Bissau- Les autorités bissau-guinéennes ont empêché le départ pour le Senégal voisin de 54 enfants vraisemblablement destinés à devenir des "talibés", des élèves d’école coranique vivant de mendicité, a appris dimanche l’AFP auprès de la police des frontières.
Les agents de la police et des services d’immigration ont récupéré les enfants, âgés de 5 à 15 ans, près du poste frontalier de Cambadju, à 200 km de Bissau, au moment où ils allaient quitter le territoire, ont précisé des sources concordantes.
"Le trafic se fait souvent avec la complicité des parents. Dans ce cas, ce sont les parents qui tentent de nous persuader de laisser passer les enfants pour assister à une cérémonie de lecture du Coran", a déclaré à l’AFP un policier des services d’immigration à Cambadju, Djamboye Baldé.
"Mais le nombre très élevé d’enfants nous a fait soupçonner un trafic", a-t-il expliqué.
Deux adultes supposés être les accompagnateurs ont été arrêtés mais deux complices ont réussi à prendre la fuite, selon la police.
"Il s’agit d’un trafic d’enfants probablement destinés à un maître coranique", a confirmé Malam Baldé, directeur de la radio communautaire "Wakilare pour l’initiative transfrontalière" qui lutte contre cette pratique.
"Le trafic d’enfants est un véritable problème dans cette région. La plupart des talibés que l’on rencontre dans les rues de Dakar proviennent de cette zone", a-t-il affirmé.
Les enfants ont été regroupés, identifiés puis évacués vers la ville de Bafata, chef-lieu de la région, dans le centre du pays, afin d’être restitués à leur famille, mais 11 d’entre eux se sont échappés, a indiqué à l’AFP un responsable de l’Association nationale des amis des enfants (Amic).
"Nous les avons regroupés au village SOS de Bafata, en attendant de savoir
quelle suite donner à l’affaire. Mais onze enfants ont réussi à fuir", a dit ce responsable sous le couvert de l’anonymat.
La mendicité des "talibés" demeure endémique, malgré plusieurs textes l’interdisant. Au quotidien, ces enfants aux pieds nus et en haillons arpentent la capitale sénégalaise sébile à la main. Ils sont généralement sous la houlette de maîtres coraniques qui les obligent à mendier et à vivre dans des conditions très précaires.
Quelque 30.000 enfants "talibés" sont répertoriés dans la seule région de Dakar, selon une étude de la Cellule nationale de lutte contre la traite des personnes du ministère de la Justice, publiée en avril 2014.
Une bonne partie d’entre eux viennent de pays voisins : Guinée, Guinée-Bissau, Gambie et Mali.
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