Les avocats de Karim Wade exigent que la Cour suprême examine leurs recours. Ils estiment, par ailleurs, que 50 témoins n’ont pas été entendus car il y en avait 160 et non 97.
Le verdict du procès Karim Wade est attendu le 23 mars prochain. Ses avocats, qui ont boycotté les audiences, ont tenu un point de presse hier pour interpeller le Cour suprême sur leurs «dix recours» qui n’ont pas encore connu de suite. La défense de l’ancien ministre s’interroge ainsi sur le mutisme de la haute juridiction. Me Seydou Diagne indique que, depuis le 17 avril 2013, la défense a saisi la Cour suprême pour lui demander «si la Crei, à travers sa Commission d’instruction, peut placer Karim Wade en détention à la prison de Rebeuss». L’avocat énumère les autres recours : «Nous avons également formulé des requêtes sur le privilège de juridiction pour Karim Wade, sur la violation de ses droits entre autres. Depuis plus de deux ans, on fait comme si de rien n’était. Aujourd’hui, Karim Wade a dix recours devant la Cour suprême. Au même moment, la Crei continue sa marche vers la condamnation de (notre client)». Me Diagne et Cie demandent à la Cour suprême de programmer ces recours et de les juger ou de faire un communiqué pour expliquer aux Sénégalais et au monde entier. «Est-ce qu’il y aurait une main invisible qui empêche les juges d’examiner les réclamations de ce dernier ?», se demandent-ils. Dans ce sens d’ailleurs, Me Diagne informe qu’ils ont, depuis une semaine, adressé une lettre au premier président de la Cour suprême pour que ces recours soient examinés. Face à l’inertie de la Cour, la défense parle de justice «manifestement instrumentalisée». Les avocats du principal prévenu de l’affaire des biens supposés mal acquis ne lâchent pas l’administrateur de Dp World. «Sur l’arrêt de renvoi, on vous dit que Karim Wade a un enrichissement illicite de 117 milliards. Et la moitié serait à Singapour. C’est tellement fantaisiste, grave, ignominieux. Et nous avons porté plainte contre l’expert de la Crei qui était rémunéré à 200 ou 300 millions en deux mois pour chercher des preuves contre Karim Wade. Quelle est la main invisible qui fait pression pour que M. Alboury Ndao ne soit pas jugé sur l’histoire de Singapour, avant une décision de la Crei ?», insistent-ils.
«La Cour n’a pas entendu 50 (autres) témoins»
Sur la liste des témoins, M. El Hadji Amadou Sall et ses camarades ont rappelé que le juge, au début du procès, avait listé 97 témoins qui seraient entendus. «Immédiatement après, l’ensemble de la défense avait envoyé une liste de 160 témoins. Et, aujourd’hui, ils n’ont pas entendu 50 témoins. Eux-mêmes ont dit qu’ils avaient reçu des instructions de la Chancellerie pour terminer le procès, au maximum, dans un délai d’un mois. Aujourd’hui, rien que sur des questions plus simples, la Cour a mis en délibéré un mois, deux mois. Maintenant qu’il s’agit d’examiner la totalité des plaidoiries, on a un délai beaucoup plus court», constatent les avocats. Ils considèrent qu’avec cette «instrumentalisation évidente de la justice», la condamnation de Karim Wade a déjà été rédigée. Et comme Abdoulaye Wade l’avait dit lors du dernier meeting du Front patriotique pour la défense de la République (Fpdr, opposition), la défense embouche la même trompette : «Nous l’avons déjà dit au président. Henri Grégoire Diop a la condamnation de Karim Wade dans sa poche parce qu’il lui a dit : ‘’Vous pensez qu’à la fin du procès, vous rentrerez chez vous’’ ?» Me Diagne est convaincu qu’il est «impossible» pour l’Etat du Sénégal de prouver qu’il y a détournement de deniers publics pour la simple raison que dans les comptes de la Nation sénégalaise, «il ne manque pas un franc en général dans la gestion de l’ancien régime».
«Ce procès est une tragédie»
Me Amadou Sall, quant à lui, a déclaré que ce procès de Karim Wade est une «tragédie» qui se joue sous leurs yeux, avec des acteurs qui font du «théâtre». «Il y a eu beaucoup d’obstacles à la libre expression de Karim et de ses avocats au cours du procès. Donc, il y a la nécessité de parler directement aux citoyens sénégalais afin qu’ils se fassent une idée car ils détiennent aussi le monopole de la vérité», a-t-il dit. Me Sall ajoute que la Crei veut simplement en arriver à condamner Karim et l’empêcher de se présenter contre Macky Sall en 2017. «La Cour n’a apporté aucune preuve d’enrichissement illicite contre Karim Wade. On lui a attribué un patrimoine d’autrui. Il n’existe aucun document qui prouve que Karim Wade est propriétaire d’une maison ou d’un compte bancaire. Tout est basé sur des témoignages de gens qui disent même avoir été menacés. Karim Wade suscite de la crainte de la part de ceux qui exercent le pouvoir aujourd’hui», a-t-il soutenu. Selon Me Sall, le procureur spécial, qui a requis 7 ans de prison ferme et une amende de 250 milliards de FCfa contre l’ancien ministre, n’est intéressé que par une seule chose : que Karim soit privé de ses droits civiques.