Comment le sociologue que vous êtes, analyse-t-il l'engouement des jeunes pour le Pari Foot ?
Pour aborder ce phénomène il faut interroger les pratiques autorisées et celles non autorisées en les confrontant à la fonction sociale du statut que nous pouvons considérer comme une sanction gratifiante, un acquis social qui survient à la suite des expériences, du mérite et surtout selon l’âge de l’individu.
Si les pratiques sont à la portée de tous à travers la simple mobilisation du talent et des processus d’apprentissage comme clés d’accès, les statuts par contre ne s’acquièrent pas aussi facilement. La capacité d’intervention pratique que nous pouvons appeler le savoir-faire peut se construire de manière isolée et déconnectée de toute implication sociale. Le statut ne s’obtient qu’en société car c’est une chose sociale que l’on reçoit des autres grâce à leur regard et leurs actes conciliants. Autrement dit, la reconnaissance de la capacité de pratique chez un individu dépend du statut social qu’il porte. De ces points de vue, la tâche à faire est de localiser le dysfonctionnement entre statut et pratique.
Doit-on, afin de légitimer nos comportements, avoir un statut pour pouvoir exercer une pratique ou faire le contraire, c’est-à-dire pratiquer afin de se faire un statut ?
La première hypothèse privilégie le contrôle social et présente moins de risque de dérapage vers la pratique d’actes moralement délégitimés. Quant à la seconde, elle est beaucoup plus opportuniste et constructive pour un individu. Par conséquent, elle peut déboucher sur une sanction punitive ou gratifiante des expériences de la personne. C‘est dans cette dernière perspective qu’il faut saisir et
comprendre la fréquentation des jeunes face au pari, ici le Pari Foot, que l’on appréhende par une addiction au jeu de hasard.
Le contrôle social hiérarchise les statuts et sanctionne les comportements dysfonctionnels, c’est-à-dire lorsqu’ils sortent et perturbent sa zone d’influence. C’est ainsi que l’espace public est aménagé comme un lieu par excellence de prédilection et de domination adulte. L’enfant y reçoit protection contre les éventuels abus de personne dite adulte. Mais quand l’enfant lui-même fait des choses d’adultes et reproduit leurs expériences, il bouleverse les rôles et les statuts. Voilà une situation désagréable pour les adultes qui, au lieu de protéger, partagent des expériences de vie avec des enfants.
Qu’est-ce que les adultes, parieurs ou non, font pour dissuader les enfants de fréquenter les lieux de jeu de hasard précisément le pari Foot ?
Les adultes doivent récupérer leur capacité de protection vis-à-vis des enfants.
Pour ce faire, nous pouvons évidemment reprocher à la LONASE sa passivité dans sa responsabilité sociale, encore que la LONASE spécifie bien l'interdiction pour une catégorie d'âges... Mais la grande responsabilité incombe à la société elle-même dans son rapport au spectacle sportif en général, et son insertion dans l’économie monétaire, c’est-à-dire capitaliste, qui éclate les institutions socioculturelles et ouvre toutes les portes d’accès au privilège et très souvent au dépens de la régulation sociale. Il n’y a aucune importance ou valeur sociale chez un enfant capable de jouer avec grand talent au Pari Foot par exemple, puisqu’il ne s’agit pas d’un statut légitimé dans la pratique du jeu de hasard.