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Art et Culture

Le Pr. Mamoussé Diagne présente ses trois ouvrages: De l’oralité: Noir sur blanc
Publié le jeudi 12 fevrier 2015  |  Sud Quotidien




C’est au Centre ouest-africain de recherche (WARC) que le Professeur de philosophie Mamoussé Diagne a présenté hier mardi 10 février, 3 ouvrages. Le premier, «Critique de la raison orale. Les pratiques discursives en Afrique noire», n’est pas vraiment un inconnu puisque c’est un extrait de la thèse de Doctorat qu’il a soutenue il y a une dizaine d’années. Les deux autres s’intitulent respectivement « De la philosophie et des philosophes en Afrique noire », et « Le Preux et le Sage L’Epopée du Kayor et autres textes wolof ». Ce dernier texte est le plus récent des trois, puisqu’il date de l’an dernier. On y trouve une série de récits épiques ainsi qu’une autre consacrée à des entretiens qui concernent des figures aussi emblématiques que celle de Kothie Barma.

Il y a une dizaine d’années, l’agrégé de philosophie Mamoussé Diagne soutenait une thèse de Doctorat d’Etat qu’il aura « laissé mijoter » dit-on pendant un peu plus d’un quart de siècle, parce qu’il serait «aussi «méticuleux» «qu’il aime prendre son temps ». De ses travaux de recherche il fera un livre, publié sous le titre «Critique de la raison orale. Les pratiques discursives en Afrique noire».

Dans l’après-midi d’hier mardi 10 février, il en présentait deux autres, au cours de la cérémonie qui s’est tenue dans les locaux du Centre ouest-africain de recherche (WARC). « De la philosophie et des philosophes en Afrique » est le titre d’un texte qui n’est pas si récent que cela, puisqu’il date lui aussi d’il y a près de 10 ans, mais il fallait encore se montrer patient, le temps d’accueillir «Le Preux et le Sage L’Epopée du Kayor et autres textes wolof» qui paraissait l’an dernier. Parce que, explique quelqu’un comme la spécialiste des littératures négro-africaines Lilyan Kesteloot, le texte précité est « le lieu de validation de certaines thèses de la Critique de la raison orale » qu’il illustre. Elle dit encore que si l’on a attendu si longtemps, c’est parce que les deux premiers textes avaient déjà « englouti tous les subsides », et que l’auteur tenait absolument à retrouver certains griots.

Le Pr. Amadou Ly qui enseigne les lettres modernes à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar dira s’être délecté de la manière dont Mamoussé Diagne enjambe allègrement les «barrières», se montrant aussi bien à l’aise en français qu’en wolof. Lui qui, dit-il encore, a lu Sartre et Kierkegaard, « sans prendre de haut Kothie Barma». Dans «Le Preux et le Sage L’Epopée du Kayor et autres textes wolof», il y a des actes fondateurs comme il y a des « armes guerrières miraculeuses ».

Sur la base d’un « corpus (plutôt) restreint selon Amadou Ly, fait de 4 récits épiques et de 4 entretiens concernant des personnages comme Kothie Barma. Et avec des textes de griots et des récits généalogiques qu’accompagnerait volontiers la kora ou le balafon (au cours de cette cérémonie, on ne s’en est pas privé), transcrits et traduits par Mamoussé Diagne du wolof au français, ce qui lui prendra un certain temps.

Lecture soupçonneuse

Dans sa «Critique de la raison orale. Les pratiques discursives en Afrique noire», qui est en fait un extrait de la thèse d’Etat qu’il a soutenue, Mamoussé Diagne, explique Lilyan Kesteloot en lectrice enthousiaste, s’intéresse à la manière dont fonctionne l’oralité dans un contexte comme celui du Sénégal, que l’on veuille parler d’épopées, de chants ou de dialogues. Avec pour corpus des textes transcrits ou des documents oraux laissés tels quels, et en mettant « à jour les procédures spécifiques à chaque genre : le rite initiatique, le mythe » etc. C’est sur cette base qu’il va recenser tous les matériaux qui construisent l’oralité : « l’usage des images, la métaphorisation, la symbolisation, le codage et le décodage », et le mode de transmission « dans une civilisation qui n’a pas d’écriture».

Et que c’est cette théorie qu’il applique à d’autres textes, histoire de la mettre en danger. La richesse de Mamoussé Diagne dit encore Lilyan Kesteloot, c’est qu’il ne craint pas de s’en prendre à un texte et de le violenter, loin d’une tranquille, rassurante et prévisible lecture, prenant ainsi plaisir à s’égarer entre les lignes labyrinthiques d’un décorticage soupçonneux. Mais il va plus loin, lorsqu’il jette les bases d’une « philosophie africaine que l’on n’a pas arrêté de chercher ».

Ce que dit aussi Abdoulaye Elimane Kane, lui aussi professeur de philosophie, c’est que Mamoussé Diagne est resté fidèle à l’esprit et à la méthode philosophique même en investissant le champ de la philosophie africaine, et quand bien même il étudie quelque chose d’aussi « particulier (que) les maximes, devinettes et autres récits historiques. Dans une civilisation de l’oralité où il faut sauver de l’oubli des documents non-écrits, quand on sait que comme il dit, «le temps est une menace». On retrouve encore chez Mamoussé Diagne, toujours selon Abdoulaye Elimane Kane, « toute une critique du fétichisme de l’écrit et de l’ostracisme dont l’oralité a fait l’objet »

Pour le Pr. Ibrahima Sow de l’Ifan, spécialiste de la philosophie africaine, les textes de Mamoussé Diagne dont il dit volontiers qu’il est un philosophe du soupçon « toujours en embuscade », sont entre « la belle littérature et l’essai philosophique », avec le don de la belle formule.
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