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Enquête Plus N° 1073 du 15/1/2015

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Incidents d’audience à la CREI: Me Amadou Sall expulsé, Karim Wade brutalisé
Publié le vendredi 16 janvier 2015   |  Enquête Plus


Le
© aDakar.com par DF
Le procès de Karim Wade s`est ouvert à Dakar
Dakar, le 31 Juillet 2014 -Karim Wade, le fils de l`ex- président de la république du Sénégal, a fait face aux juges de la Cour de Répression de l`Enrichissement Illicite (CREI). Ancien ministre durant le règne de son père, Karim Wade est accusé de s`être enrichi de façon illicite.


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La journée d’hier a certainement été la plus tumultueuse depuis le début du procès Karim Wade. Maître Amadou Sall expulsé, Karim Wade brutalisé dans le box des accusés, Henri Grégoire Diop dépassé par les événements, des partisans de Karim en transe sortis de force de la salle, des témoins renvoyés une énième fois… les participants n’ont pas eu le temps de s’ennuyer. Récit.



La solennité des débats a pris un coup, la respectabilité de la Cour écornée, hier. Les duels oraux larvés entre le président Henri Grégoire Diop et l’avocat de la défense Me Amadou Sall ont finalement éclaté au grand jour. Même si dans les couloirs, l’on s’accorde sur la nature provocatrice de Me Amadou Sall, beaucoup de personnes s’étonnent que le président de la Cour se soit laissé pousser à l’erreur par l’avocat de Karim.

L’audience d’hier n’a pourtant pas commencé sur les chapeaux de roue. Me Tamaro Seydi en retard, c’est l’ancien directeur général de la Senelec, Seydina Kane, qui a été appelé à titre de témoin. Après près de deux tours d’horloge à répondre aux questions du juge, de ses assesseurs, du substitut Félix Diome et des avocats de la partie civile, Me Amadou Sall, l’ancien ministre de la Justice, a commencé son contre-interrogatoire.

Après une suspension d’audience de cinq minutes, le jeu de questions reprit. Il fut question du plan Takkal, du redressement de la Senelec, des centrales de Tobène, St-Louis ou Taiba Ndiaye… Le président Henri Grégoire Diop estima que les questions de l’avocat étaient digressives. «Nous ne sommes pas là pour faire le procès du plan Takkal, allez droit au but. Posez des questions sur Black Pearl», suggéra Henri Grégoire Diop à l’avocat. Piqué au vif, ce dernier répliqua sèchement : «Vous ne pouvez pas faire de commentaires sur mes questions. J’en pose comme il me plaît. Vous déciderez de ne pas les répertorier au témoin», rétorqua Me Sall. Une réponse balayée par le président de la Cour qui cita le code de procédure pénale.

La joute verbale qui s’ensuivit aurait pu être classée au registre des épiphénomènes, si le juge Diop n’avait pas allumé une mèche, en mettant en doute les compétences de Me Sall. «Vous faites exprès de créer des incidents. On est dans ce métier depuis longtemps, on connaît les bons avocats et les mauvais avocats», lança-t-il. La réponse de Me Sall ne s’est pas fait attendre et a respecté le parallélisme des formes. «J’ai été ministre de la Justice. Je reconnais les bons juges des mauvais», rétorqua-t-il. Des échanges discourtois qui ont finalement poussé le président à demander l’expulsion de Me Sall. L’ordre fut transmis aux gendarmes qui, interdits devant la tournure des événements, se sont finalement exécutés, après plusieurs sommations du président de la Cour. ‘‘Nous ne sommes pas dans une cour martiale’’, s’est écrié Me Abdou Dialy Kane, dirigeant la petite fronde des avocats de la défense qui ont quitté la salle. «Il ne sortira pas sinon, faites-le sortir par la force et venez nous faire sortir tous», renchérit Me Madické Niang.

Les partisans de Karim Wade dans le public s’en sont mêlés, provoquant un brouhaha total. Entre pleurs, transes, invectives, les gendarmes ont éprouvé les plus grandes difficultés à faire sortir les récalcitrants. La Cour profanée a tenté de poursuivre les débats, mais en l’absence de la défense, l’audience a vite été suspendue pour l’après-midi.

Les EPI malmènent Karim physiquement

A 14h 30mn, alors que des bruits feutrés résonnaient dans la salle, avec le public qui remplissait peu à peu la salle pour la reprise de l’audience, des cris stridents des partisans de l’ancien ministre de l’Énergie firent sursauter tout le monde. La scène a été tellement furtive que beaucoup se sont demandé ce qui s’est passé. Les gendarmes dans la salle ont tout fait pour empêcher la presse de voir, mais c’était peine perdue.

