Amnesty International a présenté hier, mercredi 25 février, son rapport annuel 2014 sur les violations des droits humains dans le monde. Le Sénégal est épinglé dans ce rapport avec les nombreuses exactions des forces de sécurité, les interdictions de marche qui sont monnaie courante et la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) qui sont cité comme des obstacles aux libertés des citoyens.
LES FORCES DE L’ORDRE, FOSSOYEURS DES DROITS HUMAINS
Les forces de l’ordre, censées défendre les libertés des citoyens, ont changé de rôles en portant atteinte aux droits des Sénégalais. Le constat est établi par le rapport 2014 d’Amnesty International, présenté au public, hier mercredi 25 février. En effet, dans le document, le recours «excessif» à la force, par ceux chargés de veiller sur l’intégrité des citoyens, inquiète Amnesty international. L’organisation de défense des droits de l’homme se dit outré par le décès de l’étudiant Bassirou Faye, tué par balle lors d’une manifestation estudiantine en août 2014. Une révolte qui a aussi occasionné la blessure de plusieurs autres étudiants.
Amnesty International, continuant dans sa dénonciation, affirme aussi qu’en septembre 2014, un détenu a été tué par un garde pénitentiaire dans la région de Kédougou. La liste est d’être exhaustive. Pis, en octobre de la même année, Bangali Kanté, un autre détenu est mort des œuvres d’un garde pénitentiaire à Tambacounda. A ces faits s’ajoute l’attitude des forces de l’ordre qui ont fait usage de balles réelles pour disperser une manifestation d’élèves en Casamance.
Amnesty International se dit également préoccupé par le décès de militaires et de sapeurs pompiers pendant des exercices de formation, des morts qui, sans nul doute, résulteraient de sévices corporels. L’impunité qui entoure les dossiers judicaires dans lesquels des forces de l’ordre sont impliqués n’est pas du goût de l’organisation non gouvernementale.
Amnesty International reconnait tout de même que des avancés ont été enregistrés notamment avec les enquêtes sur la mort de l’étudiant Bassirou Faye et d’autres actes de torture commis par les forces de sécurité. Malgré ces point positifs, le rejet de la recommandation de l’examen périodique universel demandant à l’Etat d’enquêter sur les cas de disparition forcée des civiles en Casamance plombe ces efforts de l’Etat en matière de droit humains, selon Amnesty international.
VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS : L’impunité, le «cancer» pour l’Afrique
«Les violations des droits humains sont les causes profondes des conflits», a estimé Alioune Tine. Pis déplore-t-il, «ces atteintes aux droits de l’homme sont concomitamment causées par les Etats au même titre que les rebelles». Alioune Tine d’ajouter, par ailleurs, que «des personnes sont arbitrairement en détention ou tuées par les forces de sécurité sans qu’aucune suite judicaires ne soient donnée aux affaires». Qualifiant l’impunité de «cancer pour le continent», Alioune s’insurge contre les systèmes judicaires des Etats africains, « les maillots les plus faibles des systèmes étatiques sont celles judiciaires », a-t-il dit. Et Steve Cockburn de renchérir: «les crimes et guerres qui coutent la vie à des milliers de personnes sont orchestrés par des chefs de bande qui agissent à leur guise sans aucune crainte».
POSSIBLE HAUSSE DES FOYERS DE TENSION DANS LA SOUS REGION : 2015, une année de risques pour les droits humains
Faisant la restitution d’une étude menée sur les conflits dans la sous région, le directeur régional adjoint d’Amnesty International, Stève Cockburn, a dit toute son inquiétude concernant les violations des droits humains qui résulteront des potentiels foyers de tension qui risquent de proliférer en 2015.
L’année 2015 risque d’être «catastrophique» pour les Etats africains. Cette crainte est du directeur régional adjoint d’Amnesty International, Steve Cockburn qui, hier mercredi 25 février, au lancement du rapport de son organisation, a restitué les résultats de l’étude menée sur les conflits dans la sous région. Steve Cockburn s’inquiète notamment de la réaction tardive des gouvernements face à des groupes terroristes tels que Boko Haram qui menace l’intégrité de beaucoup d’autres pays africains. A son avis, les autorités ne donnent pas aux terroristes une réponse à la hauteur de leurs attaques. Eu égards à ce fait, affirme-t-il, «si on ne développe pas de nouvelles approches, on risque d’avoir plus de civiles tués et de réfugiés en 2015». Steve Cockburn d’indiquer que «la nature des conflits a changé. Donc, il faut nécessairement une modification dans les approches». Ainsi souhaite-t-il, que des moyens nécessaires soient mis dans les réponses aux différentes crises qui sévissent dans la sous-région. Continuant dan la même logique, le directeur du bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest, Alioune Tine a ajouté que «des leçons doivent être tirées des conflits en 2014 pour que des corrections soient apportés. Il n’y a pas de lutte efficace contre le terrorisme».
INTERDICTION ET REPRESSION DE RASSEMBLEMENTS : Des atteintes à la liberté de réunion et de manifestation
Amnesty international estime que malgré les engagements pris devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, lors de l’examen périodique universel en mars 2014, le Sénégal continue de violer la liberté d’expression notamment celle relative à la liberté de rassemblement et de manifestation pacifique. Un droit qu’offre la constitution et les traités internationaux des droits humains qu’il a ratifiés. Selon Amnesty International, le gouvernement a interdit plusieurs manifestations initiées par des partis de l’opposition. Et pire, elles sont sévèrement réprimées.
Ces interdictions constituent, de l’avis de Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty International/Sénégal, la principale cause de troubles à l’ordre public. Cette «démocratie de stress», ne fait que causer des pertes humaines, renchérit Alioune Tine, le directeur du Bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre d’Amnesty International.
LES POINTS POSITIFS DU SENEGAL.
Le directeur exécutif d’Amnesty International/Sénégal, estime tout de même qu’il y a eu des avancées dans le respect des droits humains au Sénégal. Amnesty International salue ainsi, les efforts consentis en vue d’améliorer les conditions des détenus avec la construction prochaine d’une prison de 1500 places et d’une Ecole nationale de l’administration pénitentiaire à Sébikotane. L’Ong s’est aussi réjoui de la réforme judiciaire instituant des Chambres criminelles permanentes auprès des Cours d’appel. Une réforme qui vise à réduire les longues détentions préventives. Aussi a-t-elle approuvé la volonté de l’Etat à trouver une solution à la mendicité des enfants talibés à travers le projet de loi portant statut des daaras.
Seydi Gassama et ses collègues sont en phase également avec le projet de révision du Code minier qui constitue, à en croire le directeur exécutif d’Amnesty Sénégal, une avancée dans la protection des droits humains des communautés affectées par l’exploitation minière. La ratification du Traité sur le commerce des armes et la couverture maladie universelle sont des initiatives salutaires, relève Amnesty International.
SEYDI GASSAMA, DIRECTEUR EXECUTIF AMNESTY INTERNATIONAL : «La Crei doit être supprimée ou profondément réformée»
De l’avis du directeur exécutif d’Amnesty International, section Sénégal, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) doit être réformée. Mieux, elle doit être retirée de l’appareil judicaire.
«La Crei doit être supprimée ou être profondément réformée pour la conformer aux normes internationales de procès équitables». C’est en ces terme que le directeur exécutif d’Amnesty International, Seydi Gassama a décrié, hier mercredi 25 février, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), insistance judiciaire, qui à son avis, ne garantit pas un procès en phase avec les droits humains. Pour lui, «il faut poursuivre les gens dans le respect de leurs droits. Ces droits signifient permettre au prévenu d’avoir la possibilité de recours. Toutes les garanties doivent être données pour qu’on puisse avoir un procès équitable. Le droit à un procès équitable est un droit fondamental auquel ne peut déroger aucun Etat, quel que soient la nature et la gravité des charges retenues contre une personne». Seydi Gassama d’ajouter que même, les Chambres africaines extraordinaires (Cae) créées pour juger Hissene Habré, accusé de crimes jugés beaucoup plus graves que l’enrichissement illicite, offre des garanties de défense et le double degré de juridiction. La Crei est, trouve-t-il, est inutile car, «elle a été créée en 1981 et à cette date il n’était pas question de droits humains au Sénégal. Aujourd’hui, une telle Cour n’aurait jamais du être érigée au Sénégal. La réactiver, 30 ans après, sans avoir opérer des changements, est irraisonnable», affirme Seydi Gassama.