Premier rempart dans la protection de nos frontières, l’armée nationale assure jusqu’ici une efficacité sur tous ses théâtres d’opération. Il n’empêche qu’elle est encore tributaire d’un manque de moyens humains et matériels. En réalité, certains équipements font cruellement défaut, lorsqu’ils ne sont pas tout simplement obsolètes ou hors d’usage en plus du nombre insuffisant des effectifs. Cependant des efforts sont en train d’être faits. La preuve : le Sénégal prévoit aussi d'acheter deux avions de transport CN235 du producteur indonésien DQAP pour transport de VIP et de fret.
Alors que les agressions et conflits entre pays africains étaient tant redoutés parce que considérés comme étant les grands dangers contre la sécurité du continent, ils ont été supplantés par le terrorisme qui représente aujourd'hui la menace la plus sérieuse, surtout en Afrique de l’Ouest, particulièrement dans sa bande sahélo-saharienne et dans les pays voisins du Mali et de la Mauritanie. Le Sénégal tente de faire face à cette menace de nature complexe, transnationale, sournoise et évolutive en multipliant les mesures préventives. Ces efforts sont également accompagnés d’une coopération régionale quelque peu laborieuse et poussive. Cette donne pose plusieurs problèmes à la fois, surtout que les puissances occidentales appellent à l’appropriation par les Etats africains de leur propre sécurité, comme l'a déclaré le ministre français de la Défense, Jeans Yves Le Drian, lors du dernier forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique.
En effet, le Sénégal est l’un des Etats africains qui a le plus bénéficié de la coopération extérieure et les résultats obtenus incitent à parler d’un syncrétisme positif des différentes influences. Néanmoins, comme les partenaires étrangers n’ont pas tous les mêmes priorités, le système sécuritaire sénégalais risque de souffrir de ce manque d’uniformité dans le contexte actuel. Car si l’Armée, premier rempart dans la protection de nos frontières, assure jusqu’ici une efficacité sur tous ses théâtres d’opération, elle est encore tributaire d’un manque de moyens humains et matériels. Certains équipements font cruellement défaut, lorsqu’ils ne sont pas tout simplement obsolètes ou hors d’usage en plus du nombre insuffisant des effectifs. Ce qui risque de compromettre les efforts consacrés à l’amélioration de son travail.
Une Armée sur plusieurs fronts avec un troisième budget en Afrique de l’Ouest francophone
En dehors de la sécurisation des frontières et du territoire national, une caractéristique majeure des Forces Armées sénégalaises est leur participation depuis le début des années 60 aux missions de paix, qu’elles soient menées sous l’égide de l’ONU, de la CEDEAO ou encore de l’Union Africaine. Par ailleurs, chacune des trois armées est par tradition très impliquée dans les actions socio-économiques d’appui au développement. Malgré cette grande sollicitation de nos troupes, le Sénégal tient le 3ème budget de défense de l'Afrique de l'Ouest francophone derrière la Côte d'Ivoire et la Guinée Conakry.
Le budget des Forces Armées du Sénégal a néanmoins augmenté de 9% pour 2001-2002, et de 8% pour 2002-2003, atteignant les 56 milliards de francs CFA, soit 68,6 millions de dollars à l'époque. En 2005 les dépenses militaires étaient estimées à 1,4 % du PIB, en 2006 à 1,9 %. Le budget prévu dans le cadre de la loi de finance 2013 est ressorti à 117 milliards F CFA (178 millions €) en hausse de plus de 16 milliards F CFA (24 millions €) par rapport à 2012. Le budget 2015 du ministère des Forces Armées a connu une hausse de 7,12%, en passant de 118 757 612 060 F Cfa en 2014 à 127 209 797 900 F Cfa pour le prochain exercice budgétaire, une augmentation donc de 8 452 185 840 francs CFA. Seulement, Un rapport de la commission chargée de la défense et de la sécurité, à l’Assemblée nationale, déplore la baisse des crédits destinés à la rubrique "dépenses de fonctionnement" du ministère des Forces Armées, qui sont passés de 23 575 688 000 à 22 389 975 000 francs CFA.
En raison de "l’instabilité dans la sous-région", ce département doit être doté "de moyens conséquents", selon ce rapport élaboré avant la séance plénière consacrée à l’examen du projet de budget du ministère. Aussi, les membres de la commission chargée de la défense et de la sécurité préconisent "une meilleure veille permanente" de l’armée sur "les frontières" du pays.
