Les pro Niasse ne digèrent toujours pas l’affront de Terrou-bi où Malick Gackou a été, selon Bathie Ciss, «l’instigateur» des huées et du «sabotage» de la cérémonie de présentation de vœux au secrétaire général de l’Afp. Dans cet entretien, le porte-parole de l’Ancp estime que Niasse a commis une «grosse erreur» en choisissant Gackou comme son numéro 2. M. Ciss estime que Alioune Sarr a une carte à jouer dans la succession du secrétaire général.
Quelle lecture faites-vous de ce qui s’est passé au Terrou-bi ?
Ce qui s’est passé ce jour-là n’est pas digne d’un cadre de parti. Il se trouve que certains membres de notre parti ont organisé, planifié et participé à l’exécution de ce sabotage de notre manifestation, parce que c’est le cas. Et il y a eu un comportement aux antipodes des valeurs de l’Afp. Il faut souligner que ces personnes n’étaient pas à leur première tentative puisque le 9 juillet 2014, ce même groupe avait envahi la coordination des cadres qui se réunissait à la permanence de l’Ancp. Certains d’entre eux disaient qu’ils avaient démissionné de Macky2012 pour militer à l’Afp. Nous leur avions fait comprendre qu’il y a des conditions et un processus d’adhésion à l’Ancp et au parti. C’est ainsi que nous les avions sortis de la salle et, aussitôt après, ils ont appelé la presse pour dire que des cadres du parti ont été expulsés d’une réunion de l’Ancp.
Et ce sont ces mêmes personnes qui sont aujourd’hui suspendus de l’Ancp et dont vous réclamez l’exclusion du parti ?
Oui. Parmi ces huit cadres suspendus, il y a des militants de longue date, mais qui n’ont jamais milité à l’Ancp et d’autres qui avaient, eux-mêmes, suspendu leurs activités politiques au sein du parti. C’est le cas de Bérouba Guissé qui avait indiqué qu’il avait un poste à l’étranger.
Pourquoi Malick Guèye a-t-il été épargné par cette suspension ?
Malick Guèye n’est pas membre de l’Ancp et n’était pas non plus à la manifestation du 22 janvier, même s’il y avait des membres du Mouvement national des jeunes progressistes (Mnjp) dont il est le président. L’article 22 dit que, quand quelqu’un commet un acte d’indiscipline, c’est la structure dans laquelle il milite qui prend des sanctions.
Gackou ne fait pas partie des cadres ?
Non. Mais comme tout membre du bureau politique, il était invité à la manifestation. Et les cadres qui sont en train de s’agiter sont avec Gackou.
Vous avez dit ailleurs que Gackou est «l’instigateur de tout ce qui s’est passé»…
Et je le réaffirme.
Sur quelles bases vous le dites ?
Je rappelle que le premier incident à propos de cette candidature ou non de l’Afp, est venu d’un meeting à Dahra. Et c’est Bérouba Guissé, qui fait partie des suspendus, qui l’avait organisé. Un autre cadre qui a été exclu, Ababacar Fall, fut chef de cabinet de Malick Gackou, Babacar Ndaw est aussi son collaborateur. Tous ces gens considéraient que l’Ancp était le dernier bastion qu’il fallait prendre pour noyauter le parti.
Est-ce à dire que Gackou avait une certaine influence ou un lobby puissant au sein des cadres ?
Gackou n’a jamais eu un quelconque lobby puissant au sein de l’Ancp, même si c’est ce qu’il cherchait à avoir, avec le retour de certains «vieux cadres» du parti et en voulant recruter d’autres qui disaient venir de Guédiawaye.
Gackou n’a-t-il pas alors réussi son coup de provocation en installant aujourd’hui une crise à l’Afp ?
Pas du tout !
Mais quand vous dites qu’il est «l’instigateur de ce qui s’est passé», qu’est-ce qui le prouve ?
N’oubliez pas que la question qui se pose à l’Afp, c’est celle relative à la candidature du parti en 2017. A l’issue d’un débat démocratique qui a duré plus de 6 heures, l’Afp a décidé que son candidat, c’est Macky Sall.
Réunion à laquelle Gackou n’a pas assisté ?
Oui, mais il faut dire qu’il a assisté aux réunions préparatoires de ce bureau politique du 10 mars 2014. A cette occasion, certains se sont levés pour dire que l’Afp ne doit pas avoir un candidat et d’autres ont dit que c’est Gackou qui doit être le candidat. Et au Terrou-bi, c’est Gackou qui a forcé la porte et demandé à tous ceux qui n’étaient pas invités d’entrer. Il est venu avec ceux qui huaient Moustapha Niasse. Et à l’extérieur, sur les pancartes, il était écrit : «Gackou Président ! Niasse dégage !». Les masques sont tombés.
