Les experts comptables, commis par la Commission d’instruction de la Crei, pour analyser les relevés des 30 comptes des principaux prévenus dans la traque de biens supposés mal acquis, ont livré les résultats de leur enquête. Il ressort de l’exposé d’Abo Mbaye Sall, expert comptable, que de 2002 à 2013, l’ensemble des mouvements enregistrés sur ces comptes s’élève à environ 99 milliards de francs Cfa. M. Sall a dans le même registre indiqué que sur le compte ouvert au nom de Karim Meissa Wade en 2003, deux versements y ont été effectués, dont un en 2007 de plus de 2 millions de dollars sans que la personne physique ne soit identifiée. Toutefois, l’expert a reconnu qu’un certain nombre de facteurs n’ont pas été déterminés, car se limitant uniquement sur des relevés de compte bancaire.
La Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) s’est penchée hier, mardi 03 février, sur les comptes des différents prévenus. Un expert comptable, Abo Mbaye Sall, a été appelé à la barre pour faire l’exposé du travail abattu sur instruction de la Commission d’instruction de la Crei, du 26 août au 25 novembre 2014. Selon M. Sall, le total de mouvements enregistré dans les 30 comptes ciblés, de 2002 à 2013, s’élève à 99 milliards de francs Cfa, mis à part les mouvements inférieurs à 2 mille Euro. Pour lui, les flux financiers sont opérés de personnes physiques à personnes morales, et vice versa, tout comme entre personnes physiques elles-mêmes. Pour les personnes physiques, il est à noter entre autres les noms de Pape Mamadou Pouye, de Karim Meissa Wade, de Bibo Bourgi, de Karim Aboukhalil Bourgi, de Mme Pouye, etc.
LE MYSTERE DU COMPTE DE KARIM
Dans les cafards soulevés par les experts comptables, il est constaté, sur le compte ouvert au nom de Karim Meissa Wade en 2003, deux versements sans aucun prélèvement, hormis les taux pris par la banque. De l’avis d’Abo Mbaye Sall, un premier versement a été effectué par le concerné en 2003, de l’ordre de 474 millions de francs Cfa. Le hic, selon les experts, c’est que sur le second versement effectué en 2007, d’une valeur estimée à 2 millions de dollars, la personne physique ou morale n’est pas identifiée. Ce qui fait un montant global de 1 milliard 241 millions de F Cfa au crédit. En outre, notamment sur le compte de Pape Mamadou Pouye, il a été relevé un flux total de 2 milliards de F Cfa entre la période de 2006 et 2013. Selon M. Sall, ces versements proviennent exclusivement de personnes morales, mais que les retraits évalués à 1,3 milliards de F Cfa ont été faits pour le compte de Mme Pouye. Certains versements exécutés aussi dans bon nombre de comptes de sociétés fouillées ne révèlent pas les identités des personnes d’où proviennent ces versements.
QUELQUES MANQUEMENTS DES EXPERTS
Cependant, le pool d’experts comptables a noté certains blocages lors des travaux. En effet, Abo Mbaye Sall a indiqué à la Cour qu’ils s’étaient juste limités de faire l’analyse sur les relevés bancaires mis à leur disposition par la commission d’instruction de la Crei. Donc, pour M. Sall, dans le cadre de leur travail, il n’y avait pas à leur disposition les ordres de virement, les chéquiers, tout comme les ordres de vente de titres. Sur cette base, M. Sall a notifié qu’ils leur étaient impossible de dire exactement la nature des mouvements opérés sur ces comptes dans la mesure où ils ne disposaient pas des supports justificatifs. Dans la même dynamique, il a expliqué que, pour les virements faits de personnes morales vers des personnes physiques, ils n’ont pas pu déterminer si c’est dans le cadre d’une distribution de dévidendes ou d’un règlement de prestations de service fournis. Autre fait et pas des moindres, M. Sall a indiqué à la Cour qu’ils n’ont pas disposé des matricules des sociétés notées dans les relevés bancaires.
ECHOS... ECHOS...
MAMADOU POUYE SUR LES 99 MILLIARDS : «IL Y A FORCEMENT DES DOUBLONS»
Le co-prévenu Pape Mamadou Pouye n’est pas du tout en phase avec les 99 milliards avancés par l’expert comptable, Abo Mbaye Sall. A l’en croire, «il y a forcément des doublons sur le montant avancé». Comme argument, M. Pouye a donné l’exemple d’une société qui est une filiale de la société mère. A l’en croire, la société mère, dont ils se sont affiliés, ne donne pas l’intégralité des crédits à sa filiale. Alors que le total du crédit se retrouverait dans la somme avancée par l’expert comptable. Toutefois, il n’est pas parvenu à donner un exemple où les dividendes de la société mère ont été distribués à une filiale qui fait le partage par rapport au nombre d’actions détenus. Ce qui a fait dire aux avocats de l’Etat qu’ils n’adhèrent pas à cette hypothèse.
PAS DE FLUX ENTRE LE COMPTE DE KARIM ET LES AUTRES
Dans l’étude faite par l’expert comptable, il est écrit que sur la base des relevés de compte mis à leur disposition, celui de Karim Meissa Wade a connu deux flux financiers, l’un en 2003 et l’autre 2007. Cependant, il ressort très clairement qu’aucun mouvement n’a été fait entre le compte de ‘’Wade fils’’ et les 29 autres comptes cités. Pour ce qui est des personnes non identifiées par les auditeurs, Mamadou Pouye a supputé que les banques sont à mesure de fournir l’identité de ces personnes, pour démontrer qu’aucun mouvement n’a été opéré entre le compte de Karim Meissa Wade et les autres comptes.
TRANSFERT DE MAMADOU POUYE A SA FEMME, 6,5 MILLIONS/MOIS EN 2012
Sur la base du travail de l’expert comptable, il est constaté qu’en 2012, Mamadou Pouye versait mensuellement à sa femme environ 6,5 millions de franc Cfa (à peu prés 10 milles Euro). Des versements mensuels colossaux ayant suscité la curiosité de Me Yérim Thiam qui a rappelé que Mme Pouye avait déclaré à la barre qu’elle ne recevait de l’argent que pour les besoins ménagers, la scolarité des enfants et certaines moindres dépenses. Toutefois, Pape Mamadou Pouye a refusé d’admettre les montants avancés par l’expert, non sans clarifier que «c’est de l’argent que j’ai gagné et j’ai le droit de l’envoyer à mon épouse».
PROJET EDEN PARK DES FRERES BOURGI : PLUS DE 1 MILLIARD VERSE EN ESPECE
Pour la construction du complexe immobilier Eden Park, les frères Bourgi, tous co-prévenus de Karim Wade, ont versé un apport de plus de 1 milliard de F Cfa en espèce, sur les 4 injectés dans le projet d’un coût global d’à peu près 9 milliards de F Cfa. Les 5 autres milliards restants ont été financés par les acquéreurs des appartements. Selon l’expert comptable, Ibrahima Diop, commis par la Commission d’instruction de la Crei, pour étudier la société Hardstand des personnes précitées, la Sgbs a encaissé la somme sans se poser de questions sur la licéité de l’argent.