquences sociales sont également esquissées car, pour l’ensemble des usines, 3000 emplois sont concernés, dont des permanents, des saisonniers, des transporteurs, des fournisseurs, selon le délégué. Malgré l’arrêt de travail en fin février et la rencontre avec Abbas Jaber, les positions restent figées.
Les travailleurs sont dans l’optique d’organiser une marche nationale qui va inclure toutes les usines des régions concernées. Un plan d’action qu’ils comptent mettre en place à la rencontre de demain. Pour les syndicalistes, l’implication des autorités gouvernementales est la seule issue fiable à ce problème. ‘‘Nous sommes à l’écoute de l’État car il ne peut pas ne pas se mêler de ça. On ne peut avoir une société qu’on avait vendue à 5 milliards 350 millions à quelqu’un qui revient pour revendre les deux unités à 21 milliards. On ne peut pas laisser quelqu’un prendre toutes les richesses du pays comme ça’’, continue Ibrahima Diop. A la rue Calmette, siège de la direction générale, un haut responsable de la boîte, Mbaye Dièye, était ‘‘en réunion’’ et n’a toujours pas réagi.