Gackou dit que c’est le congrès qui doit décider de la candidature ou non de l’Afp à une élection présidentielle, tout comme Mbaye Ndione…
Je dois rappeler que depuis 2000, l’Afp participe à des élections présidentielles, législatives et locales. Et à aucun de ces rendez-vous, le parti n’a décidé de sa participation à l’issue d’un congrès.
Quelle instance doit en décider, le congrès ou le bureau politique ?
Les textes ne disent pas que c’est le congrès qui doit en décider. Mais entre deux congrès, c’est le bureau politique qui traite de toutes les questions, y compris la candidature. Je dois rappeler une jurisprudence : Aux élections législatives de 2001, il n’y avait pas eu de congrès, en 2007, plus grave, il n’y en a pas eu pour le boycott des Législatives, de même que pour la Présidentielle de 2007.
En 2011, il y a eu un congrès…
Il y a eu un congrès de renouvellement et de rajeunissement du parti et non d’investiture. D’ailleurs, si c’est le congrès qui devrait décider de la candidature, pourquoi ils ne l’ont pas dit au bureau politique du 10 mars ? Ils ne l’ont pas fait et pourtant ce bureau a été précédé d’un comité directeur du 10 février 2013 à Ngor Diarama.
Un comité directeur au cours duquel Niasse a confirmé que Gackou était le numéro 2 de l’Afp…
Niasse a confirmé Malick comme numéro 2, mais mieux, la résolution engageait tous les militants du parti à continuer à collaborer avec le Président Macky Sall. Une résolution approuvée à l’unanimité et Gackou était à l’époque ministre du Commerce.
Mbaye Ndione dit dans L’Observateur que le mandat de 3 ans de l’actuelle équipe choisie en 2011 a expiré. Qu’en dites-vous ?
C’est son opinion. Mais après le congrès de 2003, il n’y en a eu un autre qu’en 2011. Mbaye Ndione qui a été élu en 2003, ce n’est pas en 2006 qu’il a cessé d’être le responsable des jeunes ?
Le mandat de l’équipe actuelle a-t-il expiré ou non ?
Oui, c’est vrai que toutes les structures ont une durée de vie organisée par les structures elles-mêmes. Il se trouve qu’il doit y avoir des congrès et des réunions mais que le contexte ne permet pas de tenir. C’est une difficulté pour tous les partis politiques du pays et de l’Afrique.
Est-ce que vous mettez Mbaye Ndione dans le même camp que Gackou ?
Mbaye Ndione est un ami, un grand frère. Nous partageons la même région. Il habite Ngoundiane et moi Thiénaba. Donc, nous avons des liens beaucoup plus forts que les relations politiques. Il pense que l’Afp doit avoir un candidat ; je pense le contraire.
C’est justement le point de vue de Gackou aussi…
Lors du bureau politique du 10 mars, sur la soixantaine d’intervenants, il n’y avait que deux personnes qui s’étaient opposées à la non candidature de l’Afp : c’est Mamadou Goumbala et Woré Diaw, qui estimaient que c’était tôt d’aborder cette question-là. Pourtant Moustapha Niasse a demandé qui est d’accord et qui est contre. Personne n’était contre cette résolution lue par Malick Diop.
Vous dites que Gackou n’est pas le numéro 2 de l’Afp. Expliquez-nous.
Les statuts du parti ne prévoient pas le poste de numéro 2.
Mais Niasse a dit que Gackou est le numéro 2 du parti…
D’ailleurs, cette question de numéro 2 n’a jamais fait l’objet de débat. Mais si le président du parti vous choisit comme numéro 2 et que les gens l’ont accepté, pourquoi n’acceptent-ils pas alors que ce même président dise qu’il n’est pas candidat et qu’il ne soutiendrait aucun candidat ? C’est une question de cohérence !
Est-ce une erreur de la part de Niasse d’avoir choisi Gackou comme numéro 2 ?
Je pense que c’est une grosse erreur. Parce que depuis 2011, qu’est-ce que ce numéro 2 a fait pour le parti ? L’a-t-il consolidé ? Puisqu’on parle de démocratie dans le parti, la région de Dakar s’est-elle réunie pour s’exprimer sur cette candidature ? Non. Aucune région d’ailleurs ne s’est prononcée en faveur d’une candidature de l’Afp.
Aucune région non plus ne s’est prononcée en faveur d’une non candidature, n’est-ce pas ?
Je dois rappeler que le bureau politique est composé de 200 membres. Tous les responsables départementaux, régionaux, les cadres, les universitaires, les étudiants, etc. étaient là.
