Les plaidoiries dans le cadre du procès d’enrichissement illicite opposant Karim Wade et co-prévenus à l’Etat du Sénégal, se sont poursuivies hier, mercredi 18 février, devant la CREI. A la suite des avocats de la partie civile et du parquet spécial, les avocats de Mbaye Ndiaye, ancien Directeur des Aéroports du Sénégal (Ads) qui avaient boycotté l’audience par solidarité de ceux de Karim qui avaient décidé de bouder le procès, ont ouvert le ballet des plaidoiries de la défense. Devant la cour, Mes Michel Basse et Borso Pouye ont, respectivement réfuté les faits de complicités d’enrichissement illicite de Karim Wade reprochés à leur client. Estimant que Mbaye Ndiaye est innocent et ne peut en aucune manière être condamné pour complicité d’enrichissement illicite. Ils ont ainsi plaidé pour sa relaxe pure et simple.
Premier à prendre la parole, Me Michel Simel Basse a indiqué que son client n’est pas pénalement responsable du délit de complicité d’enrichissement illicite puisqu’il ne savait pas qui était derrière la société Daport qui encaissait chaque mois la somme de 25000 euro pour ses prestations à l’aéroport Léopold Sedar Senghor. S’adressant à la cour, Me Basse indique qu’il n’est pas là pour apporter une contradiction comme s’y attend le procureur spécial adjoint, mais plutôt apporter une contribution. «Mbaye Ndiaye n’a pas touché une miche de pain pour reprendre la métaphore de Me Bitéye de la partie civile. Il ne peut pas faire partie d’une bande organisée. Il n’a pas été aux cours Sainte Marie de Hann. Il n’a pas de compte bancaire à Monaco, ni aux Iles Vierges Britanniques. Mbaye Ndiaye est dans le système aéroportuaire depuis 40 ans, il n’a jamais été incriminé par les corps de contrôle de l’Etat. C’est un fonctionnaire de l’Etat qui est à la retraite».
Poursuivant sa plaidoirie, Me Basse déplore également l’absence de preuve matérielle attestant la culpabilité de son client dans le dossier. Selon lui, le parquet spécial n’a pas réuni tout ce qu’il faut comme preuve pour déclarer M. Mbaye Ndiaye coupable de complicité dans ce procès. «Mbaye Ndiaye ne savait pas que c’est Karim Wade qui était derrière Daport, société qui encaissait chaque mois la somme de 25000 euros pour ses prestations à l’aéroport Léopold Sedar Senghor. Pour qu’il ait un délit de complicité, il faut qu’il ait un élément intentionnel et cet élément fait défaut. Mbaye Ndiaye ordonnait des paiements sur la base d’une convention dument signée et validée par son ministère de tutelle», plaide-t-il non sans informer par ailleurs que les relations entre Mbaye Ndiaye et Karim Wade n’étaient pas des meilleurs.
Embouchant la même trompette, Me Borso Pouye estime pour sa part que «toute la procédure concernant Mbaye Ndiaye est nulle et nul effet». «Tout ce que le Procureur spécial a dit concernant Mbaye Ndiaye dans ce dossier, c’est du vent. Car, lorsqu’on a décidé de remplacer Ads par Daport, Mbaye Ndiaye a été le seul à être écarté par ses supérieurs d’époque. Il n’était plus invité lors des rencontres qui concernent pourtant directement sa direction. On ne peut, absolument lui reprocher quoique ce soit dans ce dossier». Selon elle, aucun acte n’a été posé à l’encontre de son client. «Tout est dit de manière exagéré dans ce dossier. Karim Wade n’est pas traduit devant cette cour parce qu’il est fils de l’ancien président de la République mais pour des faits d’enrichissement illicite. On parle de tout sauf des actes ou faits pour lesquels Mbaye Ndiaye est poursuivi. On parle de camarades de classe, des Cours sainte Marie de Hann alors que Mbaye Ndiaye n’a jamais fréquenté cet établissement scolaire. On parle de relations qui ont commencé ici Dakar jusqu’à Shanghai au moment où Mbaye Ndiaye est là», martèle-t-elle. Pour rappel, Mbaye Ndiaye est poursuivi pour complicité d’enrichissement illicite.
