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Enquête Plus N° 1074 du 16/1/2015

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Travail des enfants dans les sites d’orpaillage de Kédougou: L’avenir hypothéqué des enfants de Bantaco
Publié le samedi 17 janvier 2015   |  Enquête Plus




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A Bantaco, village situé à 42 km de Kédougou, des enfants envahissent chaque matin, sauf le lundi, le site d’orpaillage appelé « Dioura » en langue Malinké. Ils y extraient l’or dans des conditions extrêmement dures et dangereuses. REPORTAGE



Lundi 15 décembre 2014, il est 10 heures passées de quelques minutes dans le village de Bantaco, niché en plein forêt entre les montagnes. Ici, l’or reste le principal gagne-pain. Cette frénésie n’épargne personne, y compris les enfants qui, dès l’âge de 7 ans, travaillent dans le site d’orpaillage, dans des conditions extrêmement dures et dangereuses. A bas âge, ils manipulent le mercure très toxique pour extraire l’or.

Ici, tout tourne autour de la recherche de ce métal précieux. Cependant, son extraction repose sur un désastre écologique et social dans cette partie du Sénégal. Dès le matin, de bonne heure, hommes, femmes, enfants effectuent le trajet jusqu’aux sites d’orpaillage pour y travailler clandestinement. Dans cette contrée, la soif de l’or est tellement forte que les gendarmes déployés sur la zone ont du mal à contenir les habitants.

Pour les enfants, leur présence dans les sites d’orpaillage est synonyme de désertion des salles de classe. Pour le visiteur qui met les pieds pour la première fois à Bancato, le travail de ces enfants est la première chose qui frappe. Il est étreint par une forte émotion qui peut lui faire verser des larmes.

La dure réalité du travail des enfants dans le site d’orpaillage

Dans le site d’orpaillage situé à l’est du village, les enfants descendent dans les entrailles de la terre, en rampant à travers des passages étroits et mal éclairés, où l’air est chargé de poussière. Le risque d’accident est permanent. Dans ces boyaux, ils ne sont pas à l’abri de chutes de pierres, d’explosions et même d’effondrement des cloisons.

A la force des bras, Aliou Keita, âgé de 13 ans, s’extirpe du passage étroit. Il vient de creuser à la verticale, sur 15 mètres de profondeur, sans appuis, ni échelle. Couvert de poussière, éreinté par trois heures de coups de pioche à 40° C, il esquisse un sourire pour répondre à la question de savoir s’il n’a pas peur d’être enseveli par le sable. « Non », dit-il. « Je gagne ma vie à la sueur de mon front. Donc, Dieu ne va pas me punir pour cela. Chaque jour, je peux gagner 3500 à 10 000 francs CFA. Cet argent me permet de subvenir à mes besoins, sans tendre la main, comme le font beaucoup de personnes de nos jours.»

Son compagnon, Moussa Ba, âgé de 12 ans, a commencé ce travail, il y a trois ans. Il descend dans le trou quatre fois par jour, sauf le lundi, supposé être un jour de malheur par les fétiches des orpailleurs. Au fond de ce cachot exigu, à genoux, il creuse la roche, dans l’espoir fou de découvrir un jour le filon qui fera sa fortune. A l’en croire, il gagne par semaine 15 000 à 30 000 francs CFA. « Le seul trésor des habitants de ce village, c’est l’or. Nous ne pouvons pas nous adonner à la culture vivrière. Car, notre village est construit sur des rochers et des montagnes. Aujourd’hui, notre seul espoir de gagner notre vie repose sur l’or que nous trouvons dans ce site », soutient-il. « Comme je rêve d’avoir une très belle maison, une belle voiture, une grande famille, des enfants qui seront dans de bonnes conditions, il faut alors que je travaille dur», dit-il avec sérieux.

Pas question de respecter la décision de fermer les sites

A la question : pourquoi personne ne respecte pas la décision de l’Etat de fermer les sites d’orpaillage de la région de Kédougou ? Moussa Ba répond avec calme : « Est-ce que l’Etat nous donne à manger ? ». A son avis, avant de fermer les sites d’orpaillage, l’Etat « devrait tout d’abord créer des fermes agricoles et des emplois ». « Et si les gendarmes vous surprennent dans les trous, qu’est-ce que vous allez dire ? ». « Les gendarmes ne peuvent pas nous surprendre. A chaque fois qu’ils arrivent sur les lieux, nous sommes alertés par le vrombissement des moteurs de leurs véhicules. Ainsi, nous restons calmes dans les trous », répond-il.

Le jeu de cache-cache avec les gendarmes

Dans ce site d’orpaillage, les enfants concassent des pierres, transportent des minerais, sélectionnent les pierres précieuses, cherchent l’eau et lavent l’or, sous la chaleur caniculaire. L’exploitation de l’or à Bantaco échappe à tout contrôle. Selon des témoignages recueillis auprès des populations, l’emploi des enfants dans les sites d’orpaillage est étroitement lié à la pauvreté qui sévit dans la localité. S’y ajoute la mesure de fermeture et le jeu de cache-cache avec les gendarmes.

Kassa Keita, président du groupement d’intérêt économique (GIE), par ailleurs conseiller à la commune de Tomboronkoto, déplore cet état de fait. «Aujourd’hui, nous traversons une période difficile. Car, pour trouver de quoi nourrir sa famille, il faut se cacher pour aller travailler dans le « Dioura ». Et une fois là-bas, tu es obligé de courir de gauche à droite, parce qu’il y a la gendarmerie qui effectue des descentes sur le terrain. Or nous sommes des pères de famille. Nous devons nourrir nos familles, construire des maisons, acheter des motos pour nos déplacements, parce que nous vivons dans une zone enclavée où l’accès est difficile, et assurer nos soins médicaux ». Le conseiller, avec fatalisme, souligne qu’ils n’ont que l’exploitation de l’or pour cela.

Mamadou Camara, secrétaire du GIE de Bantaco et adjoint du chef de village, ne dit pas autre chose. «Depuis la fermeture du ‘’Dioura’’ en juin 2014, les gens ont des problèmes pour trouver de quoi subvenir à leurs besoins. Car, les populations vivent des revenus provenant de l’exploitation de l’or. Nous sommes choqués quand nous entendons parler du banditisme au niveau du site d’orpaillage. Tel n’est pas le cas. C’est l’Etat qui doit renforcer la sécurité et réglementer le secteur ».

Alcool, drogue et amphétamines

Dans la zone, enfants et adolescents descendent parfois à 20 voire 30 mètres de profondeur, sans casque ni gants, dans les galeries. Sous ces collines perforées, les affaissements ne sont pas rares. Ainsi, il faut du courage pour y aller. La plupart d’entre eux admettent prendre des stupéfiants pour se donner du courage. Alcool, chanvre indien ou amphétamines sont les mieux utilisés au quotidien dans ces sites. « Si tu ne prends pas de stupéfiants, le lendemain, tu ne pourras pas y retourner. Presque tous, nous fumons », avoue Tabara Sissoko, âgé de 16 ans.

Blessures, maladies respiratoires, manipulation de mercure ou de cyanure, chaque étape comporte des risques, plus ou moins immédiats. Bintou Camara et Awa Keita, âgées de 11 et 12 ans, ignorent qu’en écrasant le minerai, elles respirent, chaque jour, des particules de silice qui attaquent leurs poumons. L’orpaillage avec ses conséquences désastreuses a de beaux jours devant lui dans cette partie sud du Sénégal. Des solutions et des mesures d’accompagnement de l’Etat et ses partenaires sont plus que nécessaires aujourd’hui pour faire face à ce phénomène.

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