Le Président Léopold Senghor et le savant Cheikh Anta Diop ont toujours eu des relations heurtées. Souvent, on les présente même comme des «ennemis».
Au moment où le premier se refusait de critiquer la culture occidentale, le second cherchait la supériorité du Noir sur le Blanc. Cependant, hier lors de la conférence en hommage à Cheikh Anta Diop, le directeur général de la Fondation Léopold Sédar Senghor a ramé à contre-courant de l’opinion répandue pour parler de «proximité très forte» entre ces deux intellectuels. Il s’en explique : «Au plan politique, Cheikh Anta et Senghor ont eu des divergences et ils se sont combattus légalement de façon acceptable. Mais au plan culturel et de la pensée surtout vis-à-vis de l’Afrique et du monde noir, ils ont pratiquement développé les mêmes thématiques.» Pour M. Ndiaye, il est question aujourd’hui de «dépasser l’opposition» entre Senghor et Diop en vue de «mettre ensemble tout ce qu’ils ont fait de bien parce que ce sont des personnes honnêtes, travailleuses, intelligentes déterminées, sobres qui ont donné le meilleur d’elles-mêmes».
Même s’il magnifie l’initiation de cette rencontre par une fondation parrainée par le Président-poète, un disciple de Cheikh Anta Diop rame à contre-courant des déclarations de M. Ndiaye. Pour lui, «les pensées de Cheikh Anta et de Senghor sont radicalement opposées». «Il est abusif de mettre la pensée de Cheikh Anta à côté de celle qui étayait la négritude. Sa pensée et la négritude sont antinomiques», tranche Cheikh Amara Diop, interprète de conférence et responsable du Rassemblement national démocratique (Rdn) à Dakar. Il précise : «La pensée de la négritude essaie de placer l’Africain dans la cadre d’un univers occidental. Cheikh Anta, lui, opère une révolution consistant à créer un univers africain dans lequel les Africains vont trouver leur identité. Les deux pensées sont radicalement opposées.» En clair, les maîtres sont partis de ce monde, mais leurs pensées continuent de rythmer la vie de leurs apôtres qui prêchent chacun sa bonne parole.