Rappelons que lors de sa plaidoirie le mardi dernier, le parquet spécial a demandé qu’il soit maintenu dans les liens de la détention et a requis une peine de 4 ans de prison avec 250 milliards de Francs Cfa.
ME BORSO POUYE DEMONTE LES AVOCATS DE LA PARTIE CIVILE
S’exprimant à la suite de son collègue, Me Basse, Me Borso Pouye a fustigé la façon de faire de ses collègues de la partie civile. «Depuis avant-hier, on a tout dit sauf le droit. Monsieur le Président, j’ai vu qu’on vous faisait des éloges qui n’ont rien à ravir de ceux de Mbaye Pekh. La justice, ce ne sont pas de flatteries, ce ne sont pas les flagorneries. Ça volait bas. On est resté calme, car notre heure allait arriver. Elle est arrivée maintenant».
Outre ces remarques à l’endroit de la partie civile, Me Borso a également fustigé certaines déclarations outrageantes. «Vous avez dit à Mbaye Ndiaye qu’il a gaspillé et gardé l’argent du Sénégal. Je vous défie d’en apporter les preuves. Vous vous êtes comporté de manière incorrecte avec Mbaye Ndiaye, alors qui lui, il ne l’a pas été envers vous». Pour finir, l’avocate, fustigeant la constitution de l’Etat du Sénégal en partie civile dans ce procès, a attiré l’attention de la Cour sur la synchronisation qu’il y avait entre la partie civile et le parquet spécial. Selon elle, les 250 milliards d’amendes demandés à chaque prévenu est une violation des dispositions du code pénal. Elle a ainsi demandé à la cour de retenir pour l’Etat du Sénégal le franc symbolique.
LES AVOCATS PIERRE AGBOBA PLAIDENT LA RELAXE PURE ET SIMPLE DE LEUR CLIENT
Invité à prendre la parole à la suite de leurs collègues assurant la défense de Mbaye Ndiaye, les avocats Pierre Agboba ont plaidé la relaxe pure et simplement et le rejet de toutes les autres charges qui pèsent sur leur client. Devant la barre de la Cour de répression de l’enrichissement illicite hier, Mes Théodore et son confrère du barreau de Bénin, Cyrille ont assuré que leur client ne peut être poursuivi pour un délit de complicité d’enrichissement illicite. Selon eux, le témoignage d’Ely Manel Diop, ex-Dg de la société Shs à l’origine de la mise en cause de Pierre Agboba dans ce dossier, ne fournit aucune preuve matérielle attestant l’existence d’une connexion entre Pierre Agboba et Karim Wade. Parlant de ce témoin, Me Théodore Zinclou n’a pas manqué de le qualifié de «président de l’économie de vérité». Selon lui, Ely Manel Diop s’est illustré par des incohérences dans ses déclarations devant les enquêteurs et la commission d’instruction de la Crei.
Ce témoin a dit tout sauf la vérité. Pour lui, si une lecture croisée des déclarations tenues par ce témoin avait été faite par le parquet spécial, son client ne serait pas là, devant cette cour.
Allant dans ce même sens, le bâtonnier du barreau de Bénin, Me Cyrille a déploré l’absence de confrontation entre Ely Manel diop et Pierre Agboba lors de l’enquête préliminaire. Selon lui, les faits de dissimilation l’identité des véritables propriétaires et bénéficiaires économiques de la société Ahs reprochée à Pierre Agboba sont infondés dans le sens où ce dernier n’était qu’un simple employé au moment où Ely Manel Diop assurait la direction de Ahs. Pour lui, Pierre Agboba ne pouvait pas savoir qui se cachait derrière cette société. «On ne peut parler de participation intentionnelle de Pierre Agboba dans le délit de complicité d’enrichissement illicite. Ce délit n’est pas prouvé par le parquet spécial. Aucune preuve n’a été rapportée contre Pierre Agboba. Il ne connaissait pas et n’a jamais entretenu la moindre relation professionnelle avec Karim Wade».
MBAYE NDIAYE : «KARIM A L’AGE DE MON FILS...»
