A l’orée de la mise en œuvre du Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence (Paquet) sous toutes ses formes, le ministre de l’Education nationale enclenche une procédure de nominations tous azimuts d’intendants dans les lycées, notamment à Kaolack. Serigne Mbaye Thiam qui avait renvoyé ses deux plus proches collaborateurs mouillés dans l’affaire de la fraude du Concours de recrutement des élèves maitres (Crem), vient de les nommer intendants. Babacar Thiam (ex chef de cabinet) a été affecté au lycée Valdiodio Ndiaye de Kaolack comme intendant. Pape L. Mbaye, ex attaché de cabinet aurait été planqué dans un lycée de Dakar aussi comme intendant. Sans oublier la nomination jugé «arbitraire» de certains enseignants aux postes d’intendants dans les lycées du département de Linguère, dénoncée par la section Sudes de la même ville. Au-delà de ces nominations, Serigne Mbaye Thiam est aussi allé contre les dispositifs de l’organisation du concours d’entrée dans les Centres régionaux de formation du personnel enseignant (Crfpe). Le Grand Cadre des syndicats d’enseignants souligne que ne peuvent faire la formation dans les Crfpe que ceux qui ont réussi le concours, rappelant ainsi l’affaire des 23 animateurs polyvalents à Thiès.
L’affaire qui avait éclaboussé l’actualité du secteur éducatif relative au Concours de recrutement des élèves maitres refait surface avec la nomination des personnes concernées au premier chef de la fraude qui annule la formation de 690 élèves maitres dans les Centres régionaux de formation des personnels de l’Education (Crfpe).
En effet, Babacar Thiam (chef de cabinet) viré par le ministre a été nommé par ce dernier au poste d’intendant au lycée Valdiodio Ndiaye de Kaolack.
Son ex attaché de cabinet, Pape L. Mbaye, aurait été lui aussi nommé intendant dans un lycée de Dakar.
Si l’affaire de fraude a été bouclée par l’ouverture d’un nouveau recrutement (2 300 élèves maitres) sur fond de nouvelles dispositions, il n’en demeure pas moins que le ministre a jugé bon de verrouiller ses deux «ouailles».
Mouillés jusqu’au cou dans la fraude des élèves maitres après dénonciation de certains candidats, dont les admissions ont été annulées à la découverte de la fraude, les deux responsables politiques socialistes ont été promus dans les lycées où ils seront chargés de la gestion des ressources matérielles et financières.
Au-delà de leurs salaires de base, ils perçoivent, en plus d’un logement de fonction, une indemnité qui envoisinerait, selon une source, les 67 500FCfa tous les mois, plus que le directeur qui perçoit 65.000F Cfa.
Le budget des deux lycées de septième catégorie réunis est évalué à coût de millions FCfa, persiste notre interlocuteur.
« Je n’ai pas encore vu l’ordre de service Pape L. Mbaye. Il a été remis à la disposition de la Drh. C’est le cas de Alassane Mbengue supposé être le cerveau au niveau de la direction des examens et concours, a reçu aujourd’hui (hier, Ndlr) son ordre de service pour être affecté à l’académie de Dakar », peste la directrice des ressources humaines.
Autre intendant nommée au lycée de Nioro est l’ancien directeur de l’école Medina Sabakh, Mamadou Mboup qui se trouve être le cousin de l’ex-attaché de cabinet du ministre.
YAKHYA GUEYE NOMME INTENDANT AVANT L’OBTENTION DE SON CAP
La nomination de Yakhya Guèye comme intendant au lycée Ibrahima Diouf de Kaolack avant même l’obtention de son Certificat d’aptitudes pédagogiques (Cap) a été une nomination de trop. Selon une source proche du dossier, «M. Guèye a passé le Cap après sa nomination par l’organisation d’une session. Ce qui est une incohérence totale qui va à l’encontre des dispositifs pour la nomination de ces postes. Le poste intendant dans un lycée nécessite l’obtention d’un Certificat d’aptitudes pédagogiques (Cap), un diplôme en finances ou en gestion».
