Pour les Gambiens vivant au Sénégal, l’expulsion de l’opposant Cheikh Sidya Bayo, l’arrestation aux USA de Gambiens impliqués dans le récent coup d’Etat et le mutisme de l’opinion, sont la preuve par mille que les Gambiens sont abandonnés à leur propre sort.
Si des Gambiens ont pu quitter les Etats-Unis pour venir risquer leur vie à travers un coup d’Etat, c’est parce que le désespoir a atteint des sommets dans ce petit pays intercalé entre les dents du Sénégal et dirigé d’une main de fer, depuis 20 ans, par le président Yaya Jammeh. C’est en substance ce qui ressort des avis de ressortissants gambiens vivant au Sénégal. Demba Jawo en fait partie et il reste convaincu que le président Jammeh ne pourra pas être défait à travers les urnes. ‘’Les gens en sont arrivés à un état de désespoir total. Les Gambiens ont épuisé toutes leurs cartes contre la dictature de Jammeh, voilà pourquoi ils risquent leur vie pour le démettre’’, déclare-t-il.
Même s’il condamne la tentative de prise de pouvoir par les armes, Doudou Job, quant à lui, attire l’attention sur les raisons qui ont poussé à cette extrémité. ‘’L’absence de démocratie en Gambie, marquée par la violation des libertés, a fini d’installer un climat de désespoir dans le pays. Le président Jammeh fait ce qu’il veut et personne ne dit rien’’, regrette M. Job. Une situation qui ‘’déçoit profondément’’ cette ressortissante gambienne qui vit et travaille dans une entreprise au Sénégal. Sous le sceau de l’anonymat, elle dit ne pas apprécier la position du Sénégal dans cette affaire. Tout comme celle des Etats-Unis, de la Guinée-Bissau et en général de la communauté internationale qui semblent encourager le régime de Banjul.
‘’L’expulsion de Kukoi Samba Sagna…’’
Elle explique : ‘’A travers les actes qu’ils ont posés, ces pays ne sont pas prêts à aider les Gambiens. Cela signifie que le peuple gambien est abandonné à son propre sort. Nous ne pouvons même pas avoir de l’information en provenance de la Gambie. Le régime de Banjul verrouille tout. Et personne ne dit rien, même pas le voisin le plus proche, notamment le Sénégal’’. De ce dernier pays, cette Gambienne n’attend rien : ‘’L’expulsion de l’ancien opposant gambien Kukoi Samba Sagna par le Sénégal, alors qu’il était malade et disposait même d’une nationalité sénégalaise, montre que le régime de Macky Sall n’est pas prêt à aider le peuple gambien. C’est un régime qui gère ses intérêts et c’est malheureux, car le Sénégal est le premier pays vers lequel les Gambiens se dirigent face à l’oppression’’.
Conflit en Casamance et construction du pont de Farafégny
Par rapport à l’expulsion décidée de l’opposant Cheikh Sidya Bayo, les ressortissants gambiens qui vivent au Sénégal regrettent la manière avec laquelle le régime sénégalais gère cette affaire. ‘’Bayo est un jeune Africain avant tout. Les autorités sénégalaises auraient pu l’appeler et le ramener à l’ordre, mais pas l’expulser vers la France’’, souligne Doudou Job. Une idée partagée par Demba Jawo : ‘’le Sénégal pouvait agir autrement, car il partage une longue histoire avec la Gambie. Pour les Gambiens, le Sénégal est avant tout une terre d’accueil et non un endroit d’où l’on nous expulse’’, dit-il sur un ton chargé de désolation.
Ces ressortissants soutiennent que le Sénégal se focalise plus sur la gestion du conflit en Casamance et la construction du pont de Farafégny, oubliant les souffrances du peuple gambien. A cause de ces deux questions, le régime de Macky ne veut rien faire qui irrite le président Jammeh, explique M. Jawo. Mais c’est une erreur, soulignent les Gambiens du Sénégal qui préviennent que Jammeh n’est pas un allié sur qui on peut compter. Il est ‘’versatile’’ et adore faire du ‘’chantage’’.
Troisième communauté africaine la plus représentée au Sénégal, après les Guinéens et les Maliens, les Gambiens constituent 7,1% de la population étrangère au Sénégal. Ce qui représente 12 811 résidents, selon les résultats du recensement 2014 de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie du Sénégal (ANSD).
