L’on s’approche de l’épilogue du procès de Karim Wade et compagnie. Après plus d’un semestre de débats d’audience avec les dépositions de témoins, la Cour a décidé de passer à la vitesse supérieure. Les plaidoiries commencent lundi prochain. Les prévenus, sans avocats depuis que ces derniers ont suspendu leur participation, ont trois jours pour peaufiner leur stratégie.
Le procès pour enrichissement illicite et corruption aborde son dernier virage. ‘‘Les débats sont clos. Nous allons procéder aux plaidoiries’’, a annoncé hier le juge Henri Grégoire Diop. Après la déposition expresse de l’administrateur provisoire de la société AN Média, ‘‘la Cour n’a pas jugé utile de recueillir la déposition des autres témoins pour la manifestation de la vérité’’, a poursuivi le président de la Cour. Exit donc l’instruction d’audience, les plaidoiries commencent lundi par celles des avocats de la partie civile.
Ces derniers, dans leurs observations, sont revenus sur leurs requêtes consistant à confronter certains témoins démentis par des dépositions ultérieures. Le substitut du procureur a abondé dans le même sens et s’est appesanti sur les nombreuses contradictions de l’expert financier et commissaire aux comptes de la société Ahs. ‘‘Pour ce qui est spécifiquement de Omar Samb, on tirera les conclusions de toutes ses dépositions contradictoires. A notre avis, les témoins ont produit des dépositions desquelles peuvent découler les conséquences de droit’’, a fait savoir le substitut du procureur, Antoine Félix Diome.
Les inculpés ont aussi exposé leurs observations au président de la Cour. La requête de liberté provisoire de Mamadou Pouye, en date du 23 janvier, a été examinée par la Cour. Le prévenu appelé à s’expliquer sur les motifs de cette demande s’est arrêté en pleine démonstration. ‘‘C’était tout simplement pour des raisons humanitaires. Ça fait un peu plus de 600 jours que je suis en prison. C’est dur, car tous les jours, il faut venir à la cour…. En fait, je renonce à expliquer’’, a-t-il déclaré. Avant qu’Henri Grégoire Diop ne donne finalement lecture complète de la lettre de l’accusé dans laquelle il argumente sur sa demande de mise en liberté provisoire.
Le procureur s’y est opposé. Pour lui, l’imminence de l’issue du procès fait que cette demande ne doit pas avoir une suite favorable : ‘‘L’instruction d’audience est terminée et le prévenu sera incessamment fixé sur son sort. C’est pour cela que nous nous opposons à sa demande’’, a déclaré Cheikh Tidiane Mara. Les avocats de la partie civile ont appuyé la requête du juge, par la voix de Me Yérim Thiam. Après une petite concertation avec les assesseurs, le président de la Cour a mis sa décision en délibéré pour lundi. D’autre part, la Cour a accordé trois jours (mercredi, jeudi, vendredi) à tous les coïnculpés, pour aller consulter à la CREI les extraits de plumitif qu’ils réclament pour asseoir leur défense.
Cheikh Tidiane Ndiaye : ‘‘C’est évident que c’est Karim Wade qui a acheté le matériel de AN Media’’
Hier, c’est dans l’après-midi que le journaliste Cheikh Tidiane Ndiaye a été entendu, dans une audience qui a battu des records de rapidité. Le témoignage de l’administrateur provisoire de la société An média, opératrice de Canal Info News et créée en 2006, a dévoilé la gestion de la chaîne de télé dirigée par Vieux Aïdara. ‘‘Il y a trop de choses qui montrent que l’argent ou les recettes de Canal Info allaient ailleurs. Nous étions la seule télé, à part la RTS, à disposer de 12 émetteurs. Ces derniers ont été utilisés par la 2Stv et pas une seule fois, elle n’a versé de redevances. On n’a pas pu faire un chiffre d’affaires de 126 à 130 millions, en 6 ans, alors que, pour la publicité par exemple, le principe était de payer cash’’, a soutenu le témoin.
Levant un coin du voile sur ‘‘la chaîne privée’’ attribuée par la Crei à Karim Wade, qu’il s’était jusque-là gardé de citer, le témoin a affirmé que la télévision d’El Hadji Ndiaye détient la station Fly, dans le partage ‘‘nébuleux’’ du matériel de Canal Info. D’autres sont dispersés entre une ONG et des agents de la télévision, alors que 4 caméras XDcam (17 millions l’unité), et deux stations montage demeurent introuvables. Évaluée par l’administrateur provisoire à ‘‘au minimum 1 milliard 200 millions’’, l’entreprise traîne pourtant un passif de deux milliards, selon le témoin. Au cœur du système, en tant qu’ancien Dg de la boîte, Cheikh Tidiane Ndiaye a révélé que le matériel était logé au centre commercial ‘‘4C’’. Vieux Aïdara a essayé de le liquider, avant le déclenchement de la procédure, par l’intermédiaire d’un certain Seydou Guindo. Le dispositif était composé d’un plateau studio, de la régie, du matériel de montage, de l’éclairage et du matériel de transmission dont une station satellite et une voiture satellite.
L’administrateur provisoire est formel sur la véritable identité de l’acquéreur de ce matériel de télévision : ‘‘Pour moi, c’est évident que c’est Karim Wade qui a acheté ce matériel, car ni moi ni Vieux Aïdara n’en avions les moyens’’, a-t-il déclaré. Une déclaration sans preuves qui contraste d’avec sa certitude sur la planque de Vieux Aïdara. ‘‘Il est à Paris. J’ai des amis communs qui le rencontrent fréquemment dans la capitale française. Mais je n’ai pas de ses nouvelles ’’, a-t-il dit.