La comédienne Assy Dieng Bâ a réussi à captiver le public du Grand Théâtre de Dakar, samedi soir, lors de la présentation de la pièce de théâtre "Kujje", adaptée d’un livre du professeur de lettres modernes (français) El Hadj Momar Sambe publié en 1997.
Cette pièce mise en scène par Bâ et Sambe tourne en dérision la pratique de la polygamie, qui est bien ancrée dans les mœurs sénégalaises, chez la communauté musulmane précisément.
La polygamie, "kujje" en wolof, est une norme au Sénégal. Ses partisans la justifient surtout par l’islam, une religion qui l’autorise.
Dans le livre dont émane la pièce de théâtre, El Hadji Momar Sambe tente de déconstruire la suprématie de l’homme sur la femme. La pièce, elle, est savamment interprétée par les principaux comédiens Assy Dieng Bâ, dans le rôle de Madjiguène, et Mame Mor Diarra Thioune, qui se fait appeler Amagoor.
"Kujje" met en scène un couple, Amagoor et Madjiguène. Après 20 ans de mariage, Amagoor décide de devenir polygame en trouvant une "petite sœur" à son épouse, mettant le ménage, jusque-là stable, sur la sellette et dans "une zone de turbulences".
Madjiguène ne veut pas de cette situation, même si, après les pleurs et lamentations, elle s’y plie, sans renoncer à sa vengeance, laquelle est à la fois un défi à l’opinion et une invite à la réflexion sur une question de société.
Entre humour et ironie, les comédiens du Théâtre national Daniel Sorano et les Artistes comédiens du théâtre sénégalais (ARCOTS) ont mis à nu la souffrance silencieuse de Madjiguène et les conséquences de la polygamie sur une famille entière.
Mariée depuis 20 ans à Amagoor, Madjiguène se voit annoncer une nouvelle inattendue : elle doit partager le foyer conjugal avec une autre femme, une coépouse. Le monde s’effondre pour elle. Madjiguène cherche à comprendre ce qui a poussé son mari à lui trouver une coépouse, après tout l’amour et tout le dévouement dont elle a fait preuve à son égard.
Ses parents et sa sœur Arame la consolent et lui demandent d’accepter ce qui lui est arrivé, une pratique bien ancrée dans les mœurs au Sénégal. Mais Madjiguène ira même jusqu'à traiter son mari de "lâche" et de "traitre". Son époux aussi la console, en lui rappelant cependant que sa religion lui donne le droit d’épouser jusqu’à quatre femmes.
Madjiguène n’exclut pas de recourir au divorce. Mais sa famille l’en dissuade, au nom du "bien-être" de ces deux filles.
En évoquant les enfants, El Hadji Momar Sambe touche à une autre dimension de la polygamie : les enfants issus du ou des premiers mariages doivent accepter de vivre avec une ou des marâtres.
L’auteur du livre "Kujje", qui a grandi dans une famille polygame, explique que sa production littéraire est le fruit d'une volonté de "rendre hommage" aux femmes et aux enfants ayant vécu, comme lui, cette expérience.
Lors de la présentation de la pièce de théâtre, il a évoqué la Tunisie, en rappelant que, dans ce pays, la loi interdit la pratique de la polygamie.
Assy Dieng Bâ a dit qu’elle souhaitait présenter la pièce de théâtre dans d’autres régions du pays.