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Enquête Plus N° 1084 du 23/1/2015

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Difficultés d’application des normes communautaires: Les juges expriment leurs frustrations
Publié le samedi 24 janvier 2015   |  Enquête Plus


Rentrée
© Présidence
Rentrée solennelle des Cours et Tribunaux présidée par le chef de l`État
Dakar, le 22 Janvier 2015 - Le président Macky Sall a présidé l`audience solennelle de la rentrée des Cours et Tribunaux à Dakar.


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Embarras ! Frustration ! Ces deux sentiments habitent de plus en plus les juges sénégalais, depuis qu’ils sont obligés d’appliquer les normes communautaires dans leurs jugements. Ils l’ont exprimé hier à l’occasion de la rentrée des Cours et tribunaux, tout en appelant à une réflexion sur ces difficultés. Le président de la République leur a suggéré de prendre le temps de ‘’digérer’’ ces nouvelles règles.



La rentrée solennelle des Cours et tribunaux a eu lieu hier. Présidée par le chef de l’Etat Macky Sall, la rencontre a été axée sur l’application des normes communautaires par le juge sénégalais. Il ressort des différentes interventions que les juges sénégalais sont habités à la fois par un sentiment de frustration et de confusion. Car, les lois communautaires, censées harmoniser la répression des infractions dans un cadre sous-régional, ont une priorité sur le droit interne des Etats. Elles jouissent d’une effectivité immédiate qui oblige le juge à veiller à leur application et font de lui un juge communautaire de droit commun.

Seulement, il existe différentes organisations sous-régionales d’intégration et chacune d’elles rédige des textes communautaires. Les lois sont parfois concurrentes et même souvent contradictoires. Or, il n’existe pas de relations de primauté entre les différentes normes communautaires. «Dans le cadre d’un procès, l’invocation de deux normes contradictoires d’égale valeur est susceptible d’occasionner une situation à la limite embarrassante pour le juge national qui, en raison de l’absence d’une quelque hiérarchique entre les règles en cause, peut avoir une difficulté certaine à mettre en avant un critère objectif pouvant permettre de prioriser l’une d’elles au détriment de l’autre», s’inquiète le conseiller référendaire à la Cour suprême Idrissa Sow, chargé de lire le discours d’usage.

Quant à la frustration du juge, il vient du sentiment, non moins fondé du reste, d’être dessaisi des compétences que lui confère la loi interne au profit des considérations communautaires. En fait, précise M. Sow, la particularité du système juridictionnel de l’OHADA est que le juge national n’a pas l’exclusivité dans le règlement des litiges qui nécessitent l’application des actes uniformes.

De ce fait, quand la Cour communautaire est saisie, elle devient compétente et les autres juridictions sont dessaisies. Cela occasionne chez le juge national une frustration consécutive à l’effritement de ses compétences. Confiné à un «rôle marginal», selon l’expression du bâtonnier de l’ordre des avocats, Ameth Ba, le juge national montre des velléités de résistance vis-à-vis de la Cour communautaire. Il estime donc que la redéfinition des compétences entre juridictions internes et communautaires et l’harmonisation des textes communautaires sont une urgence et une nécessité.

Le temps de la digestion

Par ailleurs, la frustration ne se limite pas uniquement au juge. Le citoyen aussi se sent victime, en étant obligé d’aller en Côte d’Ivoire pour saisir la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA). M. Sow précise que «le dessaisissement total des juridictions nationales de cassation (…) a entraîné pour les justiciables une situation d’éloignement préjudiciable à leur droit d’accès à la justice».

Le président Macky Sall est du même avis que la famille de la justice. Il reconnaît les difficultés nées de l’application des normes sous-régionales. Il n’est pas convaincu cependant de la nécessité de réécrire les textes. Il demande ainsi au juge de prendre le temps de se familiariser avec les nouvelles contraintes. «Nous avons une expérience d’intégration jeune, des textes en gestation. Prenons le temps de digérer les règles existantes», recommande-t-il.

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