Le procès d’Alfocène Baldé a été le premier, hier, d’une journée d’Assises entièrement dévolue aux affaires de trafic de drogue. De nationalité bissau-guinéenne, l’accusé se présente comme un maçon vivant en Europe. Marié et père de deux enfants de 15 et de 10 ans, il aurait immigré en laissant sa famille derrière lui au pays. Cette aventure sur le continent d’Hélène n’aurait cependant pas été fructueuse pour le sieur Baldé. En effet, se débattant avec ce qu’il appelle des «difficultés économiques et financières», il n’aurait pas été en mesure de fructifier son capital, pire encore, ses économies auraient fondu comme neige au soleil !
C’est donc pour jouer le tout pour le tout qu’Alfocène a décidé de réunir le peu d’argent qui lui restait pour financer un voyage au Brésil, un pays où il dit n’avoir connu personne, à l’époque, mais où il espérait trouver de la cocaïne à convoyer et à revendre en Europe. C’est à l’issue de cet aller-retour qu’il a été arrêté lors d’une escale à Dakar et que les agents ont découvert, dans son estomac, pas moins de 63 boulettes de cocaïne d’environ 10 grammes chacune, soit 600 g de la poudre prohibée.
Reconnaissant partiellement les faits, l’accusé a néanmoins donné de nombreuses versions différentes au cours de l’enquête.
En effet, il a argué initialement avoir été l’acheteur et le propriétaire de la marchandise, avant de se rétracter pour dire qu’il n’était qu’une mule et que la poudre appartiendrait à un certain Antonio qui lui avait donné pour mission de la ramener au Portugal en contrepartie d’un billet de retour et de la somme de 1500 €… Des tergiversations qui, bien entendu, ne le recommandent pas aux yeux des juges !
Accusés de trafic de chanvre indien, Mathurin Aliou Diabang et Abdou Diatta sont des parents ! Oncle germain et neveu, dans cet ordre, les deux Casamançais (ils sont tous deux nés à Kafountine) ont respectivement été appréhendés par les gendarmes avec 11 et 106 kilogrammes de chanvre indien. Abdou Diatta est un jeune homme de 26 ans qui a été interpellé en premier, lors d’un contrôle de routine, alors qu’il était dans un car en direction de Dakar avec en sa possession un sac rempli de briques de chanvre.
Affirmant qu’il ne connaissait pas le contenu de son sac et donc a été aussi surpris que les gendarmes d’y trouver du chanvre, il a expliqué que c’est son oncle, Mathurin Diabang, qui l’avait « réquisitionné » pour qu’il convoie le sac à un de ses contacts, sans plus de précision. Il a reconnu, néanmoins, avoir été pris en possession du sac. Le jeune homme, handicapé moteur, s’est présenté aux juges comme un peintre domicilié chez ses parents, à Diamaguène (Dakar)… Il n’a ni femme ni enfant.
Son oncle, Mathurin Diabang, est une toute autre histoire. Âgé de 48 ans, marié, père de 8 enfants et basé sur la route de Rufisque, il se dit cultivateur d’Aloès Vera, mais son audition a bien vite révélé qu’il est chômeur… Mieux encore, il est ressorti des débats que le sieur Diabang est un trafiquant de chanvre multirécidiviste qui aurait déjà fait de la prison par deux fois... Des faits d’armes qui ont même poussé le représentant du Ministère public siégeant à l’audience de le qualifier de « baron de la drogue à Thiès » !
El Hadj Ibrahima Seck devrait avoir toutes les raisons du monde d’en vouloir à son co-accusé, Moussa Mballo. En effet, le mécanicien et chauffeur, à ses heures perdues, de taxi « clando » doit les 6 dernières années qu’il a passées en prison au simple fait que le client qu’il a trouvé sur la route, le 19 juin 2009, en l’occurrence le sieur Mballo, ne lui a jamais dit que 80 kg de chanvre indien se cachaient dans ses bagages !
Ainsi, ce père de famille (il a 3 enfants) a eu pour seule faute de n’avoir pas vérifié les sacs que Moussa Mballo avait fait charger dans le coffre de son car, après avoir négocié avec lui le prix du transport jusqu’à Dakar ! Le sort s’est d’autant plus acharné sur El Hadj Seck que le véhicule en question, confisqué par les gendarmes, venait d’être acheté à crédit. N’ayant évidemment pas pu s’acquitter de ses mensualités une fois en prison, l’accusé a demandé aux juges que le véhicule lui soit au moins restitué pour qu’il puisse sauver ce qu’il en reste… Sa femme et sa belle sœur, présentes dans la salle, ont ponctué cette demande de vigoureux hochements de tête.
Moussa Mballo, quant à lui, n’a pu pas bénéficier d’un tel capital de sympathie. Aussi grand que son co-accusé est petit, ce cultivateur de 48 ans s’est comporté à la barre d’une façon qui manque décidément de hauteur. En effet, très changeant dans ses versions, il a essayé par tous les moyens de se dédouaner à la barre, quitte à jouer les nigauds, malgré les aveux déjà faits par lui lors de l’instruction. Ainsi, Moussa Mballo a nié avoir convoyé de la drogue. Il a dit avoir été chargé par un certain Ousmane Diallo de convoyer du poisson séché ! Un fait, d’autant plus étonnant que l’accusé vient de Tambacounda, une région notoirement aride du pays, et dit lui-même ne pas s’activer dans le conditionnement de produits halieutiques, mais plutôt dans l’agriculture.
Autre énormité sortie de la bouche de l’accusé : il aurait accepté de faire la commission en question pour le compte du sieur Mballo moyennant la somme… tenez-vous bien… de 250 000 F CFA ! Quand le juge s’est étonné de cela, Mballo a répondu seulement que la somme en question aurait dû lui permettre de prendre la pirogue pour immigrer ! Son argument pour se lancer dans une telle aventure à bientôt cinquante ans est que « le pays va mal »... Ce qui est d’autant plus difficile à croire, dans son cas, puisqu’il a été arrêté avec la somme de 169 000 FCFA par devers lui ! Ce qui démontre qu’il ne mourrait pas de faim et que sa famille, aussi nombreuse soit-elle (il a 8 enfants), non plus !
« Mentir, c’est très difficile. », comme le lui a fait remarquer l’avocat général, Ibrahima Bakhoum.