La dernière sortie publique de l'ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade, qui a traité son successeur, Macky Sall, de descendant d’esclaves et d’anthropophages, suscite depuis 24 heures des réactions de réprobation et d’indignation de la part de plusieurs leaders politiques, guides religieux et acteurs de la société civile.
En recevant mardi dernier la visite de partisans de son fils Karim Wade, en prison dans le cadre de la traque des biens supposés mal acquis, l'ex-président sénégalais s’en est vivement pris à l’actuel chef de l’Etat, Macky Sall et à ses parents.
Les critiques contre ce "dérapage" sont à la Une de tous les quotidiens sénégalais, toutes tendances confondues.
Dans un éditorial, le quotidien public sénégalais Le Soleil note que la classe politique et la société civile "désapprouvent" la sortie de M. Wade, et souligne que la pondération est "une marque des grands hommes".
L’ancien président sénégalais devrait avoir une conduite plus "responsable" compte tenu de son statut d’ancien, estime pour sa part, Mamadou Thierno Talla, directeur de publication du quotidien privé dakarois, l’As.
Interrogé par une télévision locale, M. Talla a ajouté que le fait que le fils de l’ex-président, Karim Wade, soit en prison pour enrichissement illicite ne devrait pas le conduire à avoir une telle attitude.
Le célèbre chanteur sénégalais, Youssou Ndour, a affirmé de son côté que "les dérives actuelles de l’ancien président de la République, M. Abdoulaye Wade, confortent l’idée que je m’étais fait de l’homme et de la décision que j’avais prise de le combattre, lui et ses pratiques inadmissibles".
Face à cette situation qu’il a qualifié de "fâcheuse et périlleuse", il a invité ses compatriotes et la communauté internationale à appeler "M. Wade à la raison pendant qu’il est encore temps".
Dans un communiqué, Le Réseau des universitaires républicains (RUR), affilé à l'Alliance pour la République (APR, parti au pouvoir), déclare que la "sortie inacceptable de M. Wade a outré et dérangé la nation sénégalaise pour qui la famille est sacrée, le mensonge et la calomnie intolérables".
Les propos de M. Wade ont même dérangé certains de ses proches qui ont regretté le comportement de leur leader.
"Frère secrétaire général par devoir et par conviction, je suis dans l’obligation morale de vous exprimer mes vifs sentiments de désapprobation à la suite de vos propos", a déclaré ce jeudi dans le journal "Le Populaire", Babacar Gaye, porte-parole du Parti démocratique sénégalais (PDS, formation de l’ancien chef d’Etat sénégalais).
"Je sais que vous êtes trahi, aujourd’hui, sali, vilipendé et meurtri. Cependant ni votre parcours, ni votre statut actuel ne vous soustrait du rôle de patriarche qui est le votre", a poursuivi M.Gaye.
La majorité présidentielle avait elle aussi qualifié mercredi soir d'"indécents" les propos de l’ancien président Abdoulaye Wade à l’endroit du président Macky Sall et a souhaité une attitude de mépris de ce dernier envers l'ancien chef de l’Etat.
"Nous encourageons le président de la République Macky Sall (…) à continuer à faire preuve de grandeur et à ne jamais répondre (…) aux propos indécents (...) de l’ancien président de République" Abdoulaye Wade, a dit Moussa Sarr de la Ligue démocratique (LD, majorité), lors d’un point de presse de Benno Bokk Yaakaar (BBY), coalition qui a porté Macky Sall au pouvoir.
Les porte-paroles des partis membres de BBY, qui ont animé la rencontre avec la presse, ont dénoncé les "violentes attaques de l'ancien président de la République M. Abdoulaye Wade contre son successeur Macky Sall".
Le guide religieux Cheikh Modou Kara Mbacké a lui aussi lors d’un point de presse déploré la sortie de M. Wade et pense que l’ancien président sénégalais, Abdou Diouf (1981-2000) et ex-secrétaire général de la Francophonie devrait jouer la médiation dans cette situation.
La Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) a mis en délibéré au 23 mars prochain le verdict du procès de Karim Wade. Ce dernier est poursuivi pour enrichissement illicite portant sur un patrimoine évalué par cette juridiction spéciale à 117 milliards de francs CFA, parmi d’autres délits présumés. F