Selon le Stockholm International Peace Research Institute, en 2005, le budget des Forces Armées du Sénégal a été de 117 300 000 $, soit le 113ème rang au classement mondial des budgets de défense par pays. Il faut dire cependant que le budget n'est pas représentatif du niveau de renouvellement du matériel car le Sénégal bénéficie de beaucoup de dons de matériel de pays alliés, ce qui permet d'avoir, malgré le faible budget d'investissement, une montée en puissance et un niveau opérationnel correct.
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Une coopération de plus en plus centrée sur les missions extérieures
En matière de formation, l’armée dispose d’un grand nombre d’écoles et de centres de perfectionnement, qui offrent des formations à différents niveaux et pour diverses spécialités. Mais depuis 2011, les Eléments français au Sénégal sont devenus un pôle opérationnel essentiel de coopération à vocation régionale en Afrique de l’Ouest. A ce titre, les Armées du Sénégal bénéficient de beaucoup de programmes de renforcement de capacité en matière de maintien de la paix. Et c’est là le problème. ‘’L’essentiel des formations semble entièrement consacrée aux missions extérieures de nos armées ou aux préoccupations de lutte antiterroriste des puissances étrangères qui appuient les Armées sénégalaises’, explique un Général en retraite. Qui poursuit : ‘’On dira toujours que le savoir inculqué à ces soldats restera au service du Sénégal.’’
En témoigne la série de formations faites aux Diambars entre le dernier trimestre de 2014 et le début de l’année 2015. Et à en croire un haut gradé de l’armée, du 7 au 24 octobre 2014, un détachement d’assistance opérationnelle (DAO) des éléments français au Sénégal (EFS) était au bataillon parachutiste de Thiaroye pour mener la première formation en guidage aérien tactique avancé (GATA) relative au guidage d’hélicoptères de combat. Le but était de former et de préparer aux missions d’appui aérien quatre équipes GATA des FAS en prévision de leur futur engagement opérationnel dans le cadre de la MINUSMA et de l’ONUCI, mais aussi d’établir une procédure commune entre les troupes au sol et les escadrons d’hélicoptères sénégalais.
Du 5 au 16 janvier 2015, un détachement de sept instructeurs de l’unité de coopération régionale des éléments français au Sénégal (EFS) était au centre d’entraînement tactique de Thiès pour préparer l’état-major aux techniques de planifications et de conduite des opérations de commandement tactique au sein d’un bataillon de maintien de la paix engagé sous mandat de l’ONU en République de Côte d’Ivoire.
Dans la même période, toujours selon notre interlocuteur, un instructeur mortier de l’unité de coopération régionale des éléments français au Sénégal (EFS) était au centre d’entraînement tactique de Thiès pour assurer une formation au profit de militaires sénégalais désignés pour armer le bataillon sénégalais (BATSEN) engagé dans le cadre de l’ONUCI en République de Côte d’Ivoire. Toujours dans la même période, une formation de quinze jours a été tenue au profit de deux compagnies sénégalaises d’infanterie motorisée de la force de réaction rapide de l’ONUCI.
Beaucoup d’autres formations ont été tenues avec d’autres secteurs de l’Armée, notamment la marine nationale. Le 2 février 2015 par exemple, au large de Dakar, ‘’l’aviso Lieutenant de vaisseau Lavallée a effectué un exercice avec le patrouilleur sénégalais Ferlo qui participe à l’assurance de la souveraineté du Sénégal dans ses zones maritimes. Il s'est agi de mieux préparer les marins sénégalais à effectuer des visites de navires suspects afin d’en contrôler la cargaison et les documents administratifs’’, renseigne une source militaire.
De la nécessité de disposer de nouveaux équipements
Même si l’Armée réputée être ‘’la grande muette’’ parle peu des moyens mis à sa disposition pour bien exécuter sa mission, il n’empêche que l’insuffisance de moyens adaptés aux nouvelles menaces de sécurité intérieure est un secret de Polichinelle. Interrogés sur ce sujet, beaucoup de militaires se sont fait un devoir de lister les manquements. Mais pour des raisons de sécurité et de Secret défense, EnQuête s’abstient de faire l’inventaire du matériel et de son état. Surtout que des efforts significatifs sont en train d’être faits depuis bientôt trois ans, pour assurer l’essentiel de l’équipement nécessaire à la bonne exécution des missions de l’Armée.
