De la politique budgétaire à la réforme de l’Etat, les résultats obtenus par le Sénégal dans le cadre de la 6ème revue de l'Instrument de soutien à la politique économique (ISPE) quoique « contrastés », augurent de bonnes perspectives aux yeux du Fonds monétaire international(Fmi). La cadence des réformes est cependant jugée quelque peu timorée notamment dans le secteur de l’Energie dont la lenteur des réformes constitue pour l’institution financière, un « obstacle majeur ».
«L'émergence économique ne se décrète pas, elle se construit ». Commentant ainsi les résultats de la sixième revue des résultats économiques obtenus par le Sénégal dans le cadre de l'Instrument de soutien à la politique économique (ISPE), Boileau Loko, Représentant résident du Fmi au Sénégal, a estimé que les perspectives économiques restaient « très bonnes », au regard de l’atteinte par le gouvernement sénégalais de tous les critères quantitatifs fixés en mi-2013 dans le cadre des réformes poursuivies. M. Loko s’exprimait, hier mercredi, lors d’un échange avec des membres du Collectifs des journalistes économiques du Sénégal(Cojes).
Très à cheval sur la politique budgétaire, les services du FMI se félicitent des mesures déjà annoncées par le gouvernement dans sa dynamique de rationalisation des dépenses courantes, visant ainsi à éliminer les dépenses non productives et à accroître l'investissement afin de garantir des dépenses publiques plus efficientes et favorables à la croissance.
L’institution financière est d’autant plus emballée par la « détermination » des autorités sénégalaises à préserver la viabilité de la dette et à rétablir les marges de manœuvre budgétaires que, malgré d'importantes moins-values de recettes enregistrées, l'objectif de ramener le déficit budgétaire à 5,4 % du PIB en 2013 reste maintenu. Toutefois, analyse le Fmi, la réduction du déficit budgétaire reste tributaire du renforcement du recouvrement des recettes. L'idée, selon M. Loko, « n'est pas d'imposer plus les gens, mais d'augmenter la base taxable. »
820 milliards divisés par 50
De même, dans ses efforts de rationalisation des dépenses publiques, le gouvernement semble convaincre le Fonds à travers la réforme en cours des agences de l'État qui, comme le rappelle le rapport du Fmi, se sont multipliés dans les années 2000 et « ont nui à la transparence des dépenses publiques, au contrôle des dépenses, à la gestion budgétaire et à l'efficacité de la dépense publique ». Le rapport de mentionner, pour illustration, une étude récente concernant plus de 50 agences qui gèreraient environ 820 milliards de francs CFA (soit environ la taille du budget d'investissement). Des agences qui comptent environ 3000 travailleurs salariés avec une rémunération moyenne deux fois plus élevée que dans la fonction publique (et davantage encore pour les cadres supérieurs).
Leur suppression ou fusion qui semble agréer le Fonds ainsi que le processus de restructuration dont l’achèvement est prévu pour avant fin 2014, pourrait toutefois se traduire initialement par des coûts même si à terme, cela engendrerait des économies significatives.
En somme, si, comme dit plus haut, tous les objectifs quantitatifs fixés dans le programme ont été atteints et la sixième revue de l'ISPE conclue, les services du Fonds ont cependant pointé du doigt la « lenteur notable » dans la mise en oeuvre des réformes structurelles ainsi que le retard accusé dans la plupart des repères structurels.
Comme l’a établi le rapport du Fmi, le représentant résident du Fonds, Boileau Loko, est revenu sur « les lenteurs » qui subsistent toutefois dans la mise en œuvre de certaines réformes structurelles au titre desquelles « beaucoup de progrès » sont à faire. C’est le cas notamment dans le secteur de l'énergie. Au fur et à mesure des revues de l’Ispe, ce secteur est toujours revenu dans les préoccupations du Fonds qui estime que « La lenteur des réformes dans le secteur de l’énergie constitue un obstacle majeur à la croissance économique et comporte des risques budgétaires considérables ».
Le « cauchemar » du Fonds
Pour M. Loko, « Ce n'est pas nouveau, puisque ça fait des années que la question de l'énergie se pose.»Aussi la réforme du secteur énergétique reste-t-elle « une priorité macroéconomique » pour le Fmi qui gardent les yeux rivés sur les subventions « implicites et explicites » qui dépasseraient 2,5 % du PIB en 2012 (environ 180 milliards de francs CFA), les prix étant inférieurs d'environ 40 % aux coûts de production et figurent parmi les plus élevés d'Afrique subsaharienne (à environ 0,25 dollar par kWh).
Si le Fmi conçoit que l’appui budgétaire total au secteur devrait diminuer quelque peu en 2013 et 2014, essentiellement grâce à une meilleure composition de la production énergétique et, dans une moindre mesure, aux gains d'efficience réalisés à la Senelec et à la lutte contre la fraude, il estime toutefois que cet appui « restera considérable » et dépassera largement le montant budgétisé pour la subvention explicite (80 milliards et 60 milliards de francs CFA en 2013 et 2014 respectivement).
Par ailleurs, le Fmi adhère à la stratégie adoptée par les autorités pour résoudre ces questions et qui consiste à accroître l'efficience de la Senelec et à adopter des technologies de production plus efficaces (mix énergétique : centrales au charbon construites et gérées par des entreprises privées, par exemple). Mais jugeant « insuffisants » les progrès dans ces domaines au cours de l'année écoulée, le Fonds estime que la plupart de ces projets « mettront quelques années à atteindre le stade de la mise en service et donc à réduire durablement les subventions à l'électricité en l'absence d'un ajustement des tarifs ».
Sous ce rapport, le représentant résident du Fonds suggère l’adoption d’un échéancier « réaliste » pour la mise en oeuvre du plan d'investissement et de « focaliser les efforts sur quelques grands projets prioritaires ayant plus de chance d'aboutir. » Et d’ajouter : « Si le Sénégal veut vraiment accélérer la croissance, il faut qu'il continue les réformes dans le secteur de l'énergie. »