Un projet d’habitat proposant un toit pour chaque adhérent, initié en 2006 par la Coopérative La Samaritaine, promettait la félicité parfaite aux souscripteurs chrétiens : Des cotisations raisonnables et une demeure conviviale. Sept années après, les premières levées sont aux antipodes des attentes : Frustrantes, pathétiques. Elles sont révélatrices d’une gestion calamiteuse de la coopérative, d’un amateurisme de mauvais aloi. Jusque-là, les adhérents ont gardé leur mal en patience, arrimés à leur foi avant qu’un audit portant sur des travaux de mise à jour des comptes de La Samaritaine de 2006 à 2012 ne vienne mettre feu aux poudres et en même temps la puce à l’oreille. Devant d’abord la stupéfaction et la colère ensuite grandissante des adhérents, Le Quotidien avait évoqué la question dans sa livraison du samedi 11 janvier. Ce n’était que le côté jardin. Le côté cour regorge d’invraisemblables révélations. Pratiques collusives, ententes suspectes, arnaques à grande échelle, amateurisme, gestion opaque, le cocktail est explosif.
Après l’article paru dans Le Quotidien du samedi 11 janvier 2014 parlant de la gestion de certaines structures de l’Eglise, des langues se sont déliées. A l’Ong La Samaritaine, le mal est beaucoup plus profond qu’on ne le pensait. Car c’est un voile noir qui enveloppe la gestion de l’équipe administrative dirigée par son responsable moral, André Tine. Après plusieurs années de cotisation, les adhérents au projet La Samaritaine tardent non seulement à voir l’apparition des maisons témoins, mais aussi à être édifiés sur la gestion de leurs sous. Le cabinet d’audit Fabi Consulte a mis à nu le fonctionnement peu catholique de cette Ong.
Le projet est génial. Et le nom qu’il porte ne l’est pas moins. La Samaritaine, puisse que c’est d’elle qu’il s’agit, est une idée tirée de l’image du Bon Samaritain qui a volé au secours de son prochain attaqué par des brigands qui l’ont battu et laissé presque pour mort. Inspirée de cette belle image du Nouveau Testament, l’Eglise catholique du Sénégal a voulu permettre aux fidèles chrétiens de disposer chacun d’un toit. D’où la mise en place du projet qui porte ce nom, «La Samaritaine». Cela a suscité un engouement chez les fidèles catholiques qui ont adhéré massivement au projet. Près de 5 100 personnes se sont inscrites au fichier après avoir versé de leurs économies afin de disposer d’un toit.
Le projet dont l’idée est partie des Parcelles Assainies avec les Pères Oblat devait bénéficier des fonds français pour la construction de logements sociaux. Ainsi, le coût de sa réalisation était estimé à 10 milliards de francs. Les démarches entreprises depuis sa genèse ont amené aussi les responsables de cette Ong à s’approcher de la structure Ofbd qui était chargée de trouver la somme de 2 milliards de francs pour le démarrage des travaux. Seuls 35 millions ont été octroyés pour le moment à la coopérative La Samaritaine. Mais il se trouve que cette structure de l’Eglise, qui cherche à aider les fidèles à avoir une maison, souffre d’une mal gestion. Et tous les doigts sont pointés vers André Tine, le responsable moral de l’Ong et quelques membres de son équipe considérés comme «les mauvais samaritains». Au lieu de rendre service aux fidèles chrétiens, ils se sont rendu service avec à la clé une gestion peu vertueuse.
D’ailleurs, certains disent que André Tine pense que La Samaritaine est sa propriété. Il n’en fait qu’à sa tête en menant une gestion solitaire. Il a eu à prêter de l’argent à des gens. Parmi ceux-ci, Patrick Mendy a une dette envers la coopérative d’un montant de 100 000 francs acquis le 13 décembre 2013. En tant qu’ancien membre et personne morale de la coopérative, le directeur en personne n’a pas cotisé plus de 18 000 francs. Selon notre source, il n’est pas le seul dans cette situation. Et c’est dans ces conditions pas du tout catholiques qu’on voudrait attribuer après des maisons à des gens qui n’ont pas versé un seul rond depuis 2006, déplore notre informateur. Ceux qui se sont ceints les reins à l’image de Justin Gomis qui a versé deux millions de francs, son frère Maurice Gomis 7 millions et des ménagères qui ont donné par certaines plus d’un million de francs, s’impatientent de voir sortir de terre les maisons témoins.
Gratifications
Le comité d’administration s’est aussi illustré par des décaissements tous azimuts. André Tine et son équipe, à la place des indemnités de logement, percevaient des salaires qui varient entre 20 000 francs et 75 000 francs faisant un total de 370 000 francs au mois de janvier 2007. Ils ont procédé de la sorte depuis décembre 2007 jusqu’à décembre 2013. Alors que les statuts de la coopérative sont à titre bénévole. C’est-à-dire que l’office des membres du comité d’administration est gratuit. D’ailleurs, les textes stipulent que «sauf dispositions contraires, les fonctions d’administrateur sont gratuits, même pour celui d’entre eux qui sera appelé à assumer les fonctions de président. Toutefois, les conseillers peuvent prétendre au remboursement des frais occasionnés par l’exercice de leurs fonctions». Ils percevaient en plus des gratifications variant entre 53 000 et 163 000 francs Cfa. Et rien que pour le mois de janvier 2012, ils ont perçu au total 1 027 900 francs. Ce qu’ils ont aussi eu à faire pendant plusieurs années.
Le premier décaissement est à 35 millions. Mais ce chiffre a connu une évolution pour atteindre la somme de 77 millions. A cela s’ajoutent les divers encaissements de chèques et des dépenses effectuées sans justificatif et sans consultation des membres du Conseil d’administration. Ces agissements sont à l’actif de Victor Sébastien Ngom qui a retiré plusieurs chèques pour un montant total de 19,5 millions. Une autre plainte a été déposée par Pierre Ndour, professeur d’anglais au Cours Sainte Marie de Hann contre Victor Sébastien Ngom.
La décision de délocaliser le siège est prise sans consultation du Conseil d’administration. De même, dit-on, l’équipe dirigeante a aussi procédé à la suppression du téléphone de l’Ong. C’est suite à ces multiples malversations et ces comportements peu orthodoxes que le 2e vice président, Pierre Ndour, par ailleurs coordonnateur du projet à Keur Massar, a décidé de porter plainte contre André Tine et ses acolytes. «Ils ont cherché à nous mettre de leur côté pour les défendre, mais nous avons refusé», révèle M. Ndour, qui ajoute ne pas vouloir aller en prison. Et c’est pourquoi, après avoir demandé à M. Tavarez de lui fournir les documents, objets de la malversation, il en a informé le Conseil d’administration, puis a porté plainte. C’est ainsi parti pour la chasse aux sorcières. Le directeur envisage de licencier M. Tavarez, le directeur administratif et financier, Mme Odile Niang, chargée de recouvrement des adhésions et Marie Nicolas Cabou, chargée des archives.