Macky Sall désenclave la Casamance. Mais les options qu’il a mises en œuvre pour ce désenclavement sont sujettes à réflexion. Plutôt que de miser sur une réhabilitation complète de la voie de contournement qui traverse Kaolack, Tambacounda et Vélingara pour Ziguinchor, les autorités ont choisi de renforcer leurs liens avec la lunatique Gambie de Yahya Jammeh.
L’espoir se lève au Sud. Entre inaugurations et réalisations (électoralistes ?), Macky Sall, qui préside le Conseil des ministres décentralisé à Sédhiou mercredi, a offert une belle semaine aux populations de la Casamance qui sont restées longtemps confinées dans un enclavement. Cette situation avait même rogné certains cadres qui l’ont assimilée à une indifférence, alors que la région est déchirée pendant plus de 30 ans par une rébellion indépendantiste qui a plongé la zone dans le chaos total.
Aujourd’hui, Macky Sall semble tenir ses promesses. Il avait annoncé que la Casamance sera le laboratoire du Plan Sénégal émergent (Pse). A écouter parler le Président Sall qui étrenne de nouvelles infrastructures routières et ferroviaires, le désenclavement de la Casamance ne serait plus qu’un vieux souvenir. Profitant de sa tournée économique entamée dans la région sud depuis le milieu de la semaine dernière, Macky Sall y a déroulé une véritable offensive de charme dont le point d’orgue reste le désenclavement de la zone. Ces derniers jours, les annonces se sont succédé dans la bouche du Président, toutes plus alléchantes les unes que les autres. Un de ses premiers actes à son arrivée à Ziguinchor a été de réceptionner les deux navires Aguène et Diambogne, trait d’union entre Dakar et la capitale du Sud, Ziguinchor. Selon Macky Sall, «ces deux navires participent aux efforts de désenclavement de la région naturelle de Casamance et offrent une desserte plus en profondeur des terroirs sud de notre pays». Sans doute boosté par l’enthousiasme des populations, le Président est allé plus loin dans sa générosité en annonçant une subvention de 50% sur le prix des billets à bord de ces navires. Une subvention qui ne concerne d’ailleurs que les places de la classe économique qui seront vendues à 5 000 francs en lieu et place des 10 mille francs prévus.
Il est vrai que cela permettra aux populations de faire prospérer leur business presqu’en arrêt depuis 13 ans. Ces deux navires vont compenser un vide laissé par le Joola qui était aussi un bateau commercial avant qu’il ne sombre dans les profondeurs de l’Atlantique. Aline Sitoé Diatta, qui assure la desserte, avait de faibles capacités de fret, n’arrangeait pas les commerçants qui étaient contraints de recourir à d’autres moyens de transport pour rallier la capitale.
Malgré les tracasseries du bac et de longs détours, la route constitue un recours plein de périls. Le dernier acte de cette trilogie de charme en direction de la région sud reste la pose de la première pierre du pont sur le fleuve Gambie par le Premier ministre du Sénégal, Mohammad Boun Abdallah Dionne. Un pont dont la couleur avait fini de virer au rose tellement les nombreuses attentes de la partie sénégalaise ont fini en eau de boudin. Cela constituera une bouffée d’oxygène. Mais il faudra un jour supporter les humeurs de Yahya Jammeh qui ne respecte les règles de bon voisinage que selon ses intérêts du moment.
Même si l’objectif visé par tous ces efforts est totalement noble, les moyens employés invitent à la réflexion. En effet, l’on peut se demander s’il n’existait pas d’autres options plus rassurantes. Les transporteurs, le président du Syndicat des transporteurs routiers, Gora Khouma, en tête, ont toujours demandé aux autorités de mettre l’accent sur la route de contournement. Une façon plus flegmatique d’envisager les sautes d’humeur du dictateur gambien, toujours prompt à faire bloquer le bac de Fafarafégné au gré de ses humeurs. En effet, périodiquement, les voyageurs en partance vers le Sud du pays sont contraints de subir les lubies des douaniers et policiers gambiens si ce ne sont pas les autorités elles-mêmes qui font la preuve de leur mauvaise volonté.
Renforcement de la coopération avec la Gambie
Devant ces cas de figures, n’aurait-il pas été plus bénéfique pour le Sénégal de marquer son indépendance vis-à-vis du territoire gambien ? Une option qu’auraient privilégiée les transporteurs sénégalais, à savoir la réhabilitation de la route de contournement qui traverse Kaolack, Tamba, Vélingara et Kolda pour arriver à Ziguinchor. Il faut dire que les Américains, à travers le Millenium challenge account (Mca), ont déjà pris la mesure de l’importance de cette dorsale et engagé la réhabilitation de la Rn6. La logique voudrait que l’Etat du Sénégal vienne en appoint et réhabilite l’axe en entier, surtout dans sa partie septentrionale sérieusement dégradée. Mais au contraire, les autorités ont visiblement décidé d’opter pour des solutions qui renforcent encore la dépendance du Sénégal vis-à-vis du voisin gambien.