C’est ainsi que fin septembre 2013, Ufast et Raidco ont livré un bâtiment patrouilleur de nouvelle génération à la marine sénégalaise. Le Ferlo mesure 33 mètres de long et peut dépasser la vitesse de 40 nœuds. Capable d’accueillir confortablement un équipage de 17 marins, le patrouilleur présente une autonomie de 1500 milles à 15 nœuds et autorise un séjour en mer de près d’une semaine sans ravitaillement. Le Kédougou, futur patrouilleur hauturier de la marine sénégalaise (Ocean Patrol Vessel), a lui aussi été mis à l’eau vendredi 10 octobre dernier au chantier STX de Lorient. Le Kédougou pourra avoir un équipage de 17 marins et peut accueillir 4 à 8 passagers, par exemple des forces spéciales. Il aurait dû être livré depuis janvier dernier, à en croire un commandant de la marine nationale.
De son côté, l’Armée de l’air pourra compter sur l'acquisition de trois appareils de type Embraer EMB 314 Super Tucano commandés en avril 2013 au Brésil. La Mauritanie en a déjà un, le Burkina en compte trois, le Ghana en a deux en service. Le Sénégal prévoit aussi d'acheter deux avions de transport CN235 du producteur indonésien DQAP pour transport de VIP et de fret. Ils se joindront à ses deux CN235s déjà en service. Par ailleurs, Agusta Westland, une société du groupe Finmeccanica, a annoncé en juin 2013 qu'elle a signé un contrat pour la vente de son premier hélicoptère AW139 au Sénégal.
Des Renseignements à adapter aux nouveaux défis de sécurité
Ancien ministre de l'Intérieur devenu président de la République du Sénégal, Macky Sall a décidé, par décret du 31 juillet 2014, de revoir le sommet du dispositif du renseignement en créant une Délégation générale au renseignement national. C'est un outil de coordination du renseignement logé au palais présidentiel. L'idée qui sous-tend la naissance de cette unité est le regroupement des centres de décisions éparpillés entre différents ministères et la Présidence de la République.
Avant le décret de Macky Sall par exemple, le ministère des Forces Armées s’occupait du renseignement extérieur à travers la DDSE alors que le renseignement intérieur était géré par le ministère de l’Intérieur sous la Direction de la Sûreté de l’Etat (Des) devenue Direction de la surveillance du territoire (Dst). D’autres services de renseignement existaient et étaient logés à la Présidence.
Seulement, l'efficacité de ces multiples démembrements était sujette à caution. Mais la trouvaille de Macky Sall ne semble pas être la bonne solution. Car de l’avis de nombreux spécialistes des renseignements, c’est une hérésie de vouloir faire du renseignement sans la police. ‘’Le renseignement, surtout celui intérieur, doit être l’affaire exclusivement du ministère de l’Intérieur’’, conseille un ancien commissaire de police aujourd’hui à la retraite.
Quoi qu’il en soit, bien du chemin reste encore à faire car trop souvent, ‘’nos dirigeants ont eu tendance à considérer les activités antiterroristes comme étant du ressort exclusif de l’État, tandis que les forces de sécurité traitent souvent les informations s’y rapportant comme relevant du Secret défense. Ceci prive les autorités d’une précieuse source d’information, à savoir le grand public. Il faut donc l’instauration de mécanismes de confiance pour une plus grande implication de la société civile et donc, des populations’’, renchérit un autre gradé de la police.
En définitive, les Forces Armées sénégalaises apparaissent, aussi bien aux yeux de la population que des organisations de défense des droits de l’Homme, des médias et autres fonctionnaires, ou encore des coopérants étrangers, comme des forces professionnelles et éminemment républicaines. L’armée est en effet décrite comme étant instruite, démocratique et bien commandée, proche de la population ; et ses interventions dans les domaines humanitaires et du développement sont unanimement saluées. Il urge donc de la mettre dans les meilleures conditions de travail adaptées aux menaces aussi bien intérieures qu'extérieures, même si le contexte international prête à une dispersion des attentions.