450 travailleurs risquent de se retrouver en chômage si rien n’est fait pour sauver la Suneor et empêcher le repreneur Abass Jaber de procéder à la vente des usines de kaolack et Ziguinchor. Déjà que les signaux sont au rouge avec le non-reversement des cotisations sociales, le non-paiement des créances dues aux prestataires, aux compagnies d’assurance et aux banques, les employés tirent la sonnette d’alarme et menacent d’ester en justice contre Abass Jaber.
Les travailleurs de la Suneor sont sur le pied de guerre. Alertés par le directeur des ressources humaines de l’entreprise sur les décisions de vendre la Suneor Kaolack et Ziguinchor à Sofiproteol, les syndicalistes ont battu le rappel des troupes pour barrer la route à Jaber. Ils accusent ce dernier de vouloir «balkaniser la Suneor, en vendant une partie de l’entreprise. Depuis quelques jours, on nous parle de l’éventualité de la balkanisation de la Suneor. Cette balkanisation ne mènera à rien. Jaber l’avait refusée en son temps et il veut l’accepter aujourd’hui».
En Assemblée générale hier dans les locaux de l’usine de Diourbel, Thiembaye Ndiaye, le secrétaire général de la Cnts-Fc de la région de Diourbel, par ailleurs membre de l’intersyndicale, demande que «Abass Jaber soit traduit en justice parce que ce qu’il a fait relève de la délinquance financière. Il est passible de la prison. C’est une personne qui n’a respecté aucun des engagements qu’il avait pris au moment où l’entreprise lui a été rétrocédée».
Les travailleurs de la Suneor, qui détiennent 9,14% des actions de l’entreprise, par le truchement de la Société de participation et d’investissement (Spi), comptent ester en justice contre Jaber pour que leurs «droits soient respectés». De l’avis du syndicaliste, devant ses camarades, «Abass Jaber avait presque obtenu la Suneor au franc symbolique. L’entreprise lui a été rétrocédée à 5 milliards et l’Etat avait dédommagé les travailleurs qui avaient opté pour le départ volontaire à hauteur de 4 milliards. Il a tiré profit de cette privatisation, dès lors que le patrimoine foncier de Dakar est estimé à environ 100 milliards et les 240 logements de la cité ouvrière de Diourbel à 500 millions».
Pour ces travailleurs, il est temps que les pouvoirs publics se penchent sur la société qui risque de couler si rien n’est fait. Selon Thiembaye Ndiaye, «l’entreprise est débitrice de 15 milliards de nos francs. Jaber doit reverser 1 milliard de francs de cotisations sociales à l’Ipres et à la Caisse de sécurité sociale, à la Sonam et Amsa 415 millions, etc. C’est pourquoi, le combat est individuel et collectif à la fois. L’heure est grave. Les femmes ne perçoivent plus les allocations familiales».
Pour gagner le bras de fer avec leur employeur, les syndicalistes ont décidé d’un «arrêt de travail de 3 jours. Ainsi, toutes les réceptions de graines ont été bloquées». Les travailleurs qui vont entamer une visite d’information et de sensibilisation auprès des autorités religieuses et autres leaders d’opinion pensent que «cette option pourrait aider et amener le chef de l’Etat à les recevoir».
D’ailleurs, pour amener le président de la République à se pencher sur la situation de la Suneor, les syndicalistes avaient rallié Ziguinchor. Pendant deux jours, renseigne une source, «nous avons fait le pied de grue jusqu’à des heures tardives, mais nous n’avons pas été reçus. C’était une occasion de dire au Président que le bateau Suneor risque de couler si rien n’est fait».
Samuel Ndour, Sg du Syndicat national des industries de corps gras et activités similaires : «Nous voulons qu’il vende les cinq usines»
Les travailleurs de Suneor ne veulent pas de la vente des usines de Kaolack et Ziguinchor. Ils sont en grève depuis hier et ce, pour trois jours afin d’empêcher au Conseil d’administration d’entériner cette décision de l’actionnaire majoritaire, Abass Jabber. Ce denier a convoqué une réunion pour demain, alors que cela n’a pas été fait depuis plus d’un an, signale le secrétaire général du Syndicat national des industries de corps gras et activités similaires, contacté par téléphone. Il dénonce «la balkanisation» que veut faire l’actionnaire principal de cette société. «Nous voulons qu’il vende les cinq usines. Nous avons toujours refusé la balkanisation», explique Samuel Ndour.
D’après lui, les usines sont interdépendantes et les travailleurs circulent entre les cinq implantées à Dakar, Diourbel, Kaolack, Louga et Ziguinchor. Très remonté contre Abass Jabber, il réclame son départ de la société. Adjudicataire de la privatisation de Suneor, M. Jabber avait exigé que les cinq usines lui soient vendues ensemble, a rappelé le syndicaliste. Il détient, d’après M. Ndour, 80% du capital, mais a «mis la société à genoux». «Si on le laisse faire, il n’y aura plus d’emplois», déclare-t-il. La vente de ces deux usines est un «danger pour nos emplois et pour la filière arachidière en général». Il alerte sur l’urgence de prendre en charge la question de la survie de ce «soutien du monde rural».