Il a refusé la fatalité. Cela lui a évité de tendre la main dans la rue pour vivre. Handicapé à 4 ans, Diélaniou Bâ, 42 ans, tôlier de formation, provoque la chance chaque jour pour atteindre les étoiles. Il surmonte tous les sauts d’obstacles pour gagner dignement sa vie. A Kédougou, sa silhouette se fond dans le décor comme si de rien n’était. Marié, père de 2 filles et un garçon, M. Bâ cherche à diversifier ses partenaires pour rendre prospère son atelier.
Il prend son destin en main. Handicapé à 4 ans, Diélaniou Bâ traîne sa silhouette dans les rues de Kédougou. Lui ne tend pas la main pour vivre. Mais prend en charge sa vie comme tous les valides. A l’heure où le Sénégal peine à lutter contre la mendicité dans les rues de la capitale et ailleurs dont la plupart des acteurs sont des mendiants et des personnes handicapées, Diélaniou Bâ est un bel exemple de réussite. Il mérite d’être cité pour lutter contre ce phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur au Sénégal.
Il est né valide. Mais a été rattrapé par un handicap à 4 ans. «Je ne suis pas né comme ça», dit-il. Il raconte les circonstances de son handicap : «C’est lors d’un voyage avec ma maman qui devait se rendre chez elle au village que j’ai perdu l’usage de mes membres inférieurs.»
Aujourd’hui, ce handicap ne constitue pas un obstacle pour lui. L’accident n’a pas étouffé ses ambitions. «J’ai décidé de prendre mon courage à deux mains pour aller apprendre un métier : la tôlerie.» Pourquoi ? «Je ne voulais pas finir dans la rue pour mendier», répond-il. Pendant 16 ans, il se serre la ceinture pour maîtriser les rudiments du métier. Avant d’ouvrir son atelier. Ce fût long et pénible. Pendant ces années d’apprentissage, il faisait plus de 1,5 Km sans moyen de locomotion. Mais il est tombé sur une âme sensible qui a commencé à changer le cours de sa vie. «Un jour, narre-t-il, j’ai croisé une bonne sœur sur mon chemin qui a promis de m’acheter un vélomoteur pour faciliter mon déplacement.» Promesse tenue au grand bonheur de Diélaniou Bâ. «Ça m’a beaucoup aidé et encouragé dans l’apprentissage de mon métier. Pour moi, ce n’est pas normal qu’on descende dans la rue pour mendier sous prétexte qu’on est handicapé», dit-il. Il étale ses regrets. A Kédougou, dit-il, les personnes vivant avec un handicap sont toujours laissées «en rade même si le service de l’Action sociale vient de temps en temps à leur rescousse avec ses maigres moyens». Pour inverser la tendance, Diélaniou Bâ exhorte le gouvernement de Macky Sall à faire encore plus attention aux couches vulnérables auxquelles font partie les personnes invalides en les dotant de financements et en renforçant leur capacité «afin qu’elles soient autonomes et indépendantes financièrement pour pouvoir subvenir à leurs besoins comme les personnes valides». Jusqu’à maintenant, il roule toujours à bord de son vélomoteur presqu’en état d’arrêt. «C’est un risque que je prends, mais je l’assume», sourit-il.
«Je ne sens pas la présence des compagnies minières»
Réputé dans son domaine dans la région de Kédougou, Diélaniou Bâ peine toujours à percer le marché des compagnies minières avec lesquelles il a toujours souhaité collaborer pour satisfaire leurs commandes en matière de tôlerie. «Après moult tentatives, je n’arrive toujours pas à avoir un marché des compagnies minières», regrette-t-il. Il n’y va pas du dos de la cuillère pour marteler qu’il «ne sent pas la présence des compagnies minières dans la région de Kédougou. On ne gagne aucun marché avec elles. Comment peut-on savoir qu’elles existent à Kédougou ?», s’interroge-t-il. «Il arrive qu’elles sautent l’expertise locale pour aller passer leurs commandes ailleurs», ajoute-t-il. Aujourd’hui, il réclame plus de considération de la part des sociétés minières pour leur permettre de vivre de leur métier. Tout comme lui, ils sont nombreux les ouvriers qui se plaignent de la façon dont se passent les passations de marchés dans la région. Pour pallier cela, Diélaniou Bâ demande à l’Etat des subventions et des formations pour renforcer l’existant et développer d’autres pistes de développement.
Audience avec le chef de l’Etat.
Aujourd’hui, il multiplie les tractations et les demandes d’audience pour rencontrer le chef de l’Etat. «Mais je n’arrive toujours pas à obtenir satisfaction. D’abord avec l’ancien chef de l’Etat Abdoulaye Wade, j’avais tenté en vain et avec Macky Sall lors du Conseil des ministres délocalisé, j’ai réitéré mon vœu. Mais j’ai été laissé en rade», dénonce-t-il. Zappé par les politiciens de la région qui étaient plus préoccupés à régler leurs propres problèmes, il ne perd pas espoir et réitère sa demande à travers la presse «pour que le chef de l’Etat puisse recevoir sa demande d’audience». «Macky est un bon Président et on le soutient. Seulement, déplore-t-il, les intermédiaires posent souvent des difficultés aux personnes qui veulent accéder au chef de l’Etat». «Pour ma part, dit-il, je me suis battu depuis mon jeune âge pour arriver à ce stade et à travailler dignement à la sueur de mon front sans pour autant mendier comme le font certains. Alors, je crois que je mérite une oreille attentive des autorités de ce pays.» Que son vœu soit exaucé !