Le commissaire aux comptes de la plupart des sociétés présumées appartenir à Karim Wade (Cd Média groupe, Ahs Sénégal, Black Beart Finance...) a comparu hier, lundi 12 janvier, à la barre de la Cour. Ecartant l’implication de Karim Wade dans les sociétés où il assure le commissariat des comptes, Oumar Samb a fustigé la gestion de l’administrateur provisoire, M. Sylla, qui l’a éloigné de l’administration provisoire. Suffisant pour que la défense demande une confrontation entre le témoin et l’administrateur provisoire.
Le temps de solder les comptes dans certaines sociétés présumées appartenir à Karim Wade dans son patrimoine évalué à 117 milliards serait-il arrivé ? En tout cas, ce n’est pas l’expert comptable rompu à la tâche, Oumar Samb, qui dira le contraire, lui qui s’est adonné sans réserve à l’exercice hier, lundi 12 janvier 2015. Ayant rempli, à un moment donné, les fonctions de commissaire aux comptes dans les sociétés AHS Sénégal, Abs Sa, Black Beart finance, 3aug, Cd média group, Harstand, il a fait usage de son talent de comptable pour manier, expliquer et expliciter les concepts qui , à ses yeux , paraissaient flous au niveau des avocats et parfois même chez les représentants de la société (parquet spécial). “Ce n’est pas ça”, “il faut distinguer le nom commercial et la marque” n’a-t-il cessé de dire.
De ses déclarations, il est ressorti par ailleurs un témoignage de taille écartant l’implication de Karim Wade dans les sociétés où il officiait. “Je n’ai entendu le nom de Karim Wade que quand cette affaire a éclaté. Il n’y a aucun fond qui est destiné à un ministre ou à Karim Wade. C’est pourquoi, Karim Wade ne peut pas avoir de dividendes”. Parlant précisément de la société Ahs, il a expliqué que “ les fonds sont toujours orientés dans le but exclusif de ladite société”. Cependant, il s’est voulu nuancé dans son témoignage: “Toutes les sociétés étaient assujetties au paiement des redevances fiscales. Et à chaque fois que les services (les sociétés) ont eu des problèmes relatifs à la fiscalité, ils sont partis voir l’administration fiscale, maintenant je ne sais pas si Karim Wade intervenait ou pas”
BLACK OUT SUR CERTAINES OPÉRATIONS
Seulement, Oumar Samb a révélé que c’est à la barre de la Cour qu’il a été informé par le substitut du procureur spécial, Antoine Félix Diome, que l’argent transféré par Alioune Samba Diassé à partir de Abs Sa tombait sur un compte de Abs corporate appartenant à Bibo Bourgi et mandataires et Karim Abou Khalil et Mamadou Pouye. Oumar Samb a reconnu n’avoir jamais été au courant d’un tel état de fait. Et pourtant, le magistrat Antoine Diome n’a cessé de lui dire qu’en tant que commissaire aux comptes, il a un rôle consistant à vérifier la régularité des opérations et que, dans le cas échéant ,il devait saisir le procureur de la république sans que sa responsabilité ne soit engagée.
Oumar Samb révélera alors qu’il avait déja initié les démarches, car quand l’affaire a éclaté, selon ses dires, il s’est crû berné. C’est la raison pour laquelle, a-t-il estimé, il n’a pas hésité à voir Bibo Bourgi et Mamadou Pouye pour leur demander les éléments justifiant qu’ils sont associés. Selon Oumar Samb, ces derniers lui ont produit des documents montrant qu’ils sont associés.
“ARRÊTEZ, MONSIEUR LE PROCUREUR, CE N’EST PAS DU FAUX...”
L’incompréhension fut toutefois grande entre Oumar Samb et le substitut du procureur spécial, Antoine Félix Diome. Alors que le commissaire aux comptes affirmait mordicus qu’il ne pouvait tout connaitre dans une société qu’il ne contrôlait pas, le magistrat Diome ressassait qu’il devait veiller à éviter des irrégularités et saisir dans le cas d’espèce le procureur de la république. Un véritable dialogue de sourds s’est alors installé entre les deux hommes.
Pis, le commissaire aux comptes Oumar Samb n’a pas pu se retenir quand le substitut du procureur spécial lui a demandé si c’est cette volonté de chercher des explications qui l’a poussé à écrire des rapports différents. “Arrêtez, monsieur le procureur, ce sont les usages, ça se fait, ce n’est pas du faux”, s’est-il emporté. Et Diome de répliquer : “Monsieur le Président, je ne permets pas au témoin de me parler comme ça”. Il a fallu l’intervention du Président de la Cour Henri Grégoire Diop pour recadrer le témoin qui s’est alors confondu en excuses. A son entendement, il est difficile de savoir qui est derrière une société qu’il ne contrôle pas. Il n’y a aucun document qui met Bibo Bourgi dans Abs.
“CE SONT LES ACTIONNAIRES QUI RÉCUSENT ET NON L’ADMINISTRATEUR...”
La défense a profité de l’audience pour revenir sur l’administration provisoire de la société Ahs. Oumar Samb , commissaire aux comptes, a déclaré alors ne rien connaître de la société Ahs puisque, a-t-il fait savoir, “ayant bénéficié du mandat des actionnaires, le jour où j’y suis allé, quatre individus m’ont interdit d’y accéder. Ainsi, je ne peux rien certifier”. Et pourtant , il croit fermement que “la société appartient non pas aux dirigeants mais aux actionnaires, je représente les actionnaires qui m’ont donné leur mandat”.
C’est pourquoi d’ailleurs il n’a pas manqué, a-t-il dit, de rire quand l’administrateur provisoire, M. Sylla, l’a déclaré démissionnaire. Oumar Samb a de fait dit n’avoir pas été surpris dans la mesure où le combat entre lui et l’admistrateur provisoire a une cause. “il m’a demandé de lui communiquer les rapports des commissaires aux comptes antérieurs, j’ai réfusé. Je lui ai dit que je ne rends compte qu’à l’assemblée générale de la société. Je suis tenu au secret professionnel et je ne rends compte qu’à l’assemblée génèrale”, a-t-il déclaré. Et d’ajouter: “quand il m’a recusé, je lui ai dit qu’il appartient aux actionnaires de récuser et non aux dirigeants. J’ai saisi la Commission d’instruction de la Crei pour exercer le mandat qui m’a été donné par les actionnaires. J’ai eu gain de cause et jusqu’à présent, je ne peux pas exercer mes fonctions”. Suffisant pour que Me Demba Ciré Bathily sollicite de la Cour une confrontation entre l’administration provisoire et Oumar Samb.