La Délégation générale de la Francophonie (DGF) n’existera officiellement plus dès ce 28 février. Pour les artistes dont les œuvres ont été sélectionnées pour décorer le Centre international de conférences Abdou Diouf (CICAD) et qui n’ont toujours pas été payés, le temps presse. Ce qui explique la rencontre qu’ils ont eue hier mercredi 4 février avec le Délégué général de la Francophonie, Jacques Habib Sy. Histoire de mettre les choses au clair, pour que tout le monde soit au même niveau d’information. A la Dgf, on accuse les procédures, les dysfonctionnements, et l’ancien ministère de la Culture, à l’époque sous la direction d’Abdoul Aziz Mbaye. Ce que disent les artistes, c’est qu’ils n’ont pas à subir des dysfonctionnements dont ils ne sont pas responsables. Même si, comme on dit là-bas, la rencontre a eu le mérite de dissiper quelques malentendus.
Quand on prend la peine d’égrener les jours, on se rend compte qu’il ne reste plus que très peu de temps à la Délégation générale de la Francophonie (DGF). Faites vous-mêmes le calcul : officiellement, la mission de la Dgf s’achève dès le 28 de ce mois de février. Mais comme souvent avant de partir, on fait un peu le ménage, on évite de laisser traîner de vieux dossiers comme celui des artistes dont les œuvres ont été sélectionnées pour décorer le Centre international de conférences Abdou Diouf (CICAD).
Et qui courent encore après les sous qu’on leur doit depuis plus de deux mois, donc depuis la fin du Sommet de la Francophonie. C’est dans la matinée d’hier mercredi 4 février, qu’ils ont enfin pu rencontrer le Délégué général de la Francophonie Jacques Habib Sy qui les a reçus dans les locaux de la Délégation, sur l’avenue Faidherbe. On leur a fait comprendre qu’ils allaient encore devoir se montrer patients, même si toujours d’après Jacques Habib Sy, il ne reste que quelques derniers réglages. Ce que dit la Dgf, c’est «qu’il y a des règles administratives à suivre, ce qui bloque le processus. Et parce qu’il s’agit de paiements individuels, il faut aussi des contrats individuels » que le ministère de la Culture aurait dû prendre en charge. Si la Dgf a décidé de s’en occuper elle-même, c’est pour gagner du temps et anticiper. Ces mêmes contrats, il va falloir les enregistrer auprès de la Direction des Impôts.
La continuité de l’Etat
Aujourd’hui, c’est à l’actuel ministre de la Culture et de la Communication, Mbagnick Ndiaye, de « gérer le dossier, au nom de la continuité de l’Etat». Jacques Habib Sy, qui confirme qu’il est effectivement « en fin de parcours administratif », se souvient du passage d’Abdoul Aziz Mbaye à la tête de ce département. Le chef de l’Etat Macky Sall ressuscite à ce moment la fameuse loi du 1%, qui date des années Senghor et dont le texte prévoit d’accorder 1% de la construction des bâtiments publics aux artistes sénégalais, qui s’occuperont de leur décoration.
Ce qui se passe explique Jacques Habib Sy, c’est que le ministère de la Culture met en place un jury, et sélectionne des artistes qu’il conduit sur le site de Diamniadio. «Mais sans que la Délégation générale de la Francophonie ne soit informée». Et ça, selon Jacques Habib Sy, c’est un dysfonctionnement : le ministère «a enfreint les règles des marchés concernant la sélection des artistes et leur contractualisation. »
Pour le peintre Viyé Diba, cette rencontre est salutaire : « Il y avait un flou, des informations par ci par là, et de quoi entretenir la psychose et l’angoisse. Mais le problème, c’est que les artistes se retrouvent ainsi à devoir subir des dysfonctionnements administratifs dont ils ne sont pas responsables. Quand on sait que certains d’entre eux sont des cas sociaux, et que deux mois c’est trop long.» Si le ministère de la Culture et la Dgf ont quelques divergences, dit-on encore, ce n’est pas aux artistes d’en payer le prix.
La Dgf n’existera plus (officiellement) dès ce 28 février, parce que d’après les textes, la reddition des comptes doit se faire trois mois après le Sommet, et certains artistes sont inquiets. Jacques Habib Sy se veut pourtant rassurant, même s’il ne donne pas de date précise: « Nous n’irons pas au-delà du 28 avec ce dossier. Les contrats sont en train d’être saisis de manière individuelle et pour anticiper, on rédige déjà les chèques. Pour les cas spéciaux qu’il faudra régler au-delà du 28 février, que ceux-là s’adressent au Bureau d’architecture du Palais ».
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Baye Mouké Traoré, artiste plasticien
«Si je suis venu ce matin à la Délégation générale de la Francophonie, c’était franchement pour me faire payer. J’ai fait 300 kms de route de Saint-Louis à Dakar. Je suis dans ce métier depuis 1969, mais c’est la première fois que je reste confronté à un tel problème. D’abord, nous avons été dévalués par l’Etat, parce que tout simplement le ministère de la Culture a négocié les œuvres d’art au rabais pour permettre au plus grand nombre d’artistes de pouvoir participer en fonction de l’enveloppe qui a été dégagée. Que ce soit au ministère de la Culture ou à la Délégation générale de la Francophonie, les gens n’ont pas fait leur travail. Je pense même que cela va plus loin : c’est un manque de considération à l’endroit des artistes que de les faire poireauter de cette façon.
Après ce que j’ai entendu tout à l’heure, je n’ai toujours pas confiance. On a vu ce qui s’est passé avec le Festival mondial des arts nègres (FESMAN). J’attends de voir, mais si d’ici le 26 rien n’est fait, je ne sais pas pour les autres, mais moi Mouké Traoré ils m’entendront. »
Germaine Anta Gaye, artiste plasticienne et professeur d’art
«En venant à cette rencontre, mon objectif était avant tout de m’informer, de savoir où en était la situation et, collégialement avec mes pairs, de voir quelle conduite on doit adopter.
Nous avons été édifiés. Nous sentons que nous avons affaire à une personne honnête, et surtout qui a de l’assurance. Les gens sont rassurés. On espère maintenant qu’il y aura une suite diligente. Je pense également que notre démarche n’était pas vaine. C’est le fait de ne pas être informés qui entraîne toutes sortes de suppositions. (…) Les gens disaient que si les choses avaient traîné jusque-là, il n’y avait pas de raison pour qu’elles ne traînent pas davantage. Et comme c’est une structure qui a une durée de vie, si nous on reste à traîner et à supputer, que va-t-il se passer ? A la fin, ce sera plus difficile. Il faudrait que l’on puisse rentrer dans nos droits, avant la date butoir du 28 février. »