Juste avant l’entrée du président et de ses assesseurs, Karim Wade a été brutalisé par les éléments pénitentiaires d’intervention (EPI) dans le box des accusés. Refus de comparaître, après l’expulsion de ses avocats dans la matinée ? Réticence à entrer dans le box les mains menottées ? L’on ne saurait dire pourquoi, mais les préposés à la cave, hors d’eux, l’ont plaqué au sol, puis relevé et traîné de force à sa place, devant le regard incrédule de son codétenu Mamadou Pouye. ‘‘Mission accomplie’’, souffla ensuite le responsable des EPI dans son oreillette, visiblement en communication avec quelqu’un.

Le prévenu le plus célèbre du Sénégal était haletant et boitillait à l’appel du juge Diop. ‘‘Je me suis fait tabasser dans le box des accusés. On m’a fait tomber par terre en tapant dans le genou. Mais ne vous inquiétez pas, je ne vais porter plainte contre personne’’, déclara-t-il, une légère pointe d’ironie dans la voix. Très en verve Karim Wade a profité de ce contexte tendu pour renforcer son image de victime expiatoire. Après une demande de suspension d’audience pour constituer d’autres avocats et le refus de la Cour, Wade-fils s’est laissé aller à une bravade fataliste : «Il faut arrêter tout ce cinéma. Vous avez déjà votre verdict en poche. Cela ne sert à rien de continuer les plaidoiries et les témoignages. Condamnez-moi tout de suite», déclara-t-il. Des déclarations que le président a demandé aux greffiers de consigner, malgré les dissuasions de ses assesseurs.

Me Borso Pouye radoucit Henri Grégoire Diop

Si on ne peut pas reprocher au président de la Cour son respect des textes, son intransigeance à appliquer le code de procédure pénale à la lettre l’a desservi. La stratégie des avocats de Karim a visiblement porté ses fruits. Acculé, énervé, intransigeant, le président Diop sur la défensive a enchaîné refus sur refus. Après l’expulsion de Me Sall, la comparution forcée de Karim, le refus de lui accorder un délai conséquent pour constituer de nouveaux avocats, le manque de compromis du juge a presque gâché l’audience d’hier.

Seule une requête bienséante de Me Borso Pouye l’a fait revenir à des meilleurs sentiments. «Je sollicite, qu’il vous plaise, pour la sérénité des débats, de bien vouloir suspendre cette audience à lundi». Cette demande s’est heurtée au refus du procureur spécial Cheikh Tidiane Mara. ‘‘Les avocats de Karim ne se sont pas déportés’’, a-t-il déclaré. Mais, la demande a eu le mérite de faire tomber la tension d’un cran. Après une suspension de séance, la Cour a renvoyé l’affaire jusqu’à aujourd’hui 10 h.

Me Madické Niang ‘‘ Outré et meurtri’’

Les avocats de la défense qui ont quitté la salle par solidarité envers Me Amadou Sall ont improvisé une conférence de presse. Me Madické Niang, qui parlait en leur nom, a déploré l’expulsion de son collègue. ‘‘Pour la première fois, je vis un événement tragique. Un président de tribunal qui ne se contente pas de priver un avocat de parole mais demande son expulsion en sommant les forces de l’ordre de le faire. J’en suis outré et meurtri. S’il s’agit d’expulser Amadou Sall, d’une ancienneté pas négligeable, 33 ans de barre, et Garde des sceaux comme moi, il faut nous expulser tous. La première des règles de ce corps est la solidarité. Quelqu’un qui a énormément besoin d’avocat en est privé.

C’est une violation très grave des droits de la défense, mais surtout l’exigence d’un procès équitable. Il était plus simple pour le président de laisser Me Sall poser ses questions et de demander au témoin de ne pas répondre. Mais on a entendu ses commentaires sur les bons et les mauvais avocats. C’est le moment pour nous d’interpeller le monde de la justice, les organisations des droits de l’Homme sur les conséquences graves d’un tel acte.

On n’expulse jamais un avocat de la salle, on peut lui retirer la parole. Et tout ceci dans le cadre du procès de l’histoire le plus médiatisé du Sénégal. Nous, les avocats, lui sommes totalement solidaires. Nous ne retournerons pas dans la salle, tant que des garanties sérieuses ne nous seront pas apportées pour un bon déroulement de ce procès, dans les conditions d’exigence d’une justice équitable, et de la prise en compte des droits de la défense. Je suis un homme courtois et correct, mais cette fois-ci, je suis sorti de mes gonds. C’est comme si le président voulait sauter de son siège pour frapper notre confrère.’’

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