Invité à faire des observations après les plaidoiries de ses avocats, Mbaye Ndiaye a tenu à apporter des précisions sur sa relation avec Wade fils et sur la déposition de Pape Diéry Séne. «Karim Wade a l’âge de mon fils. C’est vrai qu’il était le ministre et mon supérieur hiérarchique, mais si j’avais des choses à faire, j’allais le faire avec des gens de mon âge». Et de poursuivre au sujet de la déposition de Pape Diéry Séne, «je n’ai jamais montré de sms à Monsieur Pape Diéry Séne. Le ministère m’a demandé de la relever, je me suis rendu chez lui pour lui demander ce qui se passe. Ne voulant pas me le dire, il a répondu qu’il allait se défendre. C’est par la suite qu’il s’est mis à rédiger un rapport accablant sur moi et le ministère est revenu à la charge pour me demander de le relever de ses fonctions. Ce que je n’ai pas fait, car je l’ai affecté à Tambacouda».
ME SAMBA AMEDY DEMANDE LA FIN DES POURSUITES CONTRE ALIOUNE SAMBA DIASSE
Prenant la parole à la suite des avocats de Pierre Agboba, Me Samba Amedy a plaidé à son tour la relaxe pour son client. Devant la barre de la Crei, l’avocat, estimant qu’aucun lien direct ne peut être établi entre Karim Wade et Diassé, Me Samba Amedy qui marquait ainsi son retour devant la Crei après l’avoir boycotté, a invité la cour à relaxer purement et simplement mais aussi à ordonner la fin de l’administration provisoire de la société Abs Sa. «De tous les témoins qui se sont succédé devant la barre de cette cour, aucun d’entre eux n’a dit, qu’il a une fois vu Diassé s’entretenir avec Karim Wade ou soupçonné l’existence d’un lien entre les deux. Il est établi qu’il n’existe pas un lien direct entre Karim Wade et Diassé. Il n’y a aucun lien direct ni financier, encore moins physique entre les deux. Aucun flux financier n’a été retracé entre les comptes de la société de Diassé : Abs Sa et Karim Wade», dixit-il. Poursuivant sa plaidoirie, l’avocat ajoute que le nom de Karim n’est jamais cité dans la gestion des sociétés Abs Sa et Abs corporat. Selon lui, les avocats de la partie civile et le parquet spécial ne s’appuient sur aucune base pour dire que Karim Wade est le bénéficiaire économique des sociétés. «Je n’ai pas vu un acte matériel attestant que Diassé entretenait une relation avec Karim Wade comme le stipule le parquet spécial». Pour toutes ces raisons, il a plaidé la fin des poursuites contre son client. Invité à prendre la parole à la suite de son conseiller pour faire des observations, Alioune Samba Diassé a réaffirmé haut et fort son innocence. «Je suis innocent. Je n’ai rien fait. Je n’ai jamais rencontré Karim Wade. Je fais confiance à mon pays et à la justice de mon pays. Je suis malade c’est pour cela que je m’exprime difficilement. Je m’en remets à Dieu. Je n’ai jamais reçu un franc de Karim Wade. Je ne demande rien d’autre que le droit soit dit pour que je puisse aller me soigner».
LES CO-INCULPES DE KARIM DEMANDENT PLUS DE TEMPS POUR PREPARER LEUR DEFENSE
La journée d’hier est celle qui a enregistré le plus grand nombre de demande de renvoi. En effet, dès la reprise de l’audience par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) le matin, le juge Henri Grégoire Diop, a informé que le prévenu Ibrahim Abou Khalil dont les avocats observent le boycott avec ceux de Karim Wade avait demandé 48 heures pour préparer sa défense. Au finish, le juge lui a octroyé 24 heures pour lui permettre de s’entretenir avec ses avocats avant de se présenté ce jeudi matin. Ibrahim Abou Khalil est suivi respectivement comme Pierre Agbogba, Alioune Samba Diassé et Mamadou Pouye qui, pour les mêmes motifs ont adressé à la cour la même demande de report. Dans sa réponse, la cour a donné à Pierre Agbogba une dispense de quelques heures dans la matinée pour discuter avec ses conseillers. Ce fut le cas aussi pour Alioune Samba Diassé. Mamadou Pouye, est quant à lui autorisé à retourner dans sa cellule pour mieux se préparer pour la journée d’aujourd’hui.