Pour rappel, la nomination des intendants dans le département de Linguère avait créé un tollé chez les syndicats d’enseignants. Ils étaient montés au créneau pour dénoncer ces «nominations politiques» qui vont à l’encontre de la transparence déclinée dans le référentiel des politiques éducatives, le Paquet.
A l’époque, la section Sudes de la Linguère avait accusé le conseiller technique en Communication de Serigne Mbaye Thiam de «nomination arbitraire de certains enseignants aux postes d’intendants dans les lycées du département».
ARRETER LE «MASLA» ET LE «SUTURË»
Le ministre de l’Education et de la Formation avait lancé un appel salué par tous les acteurs du secteur éducatif lors de la deuxième journée des Assises de l’Education et de de la Formation (Aef). Faisant le tour des commissions pour suivre les débats portant sur le pacte de stabilité, il avait à l’époque déclaré ce qui suit : «tous les acteurs de l’éducation et de la formation doivent se remettre en cause, arrêter le «masla» et le «suturë» afin de bâtir un système éducatif inclusif de qualité».
Et Sérigne Mbaye Thiam de persister : «il faut procéder à un certain nombre de remises en cause que ça soit le gouvernement, les syndicats d’enseignants, les parents d’élèves. C’est ça qui nous permettra d’aboutir à des résultats à la hauteur de la somme injectée dans les assises».
L’AFFAIRE DES 23 ELEVES MAITRES RECRUTES SANS CONCOURS
L’accès à une formation dans les Crfpe passe nécessairement par le truchement du Concours de recrutement des élèves maitres (Crem).
Or, un tel dispositif a été foulé aux pieds avec l’admission de 23 candidats titulaires uniquement de baccalauréat, sur 553, pour suivre la formation.
Accusé de fraude par certains élèves-maîtres, Serigne Mbaye Thiam avait brandi une autorisation du Premier ministre, en plus d’être soutenu par la directrice de la case des Tout- Petits, Thérèse Faye, pour le choix des candidats.
«J’ai reçu une proposition d’affectation des 23 animateurs polyvalents de la directrice de la Case de tout petits. Ils ont été identifiés comme ayant le baccalauréat et une dizaine d’années d’expérience pour pouvoir être formés. Nous avons reçu l’autorisation de recrutement. Le Premier ministre de l’époque a répondu par un avis favorable à la demande de recrutement des animateurs polyvalents », explique la DRH par intérim, Khady Ndiaye Bèye.
Une allégation battue en brèche par le coordonnateur du Grand Cadre des syndicats d’enseignants qui regroupe, entre autres, le Sels/O, le Saemss-Cusems, le Cusems, le Cuse.
Mamadou Lamine Dianté estime que « les 68 instituteurs recrutés et affectés par décision 598 du 06 février 2015 posent problème ». Car, indique-t-il, « le ministre n’a pas pour vocation de recruter. C’est du ressort du département de la Fonction publique. Ensuite, les instituteurs recrutés et affectés sont issus de quelle école ? Ce n’est pas dans le public parce qu’on allait les entendre dès leur sortie de formation ».
Cette mesure a été prise à l’heure de l’application des nouveaux dispositifs par le ministre sur le Crem, afin d’éviter les cas de fraudes notés récemment. Selon M. Thiam, «il faut passer trois épreuves pour avoir les chances d’être admis pour la formation dans les Crfpe et donner du crédit à ce concours. Il s’agit de la présélection, de l’admissibilité et de l’entretien final».
«Après les épreuves du concours, la correction sera confiée à des professeurs. Une commission a été instituée. Au terme des épreuves, tout sera mis sous scellé et acheminé au niveau de la Division des examens du Ministère. Le Ministère fait tout pour parer aux cas de fraudes», avait expliqué le ministre.
UN MINISTÈRE SANS DRH
Poumon du ministère de l’Education nationale, la direction des Ressources humaines (Drh) fonctionne sans un titulaire. En effet, Ndèye Ndiaye Beye qui assurait l’intérim au niveau de cette direction stratégique devrait rejoindre dans les jours à venir le Bureau organisation et méthodes (Bom), ex-direction générale à la réforme de l’Etat et de l’assistance technique.
«J’ai vu un appel à la candidature dans les médias du Bureau organisation et méthode. J’ai postulé. On m’a présélectionné. Après test, je suis admise. Je dois partir. J’attends l’acte de la Fonction publique », affirme la DRH.
Pourtant son départ suscite moult interrogations au regard des enjeux de l’heure sur la gestion du personnel enseignant. Et ce, malgré l’installation du système informatique de gestion des ressources humaines connue sous le nom de Mirador, pour une gestion professionnelle et équitable des ressources humaines. En effet, la plateforme Mirador ne fonctionnant pas correctement, provoque des difficultés énormes pour les enseignants. Une situation qui n’a d’ailleurs pas manqué d’attirer l’attention des syndicats d’enseignants.
Omar Waly Zoumarou, coordonnateur du Cadre unitaire des syndicats d’enseignants (Cuse) précise que la «plateforme pose un problème de connexion à Dakar dans sa phase test pour permettre aux enseignants d’exprimer en ligne leurs vœux de réaffections».
GRAND CADRE DES SYNDICATS D’ENSEIGNANTS : «Scandale et gestion népotique»
Le Grand cadre des syndicats d’enseignants considère que la nomination de l’ex-chef de cabinet au poste d’intendant au lycée Valdiodio Ndiaye de Kaolack est un «scandale sur fond d’une gestion népotique» de la part des autorités en charge de l’Education nationale. C’est le vice-coordonnateur du Grand cadre qui regroupe le Cuse, le Saemss-Cusems, le Cusems, le Sels/O, Omar Waly Zoumarou, qui l’a fait savoir.
Il explique que la fraude sur le Concours de recrutement des élèves maitres a des «relents de non-dits. Il y’avait une précipitation dans la désignation des coupables».
Pour lui, «cela pose problème dans la mesure où un enseignant qui était sanctionné et quelques temps, on le nomme intendant dans un lycée. On ne peut pas sanctionner pour fraude quelqu’un et l’affecter à un poste où on gère les deniers publics».
Estimant que les collaborateurs du ministre ont été épinglés dans une affaire de fraude, Omar Waly Zoumarou a relevé que « l’Intendant d’un lycée est appelé à gérer les ressources matérielles et financières de l’établissement qui, en cas de manquements, peut détériorer sur le rendement des élèves et le fonctionnement de l’établissement».
Toutefois, il réfute sans ambages «la présomption d’innocence dans cette nomination dans la mesure où elle fait croupir certains dans les prisons. Il y a là du deux poids, deux mesures. Nous sommes dans un Sénégal des paradoxes».
«J’aurais pu comprendre que l’autorité affecte ce dernier à un poste où il ne gère plus de l’argent public ou une responsabilité qui puisse compromettre la gestion des ressources financières», fait-il remarquer.
LYCEE BLAISE DIAGNE : L’intendant accusé d’un détournement de 26 millions FCfa en 2009
Le poste d‘intendant est la porte ouverte aux détournements, comme en atteste cette affaire qui avait éclaboussé le lycée Blaise Diagne en 2009. Le comité de gestion de crise a relevé des manquements graves dans la gestion des fonds du lycée. En effet, l’intendant a été accusé d’un détournement estimé à 26.452.000 francs Cfa.
En plus «des surfacturations» dans l’exécution des travaux réalisés au sein du lycée et à des «achats fictifs», l’intendant avait déclaré avoir réparé une photocopieuse à 350.000 FCfa, révélait le quotidien national, Le Soleil.
Avant de poursuivre en donnant la parole à M. Diop : «l’intendant a déclaré avoir acheté des chaises facturées à 20.000 francs l’unité dont nous n’avons pas reçu livraison jusqu’à présent. S’y ajoute la construction d’un mur de clôture qui aurait coûté 7 millions de francs».