Si les huit cadres ont été suspendus pour avoir «saboté», quel sort alors est réservé à Gackou qui est, selon vous, «l’instigateur» de ce «sabotage» ?
C’est le parti qui décidera.
Vous avez pourtant demandé dans votre communiqué de dimanche que le parti prenne ses responsabilités. En quoi faisant ?
Nous demandons l’exclusion de tous ceux qui ont organisé ces insultes contre le secrétaire général et le sabotage de la manifestation de l’Ancp. Qu’ils quittent le parti par tous les moyens parce que quand vous ne partagez plus les mêmes valeurs, vous n’avez rien à faire ensemble.
Gackou y compris, pour cette exclusion ?
Le parti prendra ses responsabilités.
Vous êtes aussi conseiller technique du ministre du Commerce Alioune Sarr qui est de votre parti aussi. Est-il aujourd’hui le numéro 2 de l’Afp ?
Je ne suis pas dans des histoires de numéro 2. Ce que je peux dire c’est qu’il y a des gens qui sont dans l’entourage du secrétaire général et qui font leur travail correctement.
C’est que Malick Guèye accuse Alioune Sarr d’avoir «piégé» Moustapha Niasse…
Vous savez, le problème de ces gens, c’est Alioune Sarr.
Pourquoi ?
Parce que la question fondamentale aujourd’hui à l’Afp, c’est celle de la succession de Moustapha Niasse.
Voulez-vous dire que Alioune Sarr est mieux placé pour lui succéder ?
Quand les gens ont vu qu’il y a plusieurs personnes qui peuvent valablement succéder à Niasse, ils ont commencé à créer des problèmes.
Là, vous faites allusion à Gackou…
(Il esquive) Quand Moustapha Niasse devra partir, il y aura des gens qui seront en mesure de le remplacer.
Comme Alioune Sarr ?
Oui. Et comme d’autres responsables du parti. Pendant longtemps, c’est un lobby qui faisait et défaisait les rois.
Mais pourquoi vous ne le nommez pas, Gackou ?
Mais bien sûr ! Je ne fais pas de langue de bois. Et le point culminant a été le choix des ministres de l’Afp dans le gouvernement. C’était un hold-up. Benno siggil senegaal avait droit à quatre ministres : l’Afp 2, la Ld et le Pit les deux autres. Une commission a été mise sur pied pour désigner les représentants du parti. Les gens ont organisé une réunion et créé une majorité mécanique et certains en ont été exclus.
Voulez-vous dire que le choix de Gackou avait été contesté à l’époque au sein du parti ?
C’étaient d’abord les critères de choix qui étaient contestés.
Quels étaient ces critères ?
C’était si on doit choisir en fonction des compétences ou des structures du parti.
Qu’est-ce qui a été fait ?
On a choisi en fonction des structures.
Donc, vous pensez que Gackou n’était pas compétent pour être ministre ?
La question ne se posait pas en ce moment.
Il était numéro 2, donc il devait passer…
Gackou était numéro 2, et on pensait qu’il pouvait valablement être ministre. Mata Sy Diallo aussi était choisie plus pour son âge que ses compétences.
S’il y a eu «hold-up», Moustapha Niasse en est un complice puisque le dernier mot lui appartient…
Non parce que Niasse a dit : «Nous avons deux postes, discutez.» On a discuté et je précise que nous sommes le seul parti à avoir discuté de qui va participer au gouvernement, même si les gens n’étaient pas d’accord sur les critères.
Est-ce que vous ne vouliez pas donc Alioune Sarr à la place de Gackou ?
Non. On avait dit simplement que les critères n’étaient pas bons. Et la suite nous a donné raison.
Comment ?
Parce que ceux qui étaient au gouvernement n’ont pas pu continuer.
Si c’est Gackou, il n’a pas été limogé ; il a démissionné.
Il a démissionné, mais il était ministre des Sports où il a été changé.
Vous insinuez qu’il n’était pas compétent dans ce département.
En tout cas, il a été changé. Et même au ministère du Commerce, je considère sa démission comme une fuite de responsabilités.
Ah oui ?
Oui, parce qu’il y avait des dossiers chauds qu’il n’arrivait pas à résoudre. Alors que quand Alioune Sarr est arrivé, il a trouvé des solutions aux dossiers de la ferraille, de la farine, du sucre.
On a peur de Alioune Sarr ?
Bien sûr !
Qui a peur de lui ?
Ceux qui veulent donner le parti à Gackou et Gackou lui-même. Peut-être que c’est quelqu’un d’autre même que Alioune Sarr qui va succéder à Niasse. En tout cas, on ne fera pas d’O.P.